Le CRTC scrute à nouveau les accords hors tarifs 

La requête de TekSavvy au CRTC pour régler les problèmes de favoritisme indu découlant des accords hors tarifs (AHT) a soulevé un tollé, avec des interventions affluant de sympathisants et de critiques. 

Les AHT ont été autorisées par le CRTC en 2012, permettant aux entreprises de conclure des ententes de gros négociées avec des concurrents qui s’écartaient du régime tarifaire normal du Conseil. 

Mais avec la fusion Rogers-Shaw en jeu, une nouvelle orientation politique favorisant la concurrence et l’innovation, et l’augmentation fulgurante des factures de services de téléphonie cellulaire au cours de la dernière décennie, le différend sur les AHT ne pourrait pas être plus pertinent. 

La requête de TekSavvy, déposée le 20 janvier, fait référence à deux cas présumés de préférence indue. Premièrement, les AHT que Rogers a conclus avec Vidéotron à titre de recours pour permettre la clôture de son acquisition de Shaw pour 26 milliards de dollars canadiens. Ces ententes de gros conféreront à Vidéotron des tarifs et des modalités favorables pour l’accès au raccordement terrestre, à l’itinérance nationale et à l’accès Internet de tiers (AIT), non offerts aux autres concurrents. 

Le deuxième cas concerne Bell qui, selon le FAI indépendant, fournit à sa nouvelle société EBOX Inc. un accès à des services FTTP (fibre jusqu’aux locaux) de gros qui ne sont pas disponibles pour les autres concurrents et pour lesquels il n’existe pas de tarif de services de gros. 

En attendant le résultat de cette enquête, TekSavvy demande au CRTC d’annuler l’entente de gros entre Rogers et Vidéotron ou d’ordonner à Rogers d’offrir les mêmes tarifs et modalités à tous les concurrents. Bell devrait également être condamnée à offrir aux concurrents un accès de gros agrégé aux vitesses de service FTTP qu’elle a fournies EBOX, a déclaré Teksavvy. 

L’application a obtenu le soutien de groupes de défense comme OpenMedia, le Centre pour la défense de l’intérêt public, les Opérateurs de réseaux concurrents du Canada et les opérateurs concurrents Globalive, TELUS et Community Fibre Company. 

Globalive, l’une des opposantes les plus virulentes de la fusion Rogers-Shaw, a fait valoir que ces accords de vente en gros auront un impact négatif sur son retour sur le marché du sans fil. Globalive a également déclaré qu’elle prépare sa propre demande en vertu de la partie 1 auprès du CRTC concernant des arrangements similaires spécifiques au sans-fil et des recours spécifiques connexes. 

Le Centre pour la défense de l’intérêt public a soutenu que l’autorisation par le CRTC des AHT était « le début d’une mort lente pour la concurrence de gros », ajoutant : « Il n’est pas surprenant qu’un système propice aux abus et au secret, en l’absence d’une surveillance rigoureuse du Conseil, ait effectivement été abusé et rendu largement impénétrable pour les concurrents et le public. 

De plus, OpenMedia a affirmé que son soutien à la requête de TekSavvy représente une communauté de « près de 300 000 personnes au Canada ». Mais il convient de noter que l’association a joint une pétition avec seulement 31 886 signatures, a souligné le consultant senior dans l’industrie des télécommunications Mark Goldberg dans un tweet, ajoutant que la lecture des signatures a révélé de nombreux doublons. 

TELUS a également appuyé la demande de TekSavvy d’enquêter pour savoir si les ententes entre Rogers et Vidéotron violent le paragraphe 27(2) de la Loi sur les télécommunications, mais « ne prend pas position » sur la question à savoir si une enquête similaire dans le cas de Bell est justifiée. 

Shaw et Québecor, sans surprise, ont montré les dents, fustigeant l’appel de TekSavvy à saboter le dessaisissement parallèle dont la survie de l’accord de fusion Rogers-Shaw dépend.  

Depuis la décision de 2012, a fait valoir Shaw, au moins 21 AHT ont été conclus par des opérateurs, et depuis 2015, des dizaines d’autres. « Malgré l’augmentation exponentielle des AHT conclus au cours de la dernière décennie, la requête de TekSavvy est la première à alléguer une préférence indue via un AHT, contredisant la suggestion de TekSavvy selon laquelle les AHT sont intrinsèquement problématiques. » 

Shaw a ajouté que la nouvelle orientation politique ne justifie pas un réexamen de l’ensemble du régime des AHT. « En fait, la prévalence des AHT démontre qu’un marché robuste pour les services Internet de gros a émergé et est en bonne santé. Le régime actuel atteint les objectifs de la Loi, tout en aidant à encourager toutes les formes de concurrence et, ce faisant, à favoriser l’abordabilité sur le marché, ce qui est conforme à l’article 2 de la nouvelle orientation politique. 

Québecor, pour sa part, s’est dite ouverte à conclure un AHT avec TekSavvy ou tout autre transporteur. Le transporteur du Québec a déclaré qu’il peut même offrir les mêmes accords de gros que celui qu’il a actuellement avec Rogers. Selon Québecor, cela devrait suffire au CRTC pour voir qu’il n’y a aucune préférence indue découlant de son AHT avec Rogers. 

Toutefois, Québecor s’est porté garant de la demande de TekSavvy d’enquêter sur le prétendu cas de préférence indue de Bell. 

En réponse aux accusations de TekSavvy, Bell a affirmé : « EBOX est maintenant une division de Bell. Bell ne fournit à EBOX aucun service de gros, télécom ou autre. Il ne peut y avoir d’accord hors tarif ou non, préférentiel ou non, entre Bell & EBOX puisqu’il s’agit de la même personne morale. 

L’article original (en anglais) est disponible sur IT World Canada, une publication sœur de Direction informatique. 

Adaptation et traduction française par Renaud Larue-Langlois. 

Ashee Pamma
Ashee Pamma
Ashee est rédactrice pour IT World Canada. Elle a obtenu son diplôme en communication et études médiatiques à l'Université Carleton à Ottawa. Elle espère devenir chroniqueuse après d'autres études en journalisme. Vous pouvez lui envoyer un courriel à apamma@itwc.ca.

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