La multiplication des canaux de diffusion, grâce notamment à l’émergence des TIC, crée une surabondance et une redondance de l’information. Gare à l’indigestion!
Depuis une dizaine d’années, le paysage de l’information a connu de grands changements par l’entremise des technologies. Le réseau Internet, accessible à l’aide d’ordinateurs et d’appareils mobiles, procure un accès à une grande quantité de sources de nouvelles et de contenus.
Or, le paysage médiatique a beaucoup changé au cours des dernières années. Parmi les nombreux changements, on remarque une emphase accrue de la convergence, alors que des entreprises ont fait des acquisitions d’organisations qui oeuvrent dans le même secteur (un éditeur de journaux achète un journal) ou dans d’autres secteurs (une entreprise radiophonique acquiert un poste de télévision). Cette tendance a entraîné la disparition d’organisations indépendantes, de réseaux concurrents et d’entités régionales.
Également, des entreprises ont lancé des « produits » dans certains secteurs afin de faire concurrence à d’autres entreprises, autant au niveau de la production (les journaux et les quotidiens « gratuits ») que de la diffusion (la télédistribution, la téléphonie mobile). D’autre part, quelques organisations ont établi des alliances de complémentarité pour renforcer leur présence dans diverses plates-formes pour mieux affronter des concurrents omniprésents.
Évidemment, l’Internet fait partie de la stratégie de diffusion de ces entreprises, alors que des portails ont ajouté des fonctions (audio et vidéo à la demande, blogues, logiciels-gadgets) et fait l’acquisition de producteurs de contenus pour assurer une présence dans les canaux les plus prisés des consommateurs.
Ce changement du portrait médiatique a eu plusieurs conséquences sur la quantité, sur la qualité et sur la diversité de l’information. Ainsi, une organisation peut diffuser une même nouvelle sur diverses plates-formes, à l’aide de contenus originaux traitant la nouvelle de façons différentes ou à l’aide d’un même contenu copié et collé; elle peut faire de la promotion croisée ou mettre en valeur une nouvelle dont elle tirera profit par la vente de produits dérivés; elle peut remplacer le recours à des contenus originaux produits à l’interne par des contenus formatés qu’elle puise à l’externe, sur un fil de presse.
Sur les plates-formes électroniques, la quantité d’information s’accentue, en raison de l’absence de contraintes d’espace ou de temps ou bien des faibles coûts de production, d’édition et de diffusion. Dans certains cas, on pourra mettre des versions intégrales d’entrevues, des articles complémentaires et des dossiers. Dans d’autres cas, on publiera une grande quantité de nouvelles en provenance de fils de presse ou même de communiqués de presse – ce qui a un impact important sur la notion du traitement journalistique, mais ça, c’est une autre histoire…
Enfin, notons que des organisations ont décidé d’adopter des canaux de diffusion afin d’exposer des individus à des contenus d’information, dans le but premier de les exposer à des publicités ou à des contenus publicitaires, ce qui rapporte des revenus d’appoint. Ainsi, des écrans ACL sont apparus dans les stations de métro, dans des ascenseurs ou dans les aires de restauration des restaurants. Également, bon nombre de commerces ont instauré des réseaux d’affichage ou des récepteurs de signaux radiophoniques de stations commerciales ou internes qu’ils diffusent dans leurs locaux.
Surinformation?
Or, le citoyen, au terme d’une journée, peut se retrouver avec une véritable indigestion informationnelle!
Disons qu’il consulte la radio, la télévision et le journal à la maison le matin, regarde des écrans d’affichage dans les transports en commun en route vers le boulot, écoute la radio en travaillant, consulte l’Internet lors de ses pauses (hum! hum!…) et reçoit des alertes sur son appareil mobile. Considérons qu’il voit des écrans d’affichage et entend la radio dans des commerces lors de sa pause de dîner, en plus de feuilleter un magazine près d’une caisse enregistreuse. Disons qu’il recommence les étapes précédentes l’après-midi, au retour à la maison et en soirée. Admettons qu’il regarde ou est exposé à plus d’un canal de diffusion d’une même catégorie. Ainsi, lorsqu’il se couche, il est fort probable qu’il ait vu, lu ou entendu plusieurs fois, volontairement ou non, une même information.
Par ailleurs, cette même information peut être diffusée en bloc durant une journée ou bien être étendue sur plusieurs jours. Il suffit de penser aux tournées médiatiques qu’effectuent des artistes ou des journalistes lors du lancement d’un produit. Alors que tous les médias veulent avoir la personne en entrevue, pour diffuser des contenus sur un maximum de plates-formes, il peut en résulter une grande exposition, voire une surexposition.
En conséquence, le citoyen peut bien saisir une information, tout comme il peut avoir une indigestion et ne plus vouloir en entendre parler.
Réaction
Certes, il existe divers types de consommateurs d’information. Certains consultent toutes les plates-formes, tout comme d’autres n’en consultent qu’une seule. Certains y ont recours plusieurs fois par jour, tout comme d’autres ne le font qu’une seule fois. Enfin, certains consultent des sources d’information et d’autres ne le font pas.
D’ailleurs, certaines personnes qui consommaient régulièrement des sources d’information ont diminué leur cadence de consultation, voire même cessé complètement. Est-ce que la surexposition explique ce comportement? Alors qu’on dit traditionnellement que les mauvaises nouvelles « font vendre », est-ce que le martèlement constant du cerveau des consommateurs d’information avec une même mauvaise nouvelle ne finit pas par devenir lassant? Au point où aborder un sujet fait dire à des interlocuteurs « Ah non! Pas encore ça! »
« Jamais n’a-t-on été aussi informé », disent certains. Reste à voir si la fameuse société de l’information vivra une révolte ou un exode dans un avenir rapproché…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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