Patricia Kosseim, commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de la province de l’Ontario, est ravie d’entendre que si la « langue de bois » est un risque de son métier, ce n’est pas du tout un problème qui l’afflige.
« Quand on me dit que je m’exprime avec naturel, je trouve que c’est un beau compliment », affirme Mme Kosseim, qui apporte au CIPVP une longue expérience et des connaissances approfondies sur le droit de la protection de la vie privée et de l’accès à l’information. « J’aime ne pas avoir ce ton ou cette façon de s’exprimer que l’on attribue aux bureaucrates. »
Le pari de la franchise
Mme Kosseim est d’avis qu’un organisme de réglementation moderne se doit d’évoluer de façon réfléchie.
« En fin de compte, dit-elle, ce qu’on veut, c’est adopter une nouvelle approche, en l’occurrence pour la conduite des entités réglementées. Et il faut gagner la confiance du public. » Mme Kosseim a souligné que pour y parvenir, il faut envisager les enjeux selon de nombreuses perspectives, et ne pas se contenter d’un ou de deux points de vue. « Ça aide à mieux y réfléchir et à mieux savoir de quoi on parle. »
Pour Mme Kosseim, poser des questions est un geste essentiel.
« À mon sens, quand on veut créer un organisme de réglementation moderne et efficace, ce que j’aspire toujours à faire, il ne faut pas craindre d’être polyvalent. Il ne faut pas avoir peur non plus de faire preuve de franchise. »
Cependant, un bon dirigeant d’un organisme de réglementation, d’après Mme Kosseim, se doit de rester impartial. « Il est toujours bien plus important de demeurer indépendant ou ouvert aux opinions contraires que de passer pour un expert ou un puits de science. »
Même si ce que Mme Kosseim appelle une « approche terre à terre » peut donner lieu à une certaine vulnérabilité, elle affirme que le jeu en vaut la chandelle. « Cela en vaut vraiment la peine, et j’aime cette approche concrète et constructive. »
Entretenir la flamme
Les citoyens voient les fonctionnaires avec scepticisme; Mme Kosseim en est tout à fait consciente, mais elle affirme que ce sentiment n’est pas fondé. « Les fonctionnaires avec qui j’ai travaillé au fédéral et avec qui je collabore [à mon poste actuel] sont incroyablement dévoués, non seulement envers l’organisation dont ils font partie, mais aussi envers sa mission et son mandat. »
Mme Kosseim souligne qu’elle est témoin de ce dévouement dans le travail et les propos de son équipe.
Elle a notamment mené un sondage auprès de son personnel sur ce que veut dire faire partie du CIPVP.
« Nous avons reçu tellement de commentaires inspirants et sincères que j’ai suggéré à l’équipe d’en publier un grand nombre dans un “calendrier de la culture”. Tous les jours, nous pourrions lire ces citations inspirantes pour nous rappeler pourquoi nous sommes au CIPVP, et que nos collègues sont des gens incroyables. »
« C’est ainsi que nous entretenons la flamme : en nous rappelant le but de notre travail. Et nous pouvons nous amuser aussi, et garder un bon sens de l’humour. Nous voulons que les gens aiment leur travail et s’amusent. Après tout, nous passons une bonne partie de nos journées, de notre vie, au travail, alors pourquoi ne pas en faire des moments agréables? »
Garder les deux pieds sur terre
Pour Mme Kosseim, le rôle d’un dirigeant est de déterminer ce qui fonctionne vraiment, et pour y arriver, on le fait en bonne partie en apprenant des autres.
« Je me suis toujours intéressée au leadership. J’observe comment les autres s’y prennent, et j’ai eu la chance de travailler aux côtés de dirigeants incroyables et d’avoir pu apprécier leurs différents styles. »
Mme Kosseim puise dans tous ces styles et approches de leadership pour en dégager des pratiques exemplaires. « La clé, souligne-t-elle, est de comprendre ce qui fonctionne dans la réalité. »
Quand on dirige un organisme de réglementation, il est essentiel d’avoir un sens aigu de ce qui fonctionne ou fonctionnera concrètement. C’est un gage de réussite.
« Nous avons plein d’outils à notre disposition, mais les sanctions et les amendes sont un dernier recours; il vaut mieux adopter une approche axée sur la collaboration, parce que de nos jours, dans bien des domaines réglementés, l’idée de longue date que les amendes et les sanctions changent les comportements est bel et bien révolue. »
Selon Mme Kosseim, pour être efficace à la tête d’un organisme de réglementation, tout dépend de la façon d’aborder son travail. Si les sanctions ont leur place, elle estime qu’il est possible d’obtenir des résultats durables quand « on modifie les comportements dans un environnement de confiance, en apportant son soutien, en donnant des moyens d’action et en collaborant. C’est la réalité. C’est comme ça qu’on influence les gens sur le terrain ».
Diriger avec des ressources limitées
De nombreux dirigeants, en particulier ceux du secteur public, disposent de ressources limitées et, dans la plupart des cas, insuffisantes pour réaliser les mandats ambitieux et de grande portée qu’on leur confie.
« Il est donc important pour de nombreux dirigeants d’être sélectifs dans leurs priorités, et de choisir une approche et un champ d’action qui soient fondés sur les risques et proportionnés, affirme Mme Kosseim. Les aspects prioritaires doivent être ceux qui posent le plus de risques pour les personnes que l’on sert. Les dirigeants qui veulent être ou rester pertinents doivent être pragmatiques et avoir l’esprit pratique. »
Rester ouvert à l’opposition
Mme Kosseim reconnaît que les gens s’expriment, contestent les idées présentées, disent qu’elles ne fonctionnent pas et pourquoi, et demandent si l’on a réfléchi à leur incidence sur une communauté quelconque.
« Un dirigeant doit vraiment être prêt à accepter ces remises en question, car en définitive, elles lui permettront, à lui et à ses idées, de s’améliorer, et il en ira de même de son organisation. »
Mme Kosseim est toujours prête à recevoir des conseils, mais pour ce faire, il faut prévoir un environnement propice. « En tant que dirigeant, il faut créer un espace où l’on peut avoir de telles conversations », dit-elle. Il faut donner d’emblée aux gens la permission de faire des remises en question, et même les encourager à se faire entendre avec franchise. « C’est l’un des premiers gestes que j’ai posés quand je suis devenue commissaire. »
Établir de nouvelles règles
De nos jours, l’une des principales difficultés, selon Mme Kosseim, est de définir, en tant que société, des règles qui nous conviennent, afin que nous puissions croire que nos institutions publiques sont là pour nous protéger.
« Nous voulons que toutes ces nouvelles technologies incroyables soient implantées et utilisées de façon positive, pour le bien de tous. Plus que jamais, nous voulons que des balises réglementaires adéquates soient mises en place, dès aujourd’hui. »
Les dirigeants d’aujourd’hui, d’après Mme Kosseim, doivent se demander comment permettre et alimenter l’innovation, tout en veillant à instaurer des mesures de protection appropriées.
« Nous nous trouvons face à l’inconnu, et nous devons prendre en compte différentes valeurs et de nombreux facteurs qui pourraient se présenter. C’est pourquoi nous avons besoin de balises, qu’il s’agisse de politiques-cadres, de lois ou de directives, afin que les règles soient claires pour tout le monde. »