La voix de la raison

Les technologies de l’information et des communications (TIC) sont bien pratiques pour communiquer à distance, notamment celles qui permettent aux gens de se parler de vive voix. Or, l’utilisation des technologies vocales par les uns, tout comme l’abstention de leur utilisation, peut avoir des répercussions désagréables sur la vie des autres, surtout en milieu de travail…

Depuis plus de 125 ans, depuis l’invention du téléphone, les êtres humains peuvent communiquer et interagir oralement sans que les interlocuteurs soient à proximité. La distance n’a plus d’importance, disait d’ailleurs un slogan publicitaire il y a quelques décennies. Imaginez la révolution qu’a entraînée cette technologie dans les mœurs des gens, qui pouvaient discuter et jaser avec des personnes situées à l’autre bout de la ville, du pays ou de la planète. Progressivement, un vaste réseau de fils a été implanté, et peu à peu les notables, les entreprises, les commerçants puis les citoyens ordinaires ont pu en faire usage.

La mise au point de technologies de transmission sans fil, par la voie des ondes, a également mené à l’invention d’appareils de communication bidirectionnels. Par exemple, les émetteurs-récepteurs portatifs (communément appelés walkie-talkie) qui ont servi aux conversations sur de courtes distances à des fins militaires, commerciales et récréatives. Qui ne se souvient pas des jeux dans les parcs où des enfants, munis d’appareils rudimentaires en plastique, fomentaient des plans et terminaient leurs échanges par 10-4 ou Roger?

Les technologies de communication personnelle ont beaucoup évolué à la fin du 20e siècle. Ainsi, le téléphone mobile est en voie de l’emporter sur son grand frère filaire en termes de popularité. L’oreillette munie d’un microphone fonctionne maintenant sans fil, et les véhicules permettent l’utilisation du téléphone en mode ‘mains libres’. Le téléphone fixe n’est pas en reste, puisqu’il peut aussi être utilisé sans avoir à tenir un combiné près du visage, notamment lors des téléconférences. Les émetteurs-récepteurs, quant à eux, ont été miniaturisés et leur fonction a même été intégrée aux téléphones mobiles.

Que c’est beau le progrès! disent certains. Or, la facilité apportée par les fonctions de ces appareils à leurs utilisateurs peut constituer bien du désagrément aux personnes qui les entourent…

Les TIC à tue-tête

Qui n’a pas vécu une situation où un collègue de travail ou un patron utilisait son téléphone en mode ‘mains libres’, assis dans son bureau dont la porte était ouverte, discutait à forte voix, pour bien se faire entendre par son interlocuteur, et écoutait les propos de ce dernier avec le volume de l’appareil à un niveau aussi élevé? Et que dire du collègue qui écoute les messages de sa boîte vocale de cette façon? Et si cette situation se produisait à tous les jours ouvrables? Et si les discussions n’avaient pas seulement rapport au travail, mais aussi à la vie personnelle?

Certes, dans certains cas, l’utilisateur du téléphone a besoin de ses deux mains pour chercher un document, manipuler un objet ou prendre des notes dans des cahiers. Mais dans d’autres cas, le mode ‘mains libres’ est utilisé pour ne pas avoir à tenir un combiné, question de garder les bras croisés ou les mains dans les poches… Est-ce que ce comportement est dû à l’inconscience, à l’insouciance ou à l’égocentrisme, ou à toutes ces raisons?

Or, dans les bureaux et dans les cubicules avoisinant ces ‘haut-parleurs’, des employés maugréent et grincent des dents, alors qu’ils tentent de se concentrer sur leur travail ou de tenir, de leur côté, une conversation compréhensible à l’aide du combiné de leur téléphone. La politesse qui a été inculquée par leurs parents les enfreint de sensibiliser leur collègue ou leur patron des inconvénients qu’il cause, voire de fermer (ou claquer) la porte du bureau de la personne en question.

L’utilisation du mode ‘mains libres’ a également des répercussions agaçantes ailleurs qu’au bureau, par exemple sur la route lorsqu’un conducteur, par une chaude journée d’été, les fenêtres grandes ouvertes, utilise ce mode de discussion pour parler de tout et de rien à haute voix, assez fort pour enterrer le bruit du moteur, au grand dam des autres automobilistes… Quant aux utilisateurs d’oreillettes de téléphones mobiles, le bruit ambiant les porte à parler aussi fort, les deux mains dans les poches, ce qui peut déranger les personnes ou les faire passer pour des ‘fous qui se parlent tout seul’…

QUOI??? HEIN???

Dans d’autres situations de travail, au contraire, l’utilisation d’appareils de communication bidirectionnels serait essentielle et salutaire pour assurer la quiétude des lieux.

Plusieurs types d’emploi ont lieu à l’extérieur, en équipe, avec une bonne distance entre les interlocuteurs et bien souvent du bruit ambiant. Des équipiers doivent diriger, avertir ou questionner leurs collègues à plusieurs reprises durant une tâche.

Or, les travailleurs de certains métiers sont souvent séparés les uns des autres de plusieurs dizaines de mètres. Ils doivent alors crier et répéter leurs questions, puis tendre l’oreille et demander à ce qu’on répète une réponse mal entendue. Notamment, des employés en élagage d’arbres, en recouvrement de toitures et en construction doivent souvent discuter à forte voix pour être bien compris. Or, leurs discussions sont entendues ou plutôt subies par les gens aux alentours…

Ces corps de métiers auraient intérêt à utiliser des appareils bidirectionnels, qu’il faille les tenir à la main ou les utiliser avec une oreillette et un bouton à la ceinture, pour avoir leurs conversations à des niveaux sonores respectables tout en ne perdant pas la voix. Est-ce que l’absence d’utilisation de ces appareils est due à l’inconscience, à l’insouciance, à des enjeux financiers ou à toutes ces raisons?

Bref, les technologies qui servent à transmettre la voix révolutionnent les façons de travailler des uns, mais elles soulèvent aussi la colère et l’exaspération des autres. Il suffirait que les personnes incommodantes prennent conscience des impacts de certains comportements, pour qu’elles fassent attention et qu’elles redonnent à leur entourage un peu de quiétude. Maintenant, si ceux et celles qui se parlent à haute voix d’un bord à l’autre d’un bureau pouvaient également baisser le ton…mais ça, c’est une autre histoire.

Jean-François Ferland
Jean-François Ferland
Jean-François Ferland a occupé les fonctions de journaliste, d'adjoint au rédacteur en chef et de rédacteur en chef au magazine Direction informatique.

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