Les conférenciers présents à Webcom Montréal 2008 se sont penchés sur cette question qui peut sembler triviale dans l’environnement technologique actuel, mais qui ne l’est pas tant que ça. Survol des défis de l’Entreprise 2.0.
On aurait tendance à croire que les entreprises d’aujourd’hui carburent aux nouvelles technologies, mais ce n’est pas toujours le cas. La dernière édition de Webcom Montréal 2008 l’a démontré de façon assez claire.
Les 22 conférenciers qui y participaient se sont tour à tour évertués à démontrer les avantages supérieurs des technologies du Web 2.0 et les raisons pour lesquelles les entreprises devraient les adopter et ainsi devenir des « Entreprises 2.0 » ou « E2.0 ». On se serait cru en pleine séance d’évangélisation – d’ailleurs, ce terme a été employé à maintes reprises durant les présentations des conférenciers – ce qui indique que nous sommes en présence d’un phénomène émergent.
En commençant par la présentation de Geoffroi Garon, conseiller chez K3 Média, qui portait sur les nouveaux métiers de l’E2.0, dont tous ont une composante « évangélisante » importante. Au nombre de trois, les nouvelles professions nées du passage des entreprises aux concepts de l’E2.0 sont celles d’architecte de l’information d’animateur de communauté et de formateur de contenu hybride.
Les trois spécialistes, qui bénéficient actuellement d’un traitement très confortable, du moins aux États-Unis, doivent être des « visionnaires » et des « meneurs charismatiques » capables de rallier les employés à la cause de l’Entreprise 2.0. Alors que le premier agit à titre de gardien des connaissances, le deuxième doit faire en sorte de maximiser la collaboration et la participation des membres dans la communauté que constitue l’E2.0, Le troisième doit créer un environnement favorisant l’apprentissage des membres et l’implantation du concept de l’organisation apprenante dans l’entreprise.
Mais qu’est-ce exactement qu’une Entreprise 2.0? La tâche de définir cette nouvelle conception de l’entreprise est revenue à Andrew McAfee, professeur à la Harvard Business School, dont l’allocution a ouvert le programme de la quatrième édition de événement qui a rassemblé près de 400 personnes. Selon lui, l’E2.0 est, en substance, une organisation dans laquelle le capital humain se mobilise au sein d’un environnement collaboratif hérité du Web 2.0 permettant de générer du capital organisationnel. Ses trois éléments sont la collaboration, le partage et l’apprentissage.
Scepticisme
Maintenant un expert reconnu de l’E2.0, M. McAfee avoue cependant qu’au départ il était assez sceptique quant aux bénéfices que pouvaient apporter les technologies du Web 2.0 aux entreprises. « Les fournisseurs de technologies sont bons pour innover et parler de leur capacité à innover et je me suis dit que tout leur discours autour du Web 2.0 n’était qu’un exemple de leur capacité à parler d’eux-mêmes, dit-il. Mais après avoir consulté Wikipedia, j’ai été franchement épaté et je me suis dit que les entreprises pourraient très certainement profiter de cette notion qu’on appelle l’intelligence collective. Il ne s’agit pas juste d’une amélioration de technologies existantes. Ce sont des technologies et une approche complètement nouvelles. »
Le principal avantage offert par ce modèle organisationnel est qu’il permet de renforcer les liens existants entre les employés et d’en établir de nouveaux, auparavant impensables, et de ces liens émerge une véritable capacité d’innovation. « Tout le monde sait que c’est au niveau de l’organisation informelle que la majorité du travail est fait et que l’innovation survient, souligne M. McAfee. Les technologies du Web 2.0 rendent simplement cette organisation informelle plus visible. »
Pour que le modèle de l’E2.0 puisse triompher sur le marché, certains défis devront être surmontés, dont celui de la mise au rancart des actuelles technologies de collaboration, comme le courriel. « La masse critique est un facteur décisif. Il est toujours difficile de remplacer une technologie bénéficiant d’une masse critique considérable par une autre. Cette technologie doit être perçue comme étant vraiment meilleure pour la détrôner », d’affirmer M. McAfee.
Marketing 2.0
Frédéric Cavazza, un consultant indépendant, a pour sa part discuté de l’impact des médias sociaux sur le marketing. Bénéficiant d’un essor considérable, les médias sociaux comprennent les outils de publication, de partage et de discussion, les réseaux sociaux, les micropublications, les webdiffusions, les univers virtuels et les environnements de jeu en ligne massivement multijoueur (MMOG en anglais). Considérant que les créateurs des contenus disponibles sur ces médias en sont aussi les consommateurs, les approches de marketing traditionnelles doivent être complètement repensées pour être efficaces dans cet univers où tout le monde a quelque chose à dire.
« Aujourd’hui, le contenu est devenu une commodité et il n’y a plus d’exclusivité sur le contenu, soutient-il. À partir du moment où le groupe s’approprie le message diffusé dans les médias sociaux, on ne le contrôle plus, alors il faut au moins s’assurer d’en contrôler la source. Et dans cet univers, où les consommateurs sont très flexibles et n’hésiteront pas à commander en ligne à l’étranger un produit qui n’est pas encore disponible dans leur pays, il faut garder à l’esprit que les annonceurs y sont tous assimilés à des [polluposteurs]. Alors, il faut faire preuve de doigté. »
Considérant que les médias sociaux sont très volatiles et évoluent au gré des modes – au début il y eut les sites de partage de musique, puis les sites de partage de vidéo et maintenant les réseaux sociaux – M. Cavazza croit que les jeux en ligne massivement multijoueurs constitueront la prochaine génération de leviers sociaux. Le point d’origine de cette vague sera la Corée du Sud qui propose des environnements de socialisation ayant pour fondement le jeu en ligne. Les annonceurs auront intérêt à adapter leurs stratégies de marketing en conséquence, croit le consultant.
Concilier l’ancien et le nouveau
Une entreprise issue des médias traditionnels, Quebecor Media a, par l’entremise de son chef de la direction, Pierre-Karl Péladeau, montré comment il est possible de concilier l’ancien et le nouveau, dans la mesure où les nouveaux médias ont aussi une place dans la stratégie de développement de son entreprise.
« Les bouleversements ont été initiés avant d’être planifiés et organisés, lance-t-il. En 2003, qui aurait pu prévoir le développement qu’a connu ensuite Google? Chez Quebecor, nous avons saisi l’importance du Web il y a plusieurs années et y avons investi, alors que tout le monde nous reprochait de nous éparpiller. »
Estimant que le développement des médias numériques découle de la volonté des consommateurs de ne plus être passifs vis-à-vis les contenus qui lui sont proposés, M. Péladeau croit cependant qu’il est difficile d’appliquer aux médias numériques un autre modèle d’affaires que celui qui a fonctionné avec les médias traditionnels, soit la vente d’espace publicitaire. À la seule différence que la somme des marchés de niche y est plus importante que le marché principal, laquelle découle de la diversification des plateformes de diffusion.
Kathryn Everest, consultante senior en management chez IBM Canada, a démontré les multiples avantages qu’offre l’adoption des technologies propres aux réseaux sociaux dans les organisations, en prenant pour exemple son employeur. L’un des avantages principaux, selon elle, se situe au niveau de l’apprentissage. « Les gens n’apprennent plus de la même façon dans les entreprises, soutient-elle. Ils apprennent désormais au contact de leurs collègues. »
Les réseaux sociaux sont particulièrement appréciés des travailleurs du savoir qui y perçoivent un outil facilitant la gestion et le partage des connaissances, dans un contexte d’innovation. « Pour vraiment innover, ça prend des équipes multidisciplinaires, soutient Mme Everest. Mais le problème, c’est comment faire pour rassembler des gens aux profils variés? C’est là qu’entrent en jeu les réseaux sociaux. […] Les réseaux sociaux permettent aussi de réintégrer les retraités dans l’entreprise et ainsi faire profiter les autres de leur expérience, car il y a plusieurs retraités qui ne veulent pas devenir professionnellement inactifs. »
Les réseaux sociaux permettent aussi aux employés à l’étranger d’interagir plus facilement avec leurs collègues demeurés au pays. « Il y a une grande valeur dans les interactions qui ont cours dans les réseaux sociaux et ce n’est pas parce qu’on est loin qu’on ne peut pas en profiter », de conclure la consultante.
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.
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