POINT DE GESTION Aujourd’hui, qu’il s’agisse de commerce, d’information et même d’applications strictement corporatives, tout se diffuse ou s’utilise, de plus en plus, par le biais du Web. Tout se présente alors sous la forme de services.
On parle ici de services tournés vers l’externe pour les uns et de services exclusivement tournés vers l’interne pour les autres. Tous ces services sont confrontés au même besoin : obtenir audience et utilisation à la hauteur de leurs ambitions et de leurs investissements. Alors, quels en sont les caractéristiques essentielles, les indices de mesures et les passages obligés?
La problématique
Tout comme pour un avion, la première difficulté à laquelle fait face un service, interne comme externe, est son décollage. Pour le service, il s’agit de faire décoller son utilisation. En effet, il lui faut atteindre une masse critique et s’insérer dans les processus concernés. Tout service qui faillira à cette étape devra tôt ou tard être abandonné. Ce risque initial de la vie de tout service induit une seconde problématique. Il s’agit de la crainte pour les coûts et, par conséquent, son effet parfois exagéré à la prudence sur les sommes engagées. Aussi, régulièrement, nombre de services ne disposent pas des investissements requis pour en assurer le succès.
Les faits
Surtout pour les services externes, mais également trop souvent pour les applications internes, nombre de services mis en ligne se trouvent rapidement confrontés au manque d’intérêt de leurs cibles. Inversement, d’autres services connaissent un engorgement presque instantané et présentent un temps d’accès et de réponse inacceptable. À tous les coups cela produit une inflexion à la baisse de la satisfaction des utilisateurs et participe à engendrer la désaffection pour ce service en particulier, mais plus grave encore cela nuit à l’image même des services en ligne en général.
C’est généralement en lien avec le manque d’expérience et l’aspect encore juvénile des approches de diffusion de services en ligne de type Web, tant pour livrer des prestations que pour interfacer des applications opérationnelles. Trop souvent, la logique cognitive que présentent les services est trop compliquée. Cette logique est souvent trop technique et pas suffisamment intuitive. Les utilisateurs qui par définition ne sont pas des techniciens des TI ne s’y reconnaissent pas.
L’évolution
Les caractéristiques intrinsèques pour garantir la qualité et la convivialité de services Web peuvent être très nombreuses. Généralement, les équipes responsables du développement auront tendance à y attribuer des caractéristiques trop technologiques.
Si ces caractéristiques sont souvent nécessaires pour mesurer la fonctionnalité et la performance technologique du support informatique du service, elles ne permettent pas d’appréhender l’ensemble des aspects de confort, de convivialité, de rétention cognitive et d’interaction humaine attachée à de tels services.
Si la liste des caractéristiques nécessaires n’est pas unique et encore moins exhaustive, il est cependant possible d’identifier celles qui sont généralement les plus probantes. Le but ultime est que les services créés soient utilisés conformément aux espérances de leurs organisations créatrices.
Aspects qualitatifs des services Web
Pour être utilisé et s’avérer performant, tout service Web doit être :
• Utile : utile à ses utilisateurs cibles tout d’abord. Il s’agit de la condition sine qua non pour que ceux-ci l’acceptent, se l’approprient et l’utilisent régulièrement. Certes, si de surcroît le service est bénéfique pour l’organisation, par d’autres aspects, alors l’adéquation est totale et la synergie importante. Mais, le fait que le service soit bénéfique pour l’organisation ne sera jamais une condition suffisante.
• Fonctionnel : il s’agit de la première qualité intrinsèque de la partie technologique du service. Le fait que le service soit fonctionnel implique qu’il opère comme prévu, mais aussi sans erreurs informatiques.
• Sécuritaire et confidentiel : nombre de services véhiculent des informations personnelles, d’autres, véhiculent des données auxquelles sont attachées des valeurs monétaires ou marchandes, d’autres encore des informations stratégiques, qu’il faut obligatoirement ou légalement protéger.
• Simple : pour être largement utilisé, tout service doit être simple. Mais développer un service « simple » ne veut pas dire offrir un service « simpliste ». En effet, simplifier un service est une opération longue, complexe et coûteuse. C’est un résultat difficile à obtenir.
• Agréable : un site, très utile et simple, sera utilisé par nécessité. Mais, si le même site est de surcroît agréable à voir et à utiliser, il sera d’autant plus recherché. Il sera utilisé avec plaisir et laissera après son utilisation un sentiment agréable. Cela fait partie de cette nouvelle approche que l’on appelle « l’expérience client ».
• Disponible : lorsqu’un utilisateur désire se connecter au service, celui-ci doit être disponible immédiatement, et non pas émettre un message d’erreur ou de patience, aussi poli soit-il. « Service temporairement non disponible », « Compte tenu du trafic, veuillez essayer plus tard »…
• Performant : cet aspect critique de tout service concerne principalement la rapidité de traitement et son temps réponse. Il s’agit d’épargner à l’utilisateur le syndrome de l’éternel sablier et du « veuillez patienter ».
• Accessible : l’accessibilité est la qualité d’un service à disposer de suffisamment de points d’entrée pour être accédé. Ces points d’accès sont souvent le micro-ordinateur de l’utilisateur. Mais, si le service veut disposer d’un accès universel, il devra s’assurer de disposer d’une certaine variété dans ses points d’accès et être multicanal.
• À valeur ajoutée : autant que possible, le service doit présenter une certaine valeur ajoutée pour l’utilisateur. Cela participera à accroître l’attrait et l’intérêt de cet intervenant majeur.
• Centre de coûts/bénéfices : un service offert en ligne est toujours a priori un centre de coût. Mais sa mise en ligne apporte généralement à l’organisation des économies internes substantielles. Aussi, l’organisation devrait-elle déployer les efforts et l’ingéniosité nécessaires pour récupérer ces économies et les retourner en bénéfices.
Aspects quantitatifs des services Web
Il est capital d’identifier, de documenter et de mesurer les aspects qualitatifs des services. Ainsi, on verra à mettre en place des indices de mesures et de gestion qui seront le résultat des différents ratios significatifs quant à la valeur de chacune des caractéristiques des services.
Ainsi, le fait que le service soit utile aux utilisateurs pourrait être mesuré par le ratio du nombre d’informations cherchées sur le nombre d’informations réellement trouvées, ou par le nombre de transactions souhaitées sur le nombre de transactions ayant pu être réalisées. La disponibilité du service pourrait être mesurée par le ratio du nombre d’accès réussis sur le nombre de tentatives. Le degré d’utilisation global du service, qui traduit aussi la satisfaction globale des utilisateurs et « l’expérience client » pourrait être mesuré par le ratio du nombre d’utilisateurs effectifs sur le nombre d’utilisateurs potentiels.
Diagramme de représentation de mesure et suivi
Le diagramme en étoile, sorte de rose des vents, est l’outil de prédilection pour cette tâche. Cette rosace d’évaluation est un graphique simple et particulièrement synthétique. Elle permet en un coup d’œil d’appréhender le statut potentiel de la réussite du service Web. Ce diagramme est créé en portant chacune des valeurs de mesure des caractéristiques sur un rayon différent d’un même cercle. Puis, en rejoignant par un tracé chacun des points portés sur chacun des rayons, il se forme une sorte d’étoile multibranche et asymétrique, géométriquement inscrite dans le cercle.
Il s’agit de la rosace de mesure et suivi du service. Une telle rosace permet également de mesurer l’évolution de l’amélioration continue du service. En effet, il est possible de porter sur le même diagramme originel les nouvelles valeurs acquises des caractéristiques après une étape d’amélioration. L’écart entre les deux indique le statut de l’amélioration globale du service, mais également de l’amélioration unitaire de chacune des caractéristiques fondamentales. Il s’agit assurément d’un outil visuel de gestion.
En conclusion
La mise en ligne de nouveaux services, soit pour livrer des prestations ou comme évolution des applications corporatives, n’est pas une chose qui s’improvise. Les composantes stratégiques sont d’une importance primordiale, bien avant toutes les considérations tactiques et opérationnelles. La plupart des caractéristiques nécessaires aux services Web sont relatives aux composantes stratégiques des services. La mise en ligne de services Web n’est jamais une histoire technologique et de site Web.
La raison principale en est que l’utilisateur ou le client, qui doit en constituer le point focal. C’est autour de l’utilisateur et pour lui, que doivent être d’abord pensés, puis produits, les services Web et leurs sites ou portails de support. Il faut être conscient que la mise en ligne de nouveaux services est un projet beaucoup plus difficile à gérer qu’on ne le croit. Cette gestion du projet est souvent la cause de son échec, soit par la désaffection des utilisateurs attendus, soit par défaut de la capacité organisationnelle à réaliser un tel projet. Comme quoi, parfois, ce qui doit être simple peut être relativement plus compliqué.
Gérard Blanc est associé principal d’une firme conseil en gestion et en systèmes d’information.