Face à d’éventuels enjeux de relève des ressources humaines en TIC, le mentorat contribue au transfert des connaissances, à l’intégration au travail et même à l’attisement de l’intérêt de la jeunesse pour le secteur. Deux observateurs font état du concept qui peut être bénéfique pour toute organisation du secteur, peu importe son envergure.
Les départs massifs à la retraite, la mobilité de la main-d’œuvre et la réduction des inscriptions aux programmes d’enseignement suscitent bien des inquiétudes dans les organisations de toutes les sphères de l’économie. Plusieurs affirment que l’industrie des technologies de l’information et des communications (TIC), qui est relativement jeune, ne subira pas de sitôt des impacts prononcés de la première tendance.
Toutefois, le soutien de la relève constitue un enjeu croissant dans l’industrie, alors que le transfert des connaissances ‘de terrain’ par des gens d’expérience à ceux qui prendront le flambeau contribue grandement au développement des ressources humaines et de l’organisation qui les embauche. L’approche du mentorat, en vertu duquel les vétérans expérimentés parrainent de vertes recrues, constituer un élément clé de l’assurance de la relève de l’industrie québécoise des TIC.
Benoît Leduc est conseiller en ressources humaines à l’organisme TECHNOCompétences, qui est voué au développement de la main-d’oeuvre et de l’emploi dans le secteur des TIC. À propos du recours au mentorat par l’industrie québécoise, M. Leduc indique que des gestionnaires et des présidents d’entreprises, par le biais des services de l’organisme, sont référés à la Fondation de l’entrepreneurship qui procédera à un jumelage avec une personne-ressource.
De grandes entreprises ont également comme pratique d’associer les nouveaux employés à des « parrains ». Ces derniers tiennent des rencontres hebdomadaires ou mensuelles, pour réviser les objectifs et voir comment se déroulent les choses pour les nouvelles recrues, afin de favoriser l’intégration des employés et les aider à s’orienter autant du point de vue technique qu’organisationnel. Et du côté de la petite et de la moyenne entreprise, le mentorat s’utilise d’une façon plutôt officieuse, alors que le directeur des opérations qui dirige la ‘boîte’ a comme mandat de « coacher les jeunes ».
Même si les enjeux de relève sont moins prononcés dans l’industrie des TIC qu’ailleurs, l’application de pratiques de mentorat peut être des plus utiles pour toute organisation.
« Nous sommes dans une industrie très jeune, et les départs à la retraite surviendront dans plusieurs années parce que la moyenne d’âge est très basse en comparaison avec plusieurs industries. Instaurer un plan de mentorat pourrait être une nécessité, parce qu’on ne perdra pas le savoir tacite et qu’on aura un meilleur transfert des compétences et des connaissances entre les employés », croit M. Leduc.
En soulignant que les employés du domaine des TIC sont extrêmement polyvalents, M. Leduc estime que le mentorat permet à une personne faisant son entrée sur le marché du travail de toucher à d’autres domaines. « Dans une PME, cette personne aura à toucher à pas mal tout. Si une personne diplômée en programmation a une personne qui lui montre un peu d’administration de réseau, d’analyse et de création de site Web, cela lui donnera plus de cordes à son arc. »
De l’intérêt et du temps
Lorsque l’organisation ne compte pas de mentor potentiel, notamment pour les gestionnaires de haut niveau, il faut en trouver un ailleurs. Est-ce que les entreprises des TIC sont enclines à agir ainsi?
« En général, l’industrie est ouverte et extrêmement créative, alors que les défis sont nombreux en TIC. Le mentor ne provient pas nécessairement du même secteur, alors que la Fondation de l’entrepreneurship va rarement jumeler un ancien président de TI avec un jeune entrepreneur qui commence en TI. Il proviendra souvent des milieux différents, afin de parler des stratégies d’entreprise d’une façon plus objective », constate M. Leduc. Voilà de quoi rassurer ceux qui craignent les regards indiscrets…
D’autre part, M. Leduc indique qu’un bon mentor doit avoir un sens prononcé pour la communication, être attentionné, assurer un suivi et surtout avoir du temps à accorder à un mentoré. D’ailleurs, l’entreprise doit appuyer le mentor dans cette activité qui ne consiste pas en « une job de plus » pour le parrain.
« Il faut lui « libérer » quelques heures pour que le mentor effectue ses rencontres et que ce soit bien intégré dans son travail. Par exemple, cela peut être de payer un lunch au mentor et au mentoré, pour qu’ils soient ensemble, qu’ils puissent parler et qu’ils ne soient pas dérangés. Mais il n’y a pas qu’une façon de faire. »
L’expérience en partage
Georges Bourelle est le président-directeur général du CIREM, un organisme sans but lucratif affilié à l’école HEC Montréal qui est voué au perfectionnement des cadres supérieurs de langue française. Il a également été président du fabricant d’autobus Prévost Car, où il a agi à titre de mentor.
M. Bourelle confirme qu’une personne avec moins d’expérience bénéficiera du mentorat en évitant de faire des erreurs, parce qu’elle sera conseillée par quelqu’un qui aura vécu ces expériences.
« Pour la personne qui est déjà ‘passée par-là’, il est important de poser les bonnes questions: as-tu pensé à telle chose? As-tu réfléchi à telle situation? Quelles sont les options que tu peux entrevoir? Il y a toute une série de questions qui suscitent beaucoup de réflexion auprès des personnes qui ont recours au mentorat. Mais un bon mentor ne prend pas de décision. Il s’assure que la personne a bien réfléchi, a évalué toutes ses options et n’a pas fait d’erreur flagrante par manque d’expérience », indique-t-il.
Il affirme, lui aussi, qu’une organisation pourra identifier parmi les cadres supérieurs un mentor auquel se référera un jeune gestionnaire qui a besoin de conseils sur l’habileté politique, sur le leadership ou sur les problèmes précis. Dans le domaine technique, le mentorat sera extrêmement valable pour le transfert de connaissances intangibles.
« N’importe qui peut se référer à un manuel de procédures, mais dans le travail technique quotidien il y a beaucoup de connaissances subtiles qui sont importantes et qui ne sont écrites nulle part. Elles se transfèrent très bien d’un mentor à une personne en train d’apprendre et de prendre de l’expérience, et ce transfert sera plus important au cours des prochaines années. »
Quant aux organisations disposant de peu de ressources, M. Bourelle affirme qu’elles peuvent se tourner vers un nombre grandissant de personnes qui prennent leur retraite à 60 ou 65 ans, des gens d’expérience qui sont enclins à guider les plus jeunes.
« Des organismes ont une liste de gens qualifiés qui rencontrent des normes et se rendent disponibles pour faire du mentorat dans la PME. Également, si vous connaissez quelqu’un à l’extérieur, avec qui il y a une bonne chimie, en qui vous avez confiance et qui a beaucoup d’expérience, une relation peut bien se faire entre un plus vieux et un plus jeune… », indique-t-il.