Confronté comme bien des entreprises de l’industrie des TIC à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, le Cirque du Soleil a lancé fin 2008 sa campagne de recrutement Encirquez-vous en misant sur l’apport du Web 2.0. Bilan de l’an 1 de cette aventure.
« Le Cirque a connu au cours des dernières années une croissance phénoménale au niveau de la production de spectacles au Canada et à travers le monde. Pour appuyer cette croissance, la dimension acquisition de talent a joué un rôle stratégique. Il nous a fallu embaucher non seulement en qualité, mais aussi en plus grand nombre », explique Jacques Bergeron, directeur, acquisition des talents au Cirque du Soleil.
Les besoins étaient vastes. La société devait trouver des individus spécialisés dans le spectacle, mais aussi dans les domaines qui gravitent autour. On parle notamment de spécialistes en projection, en automation ou en informatique, qui ne sont pas à prime abord des disciplines de théâtre.
M. Bergeron raconte qu’en 2005, le temps moyen pour combler un poste au Cirque du Soleil était de 9 semaines et 5 jours. Cette période s’amorce au moment où le gestionnaire avise l’équipe d’acquisition des talents de ses besoins et se termine au moment de la signature de la lettre d’embauche par le candidat choisi.
« Les demandes étaient de plus en plus volumineuses et nous avions un temps de réponse beaucoup trop long. Dans l’industrie du spectacle, nous avons une expression consacrée: The show must go on (le spectacle doit continuer). Il nous fallait trouver les spécialistes dont nous avions besoin plus rapidement », dit-il.
Tout juste avant le lancement de la campagne Encirquez-vous, ce délai avait diminué à 7 semaines. Fin 2009, un an après l’arrivée de la stratégie Web 2.0, il faut en moyenne 6 semaines et 4 jours au Cirque pour combler chaque poste.
Jacques Bergeron
« La progression peu paraître faible, mais c’est très rapide comme processus. À ce niveau, les gains, même minimes, sont significatifs », affirme Jacques Bergeron, 49 ans.
La nouvelle approche
Pour arriver à combler ses postes rapidement, le Cirque du Soleil a tout d’abord procédé à une refonte totale de son site Internet. M. Bergeron souligne que l’entreprise a adopté une stratégie plus proactive afin d’attirer sur son site Internet tant les personnes qui sont en recherche d’emploi que celles qui ne le sont pas.
« Il nous fallait un site Internet suffisamment intéressant pour amener des candidats qui ne sont pas nécessairement en recherche d’emploi à venir déposer leur candidature, regarder les différents postes, familles d’emplois et défis que l’on retrouve au Cirque du Soleil. La démarche est entamée par le candidat lui-même et c’est lui qui nous indique ses préférences », explique-t-il.
Ce processus permet à l’équipe du Cirque du Soleil de réaliser des entrevues et de pré-qualifier des candidats avant même que des postes se libèrent ou se créent. « Si bien que quand un gestionnaire vient nous rencontrer, par exemple pour nous dire qu’un employé va quitter le mois prochain, nous démarrons dans les heures qui suivent l’affichage à l’interne en plus de soumettre à ce même gestionnaire une liste de candidats pré-qualifiés », dit Jacques Bergeron.
L’apport des réseaux sociaux
En plus de la refonte du site Internet, le Cirque du Soleil a attaqué de plein front les réseaux sociaux pour faire connaître ses besoins au niveau international.
La société a notamment une présence sur Facebook, LinkedIn et Twitter. La page Facebook du Cirque regroupe notamment des albums de photos, une section info-emplois et est un lieu où les employés du Cirque répondent aux questions des candidats potentiels, directement ou par le biais de séances de clavardage. Elle compte environ 4 500 membres qui peuvent envoyer leur curriculum vitæ ou faire suivre des cartes virtuelles.
Car en plus d’attirer des candidats potentiels, le Cirque souhaite également se bâtir un réseau qui lui permettra de dénicher le personnel qualifié qui se fait si rare. « Lorsque nous sommes à la recherche d’un type d’employé difficile à trouver, comme par exemple en architecture informatique. Nous envoyons une carte virtuelle aux membres de tous nos réseaux de contacts en leur demandant si, par hasard, ils ne connaîtraient pas quelqu’un qui possède les compétences que nous recherchons. Si oui, nous leurs demandons de transmettre la carte virtuelle et de faire un suivi », raconte Jacques Bergeron.
Le Cirque du Soleil cible également différents réseaux sociaux en fonction de ses besoins. M. Bergeron préfère LinkedIn pour les postes en finance, en ressources humaines ou en technologies de l’information, alors que Facebook est surtout utile pour le recrutement de gens de spectacles.
La société est également présente sur divers réseaux sociaux plus spécialisés, comme Stage Job Pro, qui vise directement les spécialistes en direction de spectacles.
Des objectifs qui évoluent
Un peu plus d’un an après le lancement d’Encirquez-vous, le Cirque du Soleil revoit ses objectifs en misant sur la force du réseautage.
Jacques Bergeron, directeur, acquisition des talents au Cirque, soutient que pour cette année, la société n’a pas d’objectif de temps moyen d’embauche. L’entreprise vise plutôt à augmenter le pourcentage de candidats externes embauchés grâce aux listes de candidats pré-qualifiés.
En 2008, 28 % des travailleurs embauchés au Cirque du Soleil provenaient de ces listes. L’objectif pour 2010 est d’atteindre la barre de 35 % sur un total prévisionnel de 850 embauches.
« Cela peut ne pas paraître comme une grosse différence, mais c’est colossal, car il y a beaucoup de postes rares et uniques au Cirque », souligne Jacques Bergeron.
Pour parvenir à atteindre ses objectifs, le réseautage prend toute son importance. « On ne va plus seulement au premier degré. Notre présence sur les réseaux sociaux ne sert plus seulement à combler des postes, mais également à attirer des personnes qui connaissent peut-être quelqu’un, ce qui rend notre portée exponentielle », explique-t-il.
M. Bergeron ajoute que les défis du Cirque du Soleil sont nombreux du côté de l’acquisition des talents. Les postes en support technique, en support aux spectacles, en architecture de systèmes informatiques, en fiscalité, en finance et en ressources humaines sont particulièrement difficiles à combler.
L’internationalisation du Cirque vient également compliquer la tâche des recruteurs, puisque les candidats doivent souvent être disponibles pour s’installer à l’étranger ou pour partir en tournée.
Le Cirque du Soleil compte à ce jour plus de 4 000 employés, dont plus de 1 000 artistes, provenant d’une quarantaine de pays différents. La société opère une vingtaine de spectacles fixes ou de tournées.
Denis Lalonde est rédacteur en chef du magazine Direction informatique.