Montréal compte désormais un joueur supplémentaire sur le marché Mac, un joueur de taille avec lequel les autres détaillants et revendeurs de produits Mac devront apprendre à vivre : Apple Store. Réactions et commentaires.
Presque deux ans après l’ouverture de la boutique Apple Store de Laval, c’était au tour de Montréal d’être choisie par le fabricant pour y établir son magasin-concept de vente au détail. Située au centre-ville, la boutique a fait sa grande ouverture le 25 juillet à 17 h et, à en juger par la file de mordus qui attendaient patiemment l’événement sur le trottoir et sous le soleil, on en déduit que le concept, qui a emballé nos voisins du Sud, ne laisse pas les consommateurs montréalais indifférents.
Avec cette nouvelle boutique, le nombre total de boutiques Apple Store atteint maintenant sept au Canada, dont deux sont en sol québécois, les autres étant situées en Ontario, où l’on en compte trois, en Alberta et en Colombie-Britannique. Aux dires du directeur de la boutique montréalaise, Mark Rae, cette dernière serait la plus grande au pays, occupant une superficie estimée à 8 000 pieds carrés.
Ayant vu le jour en 2001 aux États-Unis, le concept mis de l’avant par les boutiques Apple Store se veut une réponse à l’approche de vente des magasins-entrepôts de produits électroniques qui misent essentiellement sur les prix et où le service est réduit à sa plus simple expression. Les boutiques Apple Store se distinguent de la concurrence en proposant, en plus d’une gamme étendue de produits Mac, une variété de services personnalisés et conviviaux, tels que des conseils à l’achat, des ateliers d’apprentissage et d’optimisation des produits et des services de configuration et de dépannage.
C’est dans cette perspective qu’on est accueilli, à notre arrivée au magasin de la rue Sainte-Catherine, par un hôte (ou une hôtesse) qui nous dirige ensuite vers la ressource adéquate, soit un spécialiste de produits à la vente (Mac Specialist), soit un expert en dépannage, configuration et optimisation (Mac Genius). Les services de dépannage, de configuration et d’optimisation sont fournis au deuxième étage (le premier étage sert essentiellement à l’étalage des produits vedettes : iPhone, iPod, iBook, etc.) au niveau de ce qu’on appelle un « Genius Bar », dont le concept est justement calqué sur celui du « bar », étant équipé de tabourets et se voulant un endroit décontracté. La boutique montréalaise en possède deux, dont l’un sert aussi aux ateliers de familiarisation et d’apprentissage des fonctionnalités des produits, pour lesquels il faut s’inscrire à l’avance, tout comme aux séances de dépannage et d’assistance technique (l’inscription peut se faire en ligne).
Désigné ProCare, le service de dépannage et d’assistance, qui coûte 99 $ par année, comprend l’installation complète des logiciels et du contenu du précédent ordinateur sur le nouvel ordinateur, la réparation rapide des problèmes techniques, la mise au point annuel du système et divers conseils reliés à la sauvegarde, le tout sur place. Le magasin propose aussi gratuitement aux créatifs professionnels le service ProLab, dont l’objectif est de les aider à tirer le maximum des produits de créativité d’Apple et pour lequel on doit aussi s’inscrire à l’avance.
Bien que la raison d’être de la boutique soit de vendre des produits d’Apple, on y trouve aussi des produits d’autres fabricants, dont des imprimantes, des disques durs externes, des logiciels et des accessoires, qui ont été regroupés au deuxième étage où l’on trouve également un espace réservé aux enfants.
La boutique, dont la facture esthétique est moderne et épurée – la façade est entièrement faite de verre, tout comme les marches de l’escalier intérieur qui est ceinturé d’acier inoxydable – appartient à Apple (il ne s’agit pas d’une franchise exploitée par un revendeur indépendant). Les employés qui y oeuvrent sont donc des employés d’Apple, ce qui n’est pas le cas des autres revendeurs qui proposent des produits d’Apple.
Bouleversement en vue?
On peut imaginer que la venue de la boutique Apple Store dans le marché montréalais de la vente au détail de produits informatiques, et plus particulièrement de produits d’Apple, déstabilise, par son approche de vente innovatrice, l’équilibre qui y prévaut actuellement. Peut-être que les consommateurs vont s’habituer à cette approche et vont conséquemment s’attendre à obtenir le même type de traitement de la part des autres revendeurs, notamment de ceux qui se limitent à revendre des « boîtes »?
Au niveau des revendeurs spécialisés de produits d’Apple, il y a Micro-Boutique qui, avec ses six boutiques, dont trois sont situées sur des campus universitaires, est déjà bien implanté à Montréal, la Boutique iStore qui, située dans l’ouest de la ville, offre une gamme étendue de services et Le Mac Urbain qui dessert la Rive-Sud de Montréal à partir de son établissement longueuillois.
Autant Le Mac Urbain que la Boutique iStore perçoivent d’un oeil favorable l’implantation de la boutique Apple Store à Montréal (Micro-Boutique n’a pas voulu retourner nos appels). « La venue du Apple Store au centre-ville est une très bonne nouvelle, parce que ça va permettre à Apple de diffuser davantage ses produits sur le marché, croit Charles-Hugo Couillard, propriétaire de Mac Urbain. Ça va attirer plein de nouveaux clients vers la plateforme Macintosh et stimuler la demande pour des fournisseurs de services comme nous. »
« Ça va rehausser la marque et lui donner plus de visibilité, ce qui ne peut qu’avoir des retombées positives pour tout le monde qui dessert le marché Apple, de renchérir Anthony Johnson, conseiller en marketing à la Boutique i-Store. Et le fait qu’Apple ait choisi Mont-réal pour implanter son magasin phare démontre que la ville est créative et répond bien aux produits et à l’approche d’Apple, que la ville occupe une place importante dans la stratégie d’Apple. »
En outre, aucune des deux firmes ne perçoit dans l’Apple Store un concurrent direct. « Au Mac Urbain, nous avons toujours été ce qu’on appelle un plug-in d’Apple, confie Charles-Hugo Couillard. Nous n’avons pas peur des Apple Store, car notre clientèle est un peu différente. Les gens qui vont au Apple Store y vont parce qu’ils veulent magasiner à la source. Aussi, nous avons des produits qu’ils n’ont pas, et notre conception du service à la clientèle est passablement différente. Par exemple, les clients qui vont porter un ordinateur à réparer au Apple Store peuvent avoir à attendre quatre à cinq jours, alors que nous, nous proposons un service direct, sans prise de rendez-vous et le client qui revient chercher son ordinateur va pouvoir parler à la même personne qui va se rappeler de son nom. Le contact est plus personnalisé, car notre clientèle est plus locale. En plus, Apple nous a demandé de plus nous occuper des clients verticaux, comme les entreprises qui veulent migrer au Mac. La spécialité du Apple Store est davantage du côté de l’utilisateur final. »
« Nous offrons le service à domicile et au bureau, ce que l’Apple Store ne fait pas, ajoute Anthony Johnson. En plus, nous sommes bien implantés dans la communauté de Westmount, ça fait 15 ans que nous y sommes, au début sous un autre nom (Évolution Concept qui continue de faire affaires auprès du marché corporatif et éducationnel); nous offrons un service de quartier qui est très important. Aussi, nous offrons des accessoires pour les produits d’Apple, comme des écouteurs et des mallettes d’ordinateur portatif, fabriqués par d’autres compagnies. »
Malgré le fait que l’Apple Store propose une approche de service à la clientèle plus séduisante que les grandes surfaces, Charles-Hugo Couillard croit qu’il y aura toujours une place sur le marché pour ce type d’entreprises. « Les grandes chaînes ont toujours beaucoup de la difficulté à pénétrer le marché Apple, estime-t-il. Par exemple, Bureau en Gros a presque enlevé tous ses produits Mac de ses tablettes pour les offrir seulement sur son site Web. […] Les gens qui sont moins satisfaits du service [dans les grandes surfaces] vont se diriger vers le Apple Store, alors que ceux qui recherchent des aubaines vont davantage se diriger vers les grandes surfaces, car Apple fait rarement des soldes. La vente anonyme aura toujours sa place. En revanche, les spécialistes Mac devront offrir un service irréprochable, car Apple ne donne pas de flexibilité à ses employés; c’est très protocolaire chez Apple. »
Grandes surfaces
Outre Bureau en Gros, Future Shop et sa société mère, Best Buy, sont au nombre des grandes surfaces qui proposent des produits Apple, en succursale ou sur le Web. C’est dans cette perspective que Bureau en Gros vend des périphériques et des accessoires pour ordinateurs Mac et des lecteurs iPod et des accessoires pour iPod. Future Shop propose, pour sa part, des ordinateurs portatifs et de table, des logiciels, des accessoires pour Mac, des lecteurs iPod, des accessoires pour iPod et des accessoires pour téléphones mobiles iPhone. Best Buy offre, quant à lui, des ordinateurs portatifs et de table, des logiciels, des accessoires pour Mac, des lecteurs iPod, des accessoires pour iPod et des accessoires pour iPhone.
Dans l’ensemble, les grandes surfaces ont plutôt bien reçu la nouvelle. « En règle générale, nous sommes toujours heureux quand il y a des concurrents qui ouvrent [leurs portes] aux alentours, de lancer Thierry Lopez, directeur du marketing chez Future Shop. Nos magasins sont toujours situés à des endroits où il y a une forte concurrence; c’est quelque chose qui nous stimule et qui est positif dans le marché, aussi bien pour la clientèle que pour nous. Alors, nous sommes heureux pour eux et nous leur souhaitons beaucoup de succès, car ce sont de bons magasins. Ce n’est pas le seul magasin Apple Store à Montréal (sic), il y en a d’autres à Toronto, dont un au Eaton Center, près d’un de nos magasins, donc ce n’est pas la première fois que ça arrive. Nous sommes en grande croissance sur le marché des produits Mac et nous avons des objectifs en termes de services à la clientèle. »
« Je ne commenterai pas cette nouvelle, mais je dirai seulement qu’Apple est un partenaire apprécié de Best Buy et les produits qu’ils vendent, nous les vendons aussi », d’ajouter Scott Morris, spécialiste des communications chez Best Buy Canada.
« C’est sûr que chaque nouveau magasin de produits informatiques qui ouvre ses portes est un concurrent, mais si on ramène ça à notre niveau, ça ne fait aucune différence, parce qu’Apple Store est un magasin spécialisé qui propose des produits spécialisés à une clientèle ciblée, renchérit Yvon Samson, directeur général pour le Québec de Bureau en Gros. Les produits Apple ne représentent qu’une petite partie de nos ventes. Et pour ce qui est du service à la clientèle, nous avons gagné des prix au Canada pour l’excellence de notre service. »
Reste maintenant avec quelle énergie la clientèle montréalaise répondra à la formule Apple Store et si l’approche de service qu’elle met de l’avant fera boule de neige auprès des autres détaillants de la région.
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.