Microsoft viendrait de transformer Nokia en succursale de fabrication de Phone 7. En quelque sorte! Hum ! Grosse affirmation. Mais est-ce fondé ? Voyons voir. Regard sur une industrie en mouvance accélérée ou la survie est une question darwinienne.
La guerre des téléphones intelligents fait rage. Partout, les fabricants s’entre-étripent. La plupart s’en sont remis à Google qui leur distribue Android, un excellent système d’exploitation dont le génie augmente de version en version. Ce qui ne signifie pas qu’ils s’entraident. HTC fera tout pour nuire à Samsung, qui en fera autant contre Sony, qui ne fera pas de cadeau à Motorola, et ainsi de suite.
Le seul endroit où ces gens sont d’accord, mise à part leur dépendance envers Android, c’est sur le fait que l’ennemi principal est Apple avec son iOS, un système d’exploitation aussi agréable dans un téléphone (iPhone) que dans une tablette (iPad) ce qui n’est pas toujours leur cas. Mais ils font aussi la guerre à RIM dont les BlackBerry leur bloquent trop souvent l’accès aux lucratifs marchés corpo. Quant à Hewlett-Packard et ses Veer, Pre 3 et autres Touch Pad qui déferleront d’ici six à huit mois, les chefs de clans Android la redoutent. Ils connaissent sa grande facilité à se faufiler dans le bas de gamme et à entraîner les prix de vente à moins zéro. Avec des Xoom à 1200 $ US et des Galaxy à 800 $ US, ils ont bien raison de s’énerver. Les rivalités de ces chefs de guerre font en sorte qu’Android gagne du terrain sur Apple et sur RIM. Mais à quel prix ! Ouf ! Paraîtrait que HTC mange ses bas. Surtout que tout ce beau monde s’arrache les cheveux de la tête pour offrir un équivalent Android au iPad, ce qui, pour l’instant, laisse croire qu’on est très loin d’un succès commercial.
Et qu’en est-il du Phone 7 ? Bonne question ! Grâce à leur sagesse millénaire, les Asiatiques ont compris que le produit n’était qu’un ennui passager, une sorte d’influenza qui affecterait temporairement leurs ventes, mais qui passerait. Sauf que venant de l’Empire, fallait quand même goûter au plat, question de ne pas passer pour mal élevé. Certains ont ainsi décidé de l’offrir, sans pour autant ralentir leur production d’appareils Android, cela va de soi ! Eh ! Oh ! C’est quoi ces termes disgracieux ? « Ennui passager » ? « Influenza » ? Je sais, ça semble gros, mais je m’explique. Le iPhone d’Apple est apparu en 2007. Assise sur sa récente plateforme Windows Mobile 6, Microsoft n’a pas bougé. Puis, l’année suivante, la menace Android s’est mise à gronder. Microsoft s’est énervée un peu, mais, mise à part la version 6.1 de Win Mobile, elle s’est contentée de bricoles aujourd’hui disparues. Vous vous souvenez du Kin ?
À l’heure actuelle, on en est à la version 6.5.5 de Win Mobile et, surtout, à la « non rétrocompatible » plate-forme Windows Phone 7. Lancé l’automne dernier, le téléphone intelligent qui en découle est un appareil sympathique que, personnellement, j’aime bien. Mais il souffre du fait d’être un an en retard sur les autres. Autrement dit, le produit est bon, c’est un bon achat si on le paie moins cher qu’un Android récent ou un iPhone. Mais il est la malheureuse victime d’un manque de vision quant à la plateforme mobile dont se sont rendus coupables Microsoft et, au premier chef, Steve Ballmer.
Dans ma logique de rédaction, j’arrive maintenant à Symbian, c’est-à-dire à Nokia, l’impératrice vieillissante dont les terres se font ravager par les hordes ennemies. À part être ado, peu fortuné ou réfractaire au changement, pourquoi se nantir aujourd’hui d’un bête cellulaire qui fait des textos quand on peut avoir un vrai téléphone intelligent ? C’est là où réside le principal problème. En gros. Selon Gartner, Symbian détenait 37,6 % de ce marché en 2010, contre… 46,9 % en 2009. À l’inverse, Android de Google avait gagné 18,8 % et l’Apple iOS 1,3 %. Quant à RIM, les chiffres indiquaient un déclin de 4 %. La solution ? Il fut décidé de remplacer le P. D.G. Olli-Pekka Kallasvuo par un haut gradé de Microsoft, le Torontois Stephen Elop, et de… toucher du bois. On sait aujourd’hui que le bois en question a été celui d’un cheval de Troie, car le patron transfuge, un gestionnaire que l’on accuse de plus en plus d’être un « homme à Ballmer », serait en train de transformer le joyau finlandais en succursale de Redmond. Pour le moins, c’est ce que l’on comprend avec certaines décisions récentes de Nokia, des décisions controversées, soit de se départir le plus vite possible de Symbian et de devenir simplement un fabricant de matériel électronique, plus particulièrement de Windows Phone 7.
Puisque la plateforme Win Phone 7 est de qualité, puisque Nokia dispose d’une expertise de fabrication et de distribution mondiale renommée, l’entente pourrait fonctionner et hisser Microsoft/Nokia à un niveau de concurrence leur permettant de bien guerroyer contre les légions Android, les forces du iApple et les divisions BlackBerry défilant au pas de l’oie, ce qui pourrait intimider HP, le satrape californien à la veille de se lancer dans la mêlée. Mais il y a un problème de taille. Au mieux, les premiers appareils Win Phone 7 de Nokia apparaîtront l’automne prochain. Au mieux ! Et quel en sera le système d’exploitation ? On espère tous que ce ne sera pas la version actuelle et que Microsoft aura terminé et débogué au moins la deuxième. Sinon ce sera une farce.
Pensons-y un instant. L’automne prochain, alors que les premiers appareils HP/Palm seront offerts ici et là, le iPhone 5 sera vendu partout. Idem pour les bidules sous Android 2.3 (Gingerbread) et 2.4, des versions très évoluées du SE de Google. Et, bien entendu, ce sera probablement le temps qu’aura choisi RIM pour lancer un produit fétiche en giron corpo. Autrement dit, un an après avoir lancé le WinPhone 7, Microsoft (à l’aide de Nokia) voudra tirer profit du marché des fêtes 2011-12 pour croquer quelques parts de marché, ce qu’on lui souhaite tout, comme il se doit. Évidemment, le temps qu’il faudra à Microsoft Nokia pour faire en sorte que ses téléphones soient vendus partout où ça compte, les armées ennemies auront grugé passablement de terrain. Pourquoi les consommateurs achèteraient-ils un produit qui sera bientôt abandonné ? Nokia devra alors faire un retour spectaculaire, ce qui implique un produit wow-wow avec une banque d’applications hautement satisfaisante et avec un prix de vente très concurrentiel.
En attendant, l’action de Nokia ne cesse de chuter depuis l’annonce du partenariat. De plus, certains fabricants asiatiques pourraient ne plus vouloir être impliqués dans la plateforme Phones 7, refusant la « déloyale » concurrence que représente désormais Microsoft/Nokia et préféreraient déposer leurs œufs dans le panier Android. Mettons que cela n’aiderait pas à la cause du Phone 7.
Et je ne vous ai pas parlé du marché de la tablette, ce qui est une tout autre histoire. Une histoire où Apple dispose présentement d’une solution connue et éprouvée, où Android et RIM commencent à en avoir une, où HP vient de combler ses actionnaires avec de fort belles promesses à ce sujet et où les projets Windows 7 s’activent, laissant notre ExoPC nationale en tête du peloton. Nul doute qu’on y reviendra.