Divers indicateurs donnent une idée de l’évolution de l’innovation, de la recherche et du développement dans le domaine des TIC au Québec.
L’Institut de la statistique du Québec (ISQ), dans le bulletin S@voir.stat paru en décembre 2007, présente des données intéressantes à propos de l’évolution de la recherche et du développement en TIC au cours des dernières années. Il s’agit de la première production d’indicateurs du genre pour l’industrie.
Ces données peuvent constituer un élément de mesure de l’évolution de l’industrie des TI au Québec, tout en permettant de la comparer avec le reste du Canada ou d’autres pays à travers le monde.
En 1997, on dénombrait 848 entreprises qui réalisaient des activités de R-D dans ce domaine, soit 228 entreprises dans le secteur de la fabrication et 620 entreprises dans le secteur des services relatifs aux biens et des services non tangibles. De toutes les années étudiées, la meilleure a été 2003, alors que 1 173 entreprises ont fait des activités de R-D. En 2004, 1 066 ont effectué de la recherche et du développement, soit 9,1 % de moins que l’année précédente.
Le secteur de la fabrication a connu de faibles variations, alors que le seuil maximal a été de 246 entreprises qui ont fait de la R&D en 1998. En 2004, le nombre d’entreprises de ce secteur était le même qu’en 1997. C’est le secteur des services qui a contribué le plus à l’essor de la R-D, en atteignant un seuil de 933 entreprises en 2006, soit 50 % de plus d’entreprises qu’en 1997. En 2004, le nombre de 838 entreprises du secteur des services à avoir fait de la R-D représentait un recul de 10,1 % d’année en année.
Si la R-D en fabrication occupe une proportion moindre de l’industrie des TIC, l’Institut de la statistique souligne que des sous-secteurs ont démontré une intensité accrue au cours des dernières années. En 2004, les secteurs qui ont attribué une proportion appréciable de leurs revenus à la R-D étaient ceux des autres produits informatiques et électroniques (21,4 %, 8,8 % en 1997), des semi-conducteurs et autres composants électroniques (13,4 %, 5,1 % en 1997). Le ratio du secteur des instruments de navigation, de mesure et de commande et médicaux, à 12,9 % en 2004, a repris du poil de la bête après une période creuse, mais est moindre qu’en 1997 (15,5 %).
Du côté des dépenses, les investissements en R-D intra-muros industrielle en TIC ont totalisé 1,1 milliard $ en 2004, soit 25 % des dépenses totales du genre au Québec. Un point de bascule a été franchi en 2003, alors que ces dépenses étaient liées davantage aux services qu’à la fabrication. Ainsi, 57,8 % des dépenses avaient trait à des services, contre 38,2 % en 1997.
À l’échelle canadienne, le Québec est encore loin derrière l’Ontario au chapitre des dépenses, mais l’écart s’est néanmoins réduit. En 1997, 16,2 % des dépenses en R-D dans les TIC au Canada étaient effectuées au Québec, contre 71,6 % en Ontario, tandis qu’en 2004 la proportion canadienne des dépenses québécoises était de 19,6 %, contre 63,3 % en Ontario.
Répartition des dépenses
La répartition des dépenses en recherche et développement est un autre indicateur de la vitalité d’une industrie. Les indicateurs de l’Institut de la statistique du Québec englobent tous les secteurs relatifs à la science, à la technologie et à l’innovation. Ils fournissent néanmoins certaines indications générales pour le secteur des TIC.
Ainsi, les dépenses en recherche et développement qui ont été réalisées au Québec, en dollars courants, totalisaient plus de 7,2 milliards $ en 2005, contre 2,8 milliards $ en 1991, 3,8 milliards $ en 1996 et 5,7 milliards $ en 2000. En comparaison, les dépenses en R-D étaient de 13,4 milliards $ en Ontario et de près de 27,7 milliards $ pour l’ensemble du Canada en 2005.
Ces dépenses en R-D équivalaient à 958 $ par habitant du Québec en 2005, alors qu’elles étaient de 408 $ en 1991, 527 $ en 1996 et 777 $ en 2000. En Ontario, les dépenses par habitant étaient de 1 074 $, alors que dans l’ensemble du Canada elles représentaient 858 $ par habitant en 2005.
L’indicateur du pourcentage des dépenses en R-D en rapport au produit intérieur brut (PIB) au Québec était de 2,67 % en 2005, contre 1,86 % en 1996 et 2,54 % en 2000. Or, le taux obtenu en 2005 plaçait le Québec au 6e rang parmi les pays de l’OCDE, derrière la Suède (3,89 %), la Finlande (3,48 %), le Japon (3,33 %), la Corée (2,98 %), l’Islande (2,78 %). Le Québec se situait devant les États-Unis (2,62 %), l’Ontario (2,51 %) et la moyenne canadienne (2,01 %). Le champion international en la matière était Israël, avec un pourcentage de 4,49 %.
Proportions des dépenses
Deux autres indicateurs relatifs aux dépenses en R-D en sciences, technologies et innovation au Québec peuvent donner une idée des tendances qui s’appliquent dans le secteur des TIC.
L’indicateur de la structure de financement des dépenses de R-D au Québec indique que la proportion du financement en provenance des administrations gouvernementales a fluctué en quinze ans. La part du fédéral a diminué de 20,3 % en 1991 à 13,1 % en 1998 puis a oscillé de quelques points et atteint 17,2 % en 2005. La proportion de financement provincial passée de 6,6 % en 1991 à 4,4 % en 1998, puis a fluctué pour s’établir à 5,4 % en 2005.
La proportion du financement en provenance des entreprises commerciales, qui constitue la part du lion en R-D, était de 47 % en 1991, de 56,5 % en 1998 et de 51,8 % en 2005. Celle provenant de l’enseignement supérieur était de 18,9 % en 1991, de 15,8 % en 1998 et de 16,2 % en 2005. La proportion du financement provenant des organismes sans but lucratif (OSBL) était de 2,4 % en 1991 et de 2,2 % en 2005, alors que celle en provenance de l’étranger a connu en général une croissance progressive, passant de 4,8 % en 1991 à 7,2 % en 2005.
Du côté de l’indicateur de la structure d’exécution des dépenses de R-D, soit la réalisation à proprement dit des dépenses en R-D, on constate que la proportion des dépenses liées à l’administration fédérale est passée de 8,1 % en 1991 à 6,2 % en 2005, tandis que celle de l’administration fédérale est passée de 2,7 % à 1,2 % au cours de la même période. D’ailleurs, la proportion de l’administration fédérale a connu un regain en 2000 (6,8 %), alors que celle de l’administration provinciale atteignait son niveau le plus bas (1 %).
La proportion d’exécution des dépenses des entreprises commerciales est passée de 52,8 % en 1991 à 57,5 % en 20-05, avec un sommet de 64,8 % atteint en 2000. Celle attribuée à l’enseignement supérieur était presque la même en 2005 (35,1 %) qu’en 1991 (35,8 %), après avoir atteint des seuils minimaux de 28,6 % en 1997 et de 27,7 % en 2001. Enfin, la proportion de l’exécution des dépenses par les OSBL est passée de 0,6 % en 1991 à 0 % depuis 1998. Seule l’année 2004 a fait l’objet d’un maigre regain de 0,1 %.
Inventions brevetées
Les brevets, qui procurent un droit d’exploitation d’une découverte pour une durée limitée, constituent un autre indicateur du caractère d’innovation d’une industrie.
Selon l’Institut de la statistique du Québec, un record de 163 inventions ont été brevetées en TIC au nom d’inventeurs ou de co-inventeurs du Québec par le United States Patent and Trademark Office (USPTO) en 2006. Ce nombre est appréciable lorsqu’on le compare aux 14 brevets accordés en 1993.
En 2006, huit brevets ont été accordés pour des inventions liées aux circuits électroniques fondamentaux, 69 pour des inventions liées au calcul et au comptage en physique et 80 pour des inventions liées à une technique de la communication électrique. Les brevets en TIC de l’indicateur de l’ISQ sont répartis dans trois classes technologiques exhaustives selon une classification internationale de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Mais il est possible qu’il y ait d’autres catégories de brevets qui se rapprochent du domaine des TIC.
L’accroissement du nombre d’inventions brevetées en TIC au Québec s’amorce en 1996, avec 40 inventions brevetées, puis atteint un premier sommet en 2000 avec 123 inventions. Les années suivantes ont connu des fluctuations d’une vingtaine d’inventions, avant l’atteinte du sommet record de 148 inventions brevetées en 2004.
Au Canada, dont les statistiques englobent celles du Québec, on dénombrait 139 inventions brevetées en 1993. Le nombre d’inventions a ensuite augmenté chaque année, pour atteindre 1 133 inventions brevetées en 2006. À titre comparatif, en 2006, les États-Unis ont eu 26 092 inventions brevetées en TIC, le Japon 8 514 inventions, l’Allemagne 1 575 inventions et le Royaume-Uni 1 177 inventions. Il s’agissait d’années records pour tous ces pays.
Marguerite Simo, économiste à l’Institut de la statistique du Québec, précise que les statistiques relatives à l’octroi de brevets d’invention pour une année donnée correspondent à l’attribution du brevet, et non à la réalisation de l’invention en tant que telle. Le processus d’enregistrement à l’USPTO peut être complété plusieurs années après que l’innovation ait été découverte ou mise au point par l’inventeur.
Brevets d’invention détenus
D’autre part, les statistiques relatives à la détention de brevets d’invention par des intérêts québécois apportent un éclairage différent à l’état de l’innovation. Les brevets sont octroyés à l’origine à des individus, mais ils appartiennent de plus en plus à des personnes morales ou des titulaires institutionnels, soit des entreprises, des gouvernements ou des universités, afin de protéger l’exploitation commerciale de produits et de services. Les brevets détenus n’ont pas nécessairement trait à des inventions québécoises, puisque certains ont pu être acquis hors du Québec.
Selon l’ISQ, 328 brevets d’invention du USPTO relatifs aux TIC étaient détenus activement par des intérêts québécois en 2006. De 149 brevets en 1998, les inventions brevetées détenues ont grimpé à 411 en 2001, ont diminué puis atteint le record de 459 en 2004, avant de diminuer à nouveau. D’ailleurs, le nombre de brevets en TIC détenus au Québec en 2006 était moins élevé de 8,8 % qu’en 2005.
Selon l’économiste Marguerite Simo, de l’ISQ, l’organisme constate que beaucoup d’entreprises québécoises ne font pas de recherche et développement, mais qu’elles achètent des brevets qui ont été produits par d’autres chercheurs. Elle précise qu’il n’est pas possible, pour l’instant d’identifier ces phénomènes de circulation des brevets, ou si une invention québécoise brevetée une année est encore active au Québec l’année suivante. Un mécanisme de traçabilité des brevets sera la prochaine étape d’évolution de l’indicateur, qui est comparé à une « photographie » des brevets détenus au Québec pour une année donnée.
En résumé
On constate que le Québec se situe à l’avant-scène de l’innovation canadienne en TIC, bien que l’Ontario soit loin en avant. En matière de dépenses en R-D, le Québec occupe une position enviable dans le peloton de tête des pays de l’OCDE au niveau des investissements par personne pour l’ensemble du secteur de la science, de la technologie et de l’innovation.
Le nombre d’innovations brevetées en TIC augmente, mais le nombre de brevets détenus diminue, le tout sans que l’on sache si les inventions québécoises demeurent la propriété d’intérêts québécois.
Surtout, ces indicateurs servent à donner une idée générale de la vitalité de la R-D, alors que les délais d’obtention des données ou d’application des inventions occasionnent un décalage avec la réalité. Les statistiques permettent de constater le passé, et non de prédire avec certitude l’avenir…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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