Le Directeur général des élections dresse un bilan sévère des élections municipales du 6 novembre 2005 et propose une liste de recommandations avant de recourir à nouveau au vote électronique.
Presque une année aura été nécessaire au Directeur général des élections (DGE) du Québec, Marcel Blanchet, pour faire le bilan de l’utilisation de systèmes de vote électronique aux élections municipales de novembre 2005. On se rappellera que plusieurs problèmes, pannes et irrégularités avaient été observés dans les 140 municipalités ayant eu recours au vote électronique durant ces élections. Outre le DGE et les présidents et présidentes d’élection, le DGE a été secondé de divers experts et observateurs, incluant le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), pour mener à terme son exercice d’analyse, duquel est issu un rapport d’évaluation des nouveaux mécanismes de votation. Ce dernier a été déposé à l’Assemblée nationale le 24 octobre dernier.
Les conclusions du rapport sont accablantes : non seulement les systèmes utilisés n’étaient pas techniquement au point, ayant affiché de nombreuses failles, mais leur utilisation n’a pas bénéficié de l’encadrement adéquat, qui aurait permis de s’assurer de l’intégrité du processus et, le cas échéant, de mettre en œuvre un plan B. En conséquence, le DGE émet des doutes sérieux sur la validité des résultats électoraux survenus dans certains comtés et recommande le maintien du moratoire sur l’utilisation des systèmes de vote électronique, qui ne permettent pas, dans leur état actuel, de satisfaire les exigences de transparence et d’intégrité du processus électoral québécois, jusqu’à nouvel ordre.
Le rapport d’analyse du DGE porte, dans un premier temps, sur les causes des ratés observés lors des élections de novembre, et propose, dans un deuxième temps, une série de recommandations sur les changements à apporter pour pouvoir éventuellement utiliser des systèmes de vote électronique.
Ne croyant pas qu’on puisse attribuer la responsabilité des ratés informatiques de novembre à un seul acteur du processus électoral, le DGE croit au contraire que les problèmes observés sont le fruit d’un ensemble de circonstances. Premièrement, l’encadrement législatif et administratif manquait de précision, quant aux rôles et responsabilités de chacun et aux risques inhérents au vote électronique. Le fait qu’il n’y avait pas de spécifications techniques et de normes concernant la qualité et la sécurité des systèmes de votation électroniques n’a pas aidé non plus, pas plus que les lacunes au chapitre des façons de gérer les systèmes de votation qui favorisaient, au contraire, les erreurs, les accidents de parcours et ne prévoyaient pas de solutions aux éventuels problèmes, ni de plans de relève.
En outre, les systèmes de votation électronique n’ont pas été suffisamment testés, les mesures de contrôle de la qualité des composantes des systèmes se sont avérées déficientes, tout comme les mesures de sécurité visant à protéger les mécanismes de votation et, donc, l’intégrité du vote. Aussi, la formation technique reçue par le personnel électoral de la part des fournisseurs était insuffisante.
Recommandations rigoureuses
Le DGE estime, dans la partie de son rapport portant sur les recommandations, que des changements majeurs doivent être apportés à l’encadrement légal et administratif de l’utilisation des systèmes de vote électronique pour qu’ils puissent être éventuellement utilisés à nouveau. C’est dans cette perspective que la législation encadrant l’utilisation de ces systèmes doit être revue et mieux définie et que les spécifications des systèmes et des normes de sécurité et de fiabilité rigoureuses devront être adoptées.
Les systèmes devront aussi être pourvus de mécanismes et de mesures formelles de protection et de sécurité suffisantes pour réduire les risques de pannes, d’attaques et de manipulation des résultats. Le code source des logiciels et des systèmes de votation, qui devront être soumis à des tests de sécurité rigoureux avant d’être utilisés, devra aussi être accessible aux autorités compétentes pour qu’elles puissent faire les vérifications qui s’imposent.
Le DGE recommande également qu’une autorité indépendante soit investie d’un mandat de surveillance et de pouvoirs de vérification et de contrôle des normes liées à l’utilisation des systèmes de votation électronique. Les municipalités devront aussi s’assurer de signer des ententes de services plus exigeantes auprès des fournisseurs.
Et finalement, le DGE recommande que des plans de relève, couvrant l’ensemble des problèmes potentiels, soient élaborés avant que les systèmes ne soient utilisés.