Au Canada, le signalement de 24 000 cas d’exploitation d’enfants sur Internet n’a engendré que 30 arrestations. Le manque de ressources adéquates constitue une des principales raisons qui expliquent ce taux si peu élevé.
Les spécialistes affirment plus que jamais que les autorités canadiennes ont besoin d’une meilleure préparation et d’outils plus appropriés pour faire face aux contrevenants.
Selon les spécialistes, les Canadiens sont plus susceptibles d’être victimes d’un crime informatique que de se faire agresser dans la rue. Malgré leur omniprésence, la plupart des délits informatiques qui se produisent ici ne sont pas sanctionnés.
Les autorités canadiennes affectées à la criminalité sur Internet affirment comme jamais auparavant qu’ils doivent être formés adéquatement et munis des bons outils. Les services de police d’ici admettent qu’il est très difficile de déjouer les nouvelles technologies utilisées par les contrevenants et de se procurer les ressources pour y parvenir.
« Ce n’est vraiment pas évident », indique Ian Wilms, président de l’Association canadienne des commissions de police (ACCP). M. Wilms affirme que les priorités de la police sur le plan municipal sont en grande partie déterminées à la suite d’une consultation auprès de la communauté.
Le problème que posent les crimes sur Internet, dont l’exploitation d’enfants sur Internet, découle du fait que bien des personnes ne sont pas conscientes de la gravité de la situation.
« La plupart des Canadiens ne sont pas témoins d’évènements de ce genre, mais ça ne veut pas dire qu’on doit les ignorer », ajoute M. Wilms. En effet, ces crimes surviennent plus souvent que les gens peuvent le croire.
Sans compter le vol d’identité, le délit informatique connaissant la plus rapide croissance. Ce crime touche même les personnes qui n’utilisent pas un ordinateur de façon régulière, car il circule tellement de renseignements, gouvernementaux, économiques, etc. sur les bases de données informatiques de nos jours.
« Vous n’avez aucune idée de qui sont les gens qui détiennent [ces renseignements], et vous espérez qu’ils respectent des protocoles de sécurité appropriés, mais vous ne pouvez en être certains. » À la menace que représente le vol d’identité s’ajoute le fait qu’il n’existe aucune loi au Canada qui oblige les entreprises à informer leurs consommateurs en cas d’effraction.
« Le succès que connaissent les services de police au Canada découle de la relation que l’on entretient avec la communauté; la majeure partie de la population a confiance en la police et s’adressera à elle éventuellement, a-t-il déclaré. Nous nous devons d’accomplir cela aussi en ce qui a trait à Internet. »
M. Wilms a mentionné qu’aucune méthode de « surveillance de quartier » virtuelle n’a encore été appliquée; les criminels agissent donc impunément.
La solution, du moins en majorité, consiste à mettre en place des groupes de travail pangouvernementaux, poursuit-il. Il faudrait que ces centrales névralgiques réunissent des représentants provenant de différents secteurs : police, communauté juridique, secteur privé et établissements d’enseignement.
Le problème réside dans le fait que bien des gens ne dénoncent pas les crimes informatiques. Peut-être sont-ils embarrassés, par exemple, de s’être fait duper par un courriel frauduleux provenant du Nigeria, ou pensent-ils qu’aucune mesure ne sera prise pour contrer le problème. « Il est de notre responsabilité de modifier cette mentalité en trouvant les moyens d’identifier un crime sur Internet et de poursuivre les auteurs. »
Toutefois, étant donné la grande envergure du problème, la tâche ne sera pas de tout repos. En effet, M. Wilms a souligné que même si, par exemple, Cybertip.ca – site pancanadien où l’on peut souligner des cas d’exploitation d’enfants sur Internet – accomplit un travail remarquable, les rapports déposés sont tellement nombreux que les intervenants sont débordés.
En conséquence, peu de ces cas sont sanctionnés. Au Canada, par exemple, 24 000 cas d’exploitation d’enfants sur Internet s’étalant sur plusieurs années et ayant été signalés n’ont donné lieu qu’à 30 arrestations.
« Nous devons affecter davantage de ressources pour intenter des poursuites et pour neutraliser les contrevenants, poursuit-il. Nous devons apporter des modifications au processus intégral de signalement de ces crimes pour montrer à la population que nous posons des gestes concrets. »
Heureusement, des alliances entre des entreprises technologiques et des instances judiciaires sont déjà en train de se bâtir au Canada. Notamment, la GRC travaille de pair avec Microsoft Canada dans le cadre d’une initiative mondiale visant à combattre la criminalité sur Internet.
La compromission des réseaux sans fil dans un but illicite ainsi que l’augmentation du nombre d’actes de piratage psychologique comptent parmi les priorités.
« Les techniques utilisées par les criminels sont de plus en plus sophistiquées, et bon nombre d’entre eux se réfugient à l’étranger, ce qui complique énormément l’application de la loi », révèle Bruce Cowper, responsable de la sécurité chez Microsoft Canada. De plus, les Canadiens sont des cibles de choix en matière d’hameçonnage « humanitaire », comme la sollicitation de fonds pour porter secours à des sinistrés.
Un rapport sur les données de sécurité, qui porte sur une période de six mois allant de juillet à décembre 2007, a révélé que les tentatives d’hameçonnage se multiplient sur les réseaux sociaux en raison de la confiance que les utilisateurs accordent à ces réseaux et à leurs utilisateurs.
Une autre « tendance » concerne les réseaux zombis, soit des réseaux d’ordinateurs ou des robots trafiqués et contrôlés par des cybercriminels ou « grands maîtres ». Comme l’indique M. Cowper, bien que ces réseaux zombis aient d’abord été utilisés pour envoyer des pourriels, ils sont maintenant déployés dans le cadre d’attaques bien plus complexes.
« Lorsque vous devez composer avec un réseau transfrontalier, les chances de le retracer et de le neutraliser sont très minces », ajoute M. Cowper.
Selon le rapport de Microsoft, seulement 13 % des effractions sont le résultat de piratage informatique, de virus et de menaces classiques. 53 % sont attribuées à la perte ou au vol de composants mobiles.
Une enquête menée récemment par Harris/Decima dans sept villes du Canada a dévoilé des renseignements plutôt troublants. Bien que la plupart des répondants aient affirmé posséder un logiciel de sécurité récent, ils ne prennent pas la peine d’obtenir annuellement les plus récentes versions. 29 % d’entre eux ne se sont pas procuré de nouvelles versions depuis l’achat initial de leur PC.
Près du quart des habitants ont été victimes ou connaissent quelqu’un qui a été victime de fraude ou de vol d’identité par Internet. Vancouver occupe le premier rang de cette catégorie avec un taux de 32 %.
Les principaux centres urbains du Canada sont certes des endroits de prédilection pour le vol d’identité, le piratage psychologique et la fraude, mais ces activités se répandent de plus en plus dans les petites villes, comme Régina et Saskatoon, ainsi que dans les banlieues des grandes villes, a souligné Claudiu Popa, spécialiste en sécurité et président d’Informatica, un fournisseur de logiciels et de services d’intégration de données situé à Redwood City (Californie).
Ces renseignements mettent en évidence que les cibles d’attaques de ce genre sont déterminées selon leur emplacement géographique, même si elles semblent destinées au monde entier. « Le fait demeure que ces attaques sont dirigées vers des cibles précises, et les petites villes en sont de plus en plus victimes. Aussi, on voit de plus en plus de crimes plus audacieux dans les banlieues, notamment l’utilisation de faux guichets automatiques, car la présence policière y est moins forte. »
Toutefois, M. Popa reconnaît que les instances judiciaires et les organisations du secteur privé collaborent de plus en plus. « En général, les autorités doivent bénéficier d’une formation continue pour demeurer au fait des nouveaux risques et de l’évolution des menaces informatiques, notamment parce que l’écart entre le délit informatique et le crime de rue est de plus en plus mince.
« Un jour, cet écart aura disparu. »
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