L’Agence du revenu du Canada (ARC), qui opère l’un des plus importants réseaux au Canada, n’a pas renouvelé un contrat de sept ans auprès de la société montréalaise CGI, lui préférant 13 fournisseurs de services TI, dont deux ont été ou sont accusés d’avoir truqué des appels d’offres. (Mise à jour)
Pour CGI, il s’agit de la perte d’un contrat de 500 millions de dollars sur sept ans. Selon le quotidien Ottawa Citizen, qui a publié l’affaire en primeur le 17 mars, les nouveaux contrats de l’Agence se chiffrent à 280 millions de dollars sur sept ans. L’organisme fédéral économiserait donc 220 millions de dollars.
L’entente avec CGI prenait fin le 31 mars.
Selon le quotidien ontarien, les principales entreprises qui ont récolté des contrats sont Veritaaq, TPG Technology, Dalian, Coradix, Ibiska, Precision ERP et IT/NET.
Le PDG de TPG Technology, Don Powell, a affirmé au quotidien que la sélection de son entreprise au nombre des soumissionnaires constituait une « double victoire ». TPG était l’un des fournisseurs de l’ARC jusqu’à ce que CGI obtienne le contrat en 2004.
CGI avait également, en 2007, soutiré un contrat à TPG Technology auprès de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, d’une valeur de 428 millions de dollars, rappelle l’article.
Appels d’offres truqués
Or, ce que le texte ne dit pas, c’est que Veritaaq et TPG Technology et certains de leurs dirigeants ont été ou sont impliqués dans un litige avec le Bureau de la concurrence du Canada pour avoir truqué 10 processus d’appel d’offres entre 2005 et 2009, pour des contrats s’élevant à environ 67 millions de dollars.Dans un communiqué daté du 17 février 2009, le Bureau de la concurrence annonçait des poursuites criminelles contre quatorze individus et sept entreprises relativement à cette affaire.
« Le Bureau a découvert des éléments de preuve indiquant que plusieurs entreprises de services de TI de la région de la capitale nationale ont élaboré en secret un plan illégal visant à frauder le gouvernement en coordonnant leurs soumissions pour obtenir et se partager des contrats. Ce faisant, ces entreprises ont empêché des concurrents honnêtes de les obtenir », déclarait alors le Bureau de la concurrence dans un communiqué.
L’organisme précise que le truquage d’offres est un acte criminel par lequel des soumissionnaires conviennent en secret de ne pas soumissionner ou de soumettre des offres dont ils ont fixé au préalable les termes entre eux. L’objectif du truquage d’offres est de pervertir un processus d’appel d’offres et de gonfler le prix exigé auprès des acheteurs.
Shannon Lambert, vice-présidente au développement de Veritaaq, a plaidé coupable à un chef d’accusation pour truquage d’offres le 23 février 2009. Elle a apporté son entière coopération à l’enquête du Bureau. Elle a reçu une absolution inconditionnelle et a fait don de 5 000 dollars à un organisme caritatif.
En ce qui concerne TPG Technology, l’affaire est toujours devant les tribunaux. L’information est confirmée par le Bureau de la concurrence qui ne peut toutefois en dire davantage, car le dossier est frappé d’un interdit de publication. L’Agence du revenu du Canada n’a pas voulu répondre aux questions de Direction informatique, référant à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) pour les questions entourant le droit des entreprises de participer ou non à des appels d’offres du gouvernement fédéral lorsqu’elles sont accusées d’avoir truqué d’autres appels d’offres au sein du même gouvernement.
Chez TPSGC, on affirme que «jusqu’à ce qu’on ait établi qu’il y a eu violation des lois fédérales, situation de rupture de contrat, violation du Code de conduite pour l’approvisionnement ou atteinte à l’intégrité du processus d’approvisionnement, TPSGC ne peut empêcher aucune entreprise de présenter des soumissions ou résilier un contrat fédéral.
Nouveau processus
Le service des communications de l’ARC soutient que le nouveau processus « fournira à l’Agence un vaste éventail de fournisseurs afin de répondre à ses multiples exigences opérationnelles ainsi qu’une structure des taux qui s’harmonise de près avec les conditions du marché. Il donnera aussi à des fournisseurs de petite et moyenne taille l’occasion d’y participer ». (échange de courriels)Bien que l’ARC n’exige pas que les fournisseurs divulguent l’emplacement de leur siège social, les soumissionnaires retenus représentent un mélange de fournisseurs internationaux et nationaux. Les nouveaux contrats ont été attribués à 13 fournisseurs, qui ont tous des bureaux ou des succursales à Ottawa.
« En vertu des nouveaux contrats, nous prévoyons des économies en moyenne de 12 % à 14 % comparativement aux taux précédents », a déclaré l’ARC.
CGI n’est pas amère
Du côté de CGI, on est évidemment déçu de la tournure des événements, mais, de l’aveu du vice-président principal aux communications de l’entreprise, Lorne Gorber, « il vaut parfois mieux ne pas signer d’entente que de signer une mauvaise entente ».Ce dernier estime que les soumissions actuelles étaient davantage conçues pour les fournisseurs de services réseau que pour les entreprises qui misent sur la gestion déléguée (l’impartition) comme CGI, ce qui devenait moins intéressant pour l’entreprise montréalaise.
« Comme la demande a été structurée de façon différente, nous savions que nous n’allions pas obtenir le renouvellement du contrat ou que notre part du contrat allait être réduite de manière significative », concède M. Gorber.
Au cours des 52 dernières semaines, le titre de CGI a oscillé entre 14,34 dollars et 21,25 dollars à la Bourse de Toronto. À la fermeture des marchés jeudi, sa valeur était de 20,19 dollars.