MÉRITES DU FRANÇAIS DANS LES TI Le Centre d’aide virtuel de déploiement de la téléphonie IP chez Bell Canada, lauréat 2005 dans la catégorie Multimédia interactif – Apprentissage en ligne.
L’historien qui, dans un siècle, écrira l’histoire de la téléphonie IP au Canada devra sans doute consacrer un chapitre entier aux premières années du troisième millénaire… On le sait, c’est au cours des dernières années qu’une guerre sans merci s’est déclarée entre les entreprises de télécommunications afin de conquérir le marché des solutions de téléphonie utilisant le protocole IP.
Et dans la petite histoire de cette lutte commerciale, il faudra réserver une mention à Bell Canada et à son fournisseur Alogia pour la création du Centre d’aide virtuel de déploiement de la téléphonie IP, un didacticiel multimédia qui a valu à ses concepteurs en 2005 un Mérite du français dans les technologies de l’information, le titre de finaliste de l’Octas du français dans les TI, de même qu’une médaille d’argent au Concours de l’informatique et de la productivité pour l’avenir (CIPA).
Comme l’explique Gilbert Raymond, gestionnaire de projets senior – Technologies de l’information (téléphonie IP), la conception et l’implantation de ce didacticiel ont dû se faire dans un temps record. « Dans sa stratégie de déploiement de la téléphonie IP auprès de la clientèle d’affaires, Bell avait prévu au départ qu’un échantillon de 5000 employés répartis dans les villes de Montréal, d’Ottawa et de Toronto allaient être formés à la téléphonie IP afin de tester le logiciel et l’équipement. Mais notre principal concurrent, Vidéotron, avait pris de l’avance, et Bell a décidé de devancer ses échéances. Au lieu de décembre 2004, le didacticiel et les services devaient donc être livrés à la fin de juillet. Nous n’avons eu que trois mois pour tout concevoir. Ça a demandé une créativité énorme… et beaucoup de fins de semaine de travail ! »
Même son de cloche chez Alogia (aujourd’hui Alogia+Logient), le fournisseur de services à qui Bell a confié le mandat. « C’est vrai que les échéances étaient très serrées », confirme Julie Poirier, chargée de projet et analyste, qui a assumé le mandat en compagnie de Richard Hill, conseiller sénior et chef de projets chez Alogia. « Et le travail se compliquait du fait que le logiciel lui-même n’était pas terminé, que les programmeurs travaillaient encore aux fonctionnalités du produit. En somme, il fallait créer une formation sur un produit qui n’existait pas encore dans sa forme finale. »
Au rythme des employés
Ces échéances serrées ont aussi déterminé la nature de la formation. « Au cours de l’automne 2003, se rappelle Gilbert Raymond, nous avions donné une formation sur la téléphonie IP à trois cents employés établis dans trois villes, une formation traditionnelle, en salle de classe. Ça avait été extrêmement long. De toute évidence, il fallait trouver une autre méthode, développer un outil qui permette aux gens de se former de façon autonome, à leur propre rythme, et dans la langue de leur choix, un outil qui permette aussi aux gestionnaires de suivre l’avancement de la formation. »
La formule retenue repose sur la fragmentation de l’information. Après avoir analysé toutes les fonctionnalités du logiciel de téléphonie, l’équipe d’Alogia a conçu un peu plus de 120 capsules interactives de courte durée, accessibles dans l’intranet de Bell, qui incorporent le son (une information lue à haute voix) et l’image (une reproduction de l’appareil téléphonique dont les touches de fonction ou les voyants lumineux s’animent au besoin).
« Ce qui a fait le succès du didacticiel, explique Gilbert Raymond, c’est que les capsules sont indépendantes les unes des autres, et très courtes, soit moins de deux minutes. Les utilisateurs peuvent choisir le contenu comme ils l’entendent. Par exemple, une secrétaire qui veut d’abord savoir comment planifier une téléconférence peut tout de suite consulter la section sur le sujet, y revenir au besoin : c’est l’utilisateur qui choisit son cheminement d’apprentissage et la durée de ses séances de formation. »
La version française du didacticiel a représenté un autre défi pour les consultants d’Alogia. Les fournisseurs de ce type de technologie étant américains, la documentation concernant le matériel et le logiciel n’était rédigée qu’en anglais. Aux tâches d’analyse, de scénarisation et de graphisme se sont donc ajoutées des recherches dans Le grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, des consultations auprès d’une rédactrice spécialisée et des propositions de néologismes qui étaient soumises au comité d’experts de Bell.
Le suivi de la formation est une autre caractéristique du Centre d’aide virtuel qui a contribué à son succès. Le didacticiel produit périodiquement des rapports indiquant le nombre d’employés qui ont suivi la formation, le service auquel ils sont rattachés et les capsules qu’ils ont consultées. De cette façon, les gestionnaires peuvent au besoin faire un rappel pour inciter les employés à poursuivre leur formation. Le Centre d’aide offre aussi aux utilisateurs la possibilité d’envoyer leurs commentaires relativement à chaque capsule, une fonctionnalité qui, selon Julie Poirier, a permis de corriger le tir dans certains cas.
À la fin de l’été 2004, munie de sa nouvelle arme de formation massive en français, Bell Canada lançait ses solutions d’affaires en téléphonie IP. Depuis, les hostilités se poursuivent sans répit sur le front de la nouvelle technologie…