Ubisoft est le lauréat du Mérite du français 2011 dans la catégorie Jeux et ludacticiels.
La version française de Splinter Cell : Conviction, cinquième jeu de la série Tom Clancy’s, plonge tout naturellement les joueurs dans l’univers du héros Sam Fisher. Nul doute qu’un travail minutieux a été réalisé par l’équipe de localisation d’Ubisoft afin que le monde dans lequel évolue le personnage principal soit crédible et puisse offrir aux amateurs francophones une expérience captivante.
Dans les bureaux d’Ubisoft Divertissement, à Montréal, l’équipe de localisation, composée d’Émeric Le Jouan, chargé de projet, et d’Unai Gomes, spécialiste technique, a travaillé, pendant près d’un an, à la localisation du jeu. Le défi a été de taille : veiller à la traduction adéquate de quelque 135 000 mots et adapter la version française aux contraintes techniques du jeu.
« Le but de la localisation est d’harmoniser l’univers du jeu à la langue plutôt que d’adapter la langue à un marché en particulier », explique Émeric Le Jouan. La version française vendue au Québec n’a donc pas été créée spécifiquement pour le marché québécois. En fait, la même version se trouve dans l’ensemble de la francophonie.
Le défi de la traduction
Un des rôles de M. Le Jouan, en tant que chargé de projet, est de s’assurer que les traductions proposées correspondent au contexte du jeu. Il mentionne que lors de la traduction du contenu oral du jeu Splinter Cell, les traducteurs ont été confrontés à différentes problématiques.
Par exemple, l’utilisation du langage militaire ou paramilitaire a demandé une recherche pointue pour éviter que des paroles telles que copy that soient traduites bêtement par « fais-moi une photocopie », alors que cela signifie « compris ».
« Les traducteurs ont également dû adapter le langage assez grossier, voire choquant, du personnage principal, Sam Fischer, sans toutefois utiliser un vocabulaire trop politiquement correct », ajoute-t-il.
Enfin, une autre problématique aura été de déterminer pour quels personnages et dans quels contextes le tutoiement ou le vouvoiement étaient de rigueur. En effet, deux personnages peuvent se vouvoyer tout au long du jeu mais, au moment où survient une altercation ou un combat, ils sont forcément amenés à se tutoyer. Comme le mentionne M. Le Jouan, « devoir choisir entre le “tu” et le “vous” est une chose qui est propre à la langue française ».
Mis à part le contenu oral du jeu, tout le contenu écrit est également touché par la localisation. Ainsi, 30 % d’espace supplémentaire doit être
De gauche à droite : M. André d’Orsonnens, président du conseil d’administration d’Alliance numérique; M. Salim Ward, conseiller en francisation, Office québécois de la langue française; M. Unai Gomes, spécialiste technique – Localisation, Ubisoft Divertissement; M. Émeric Le Jouan, chargé de projet – Localisation, Ubisoft Divertissement; M. Martin Bergeron, chargé des relations publiques et porte-parole, Office québécois de la langue française.
prévu dans les boîtes textuelles afin d’éviter que le contenu en français ? qui est en général toujours plus long que l’original en anglais ? soit coupé ou empiète sur le suivant.
En ce qui concerne la traduction des premières parties, qui varient selon les consoles Nintendo, Sony ou Microsoft, elle nécessite l’utilisation d’un vocabulaire spécifique à chacune d’entre elles. Il en va de même pour la traduction des tutoriels qui doivent tenir compte des boutons et des manettes qui diffèrent d’une plateforme à l’autre.
L’enregistrement des voix
La réalité actuelle du marché pousse l’industrie à sortir simultanément la version originale en anglais et les versions localisées d’un jeu. Le développement du jeu lui-même se fait donc parallèlement à l’élaboration des différentes traductions.
En général, l’enregistrement des voix ne se fait donc pas à l’aide des fichiers vidéo, mais plutôt à l’aide des fichiers audio originaux, en anglais. Il est donc primordial que la version française respecte la longueur du fichier source en anglais afin que le texte puisse s’arrimer facilement à l’animation faciale des personnages, d’autant plus lorsque ceux-ci sont présentés de face ou en gros plan.
« Un texte plus court que le fichier source est moins gênant qu’un texte trop long car, dans ce cas, le son risque d’être coupé ou de passer par-dessus un autre son qui a déjà démarré », précise M. Le Jouan.
Faute d’images pour saisir le contexte dans lequel se déroule l’action, un directeur de voix est engagé afin d’aider les comédiens à utiliser le bon ton qui leur permettra de transmettre l’émotion souhaitée.
Deux millions d’exemplaires du jeu Splinter Cell : Conviction ont été vendus dans le monde, dont 30 000 au Québec. L’équipe de localisation d’Ubisoft Divertissement, qui a gagné un Mérite du français dans les TI en mars dernier pour l’exemplarité de son travail, peut donc être fière de sa réalisation.
Virginie Auger est conseillère en communication à l’Office québécois de la langue française.