Partout, on vante les mérites des services en réseau, nuage ici, applications Web là, et autres services logiciels en ligne. Mais attention, la vitesse n’est pas toujours égale sur l’autoroute de l’information, vous pourriez tomber dans un nid-de-poule. Session de défoulement.
J’ai un ami qui, l’an dernier, s’est acheté une Porsche dont je ne connais absolument rien, sinon qu’elle est noire et qu’elle date des années 1990. Apparemment, elle est conçue pour rendre son pilote fou de bonheur.
Le seul problème, c’est qu’elle passe le plus clair de son temps dans un garage chauffé au bout d’une route rurale de l’Ontario profond, chemin cahoteux recouvert de neige glacée quatre mois par année. La voie pavée la plus proche est à 10 km, sauf qu’elle est constellée de gros nids de poules cauchemardesques. En fait, pour vraiment pouvoir prendre son pied dans le bolide germanique, le copain doit se rendre jusqu’à la 401, laquelle comme on le sait, est tapissée de flics voraces maîtrisant tous les trucs pour rançonner les honnêtes chauffards.
Rassurez-vous, je n’inaugure pas ici une chronique automobile. Je me sers de ce cas de « misère » (relative) pour amorcer un texte sur la disponibilité des réseaux sans fil ou autres quand, le moindrement, il faut se déplacer, gadget de pointe accroché à la ceinture, au bras, dans sa valise, à défaut de l’avoir au cou.
À minuit, le WiFi redevient un crapaud!
Je vous parle de ces chambres d’hôtel où le WiFi à 10 $ ou 15 $ US par jour (on n’est pas loin du gangstérisme) est un état d’âme qui a ses hauts et ses bas, que de vouloir absolument l’utiliser fait de nous un fanatique du « Digital Way of Life ». C’est comme si les Hilton et autres Westin tenaient pour acquis que jamais plus de deux clients par étage ne se connectent en même temps au misérable routeur à 25 $ installé quelque part dans un cagibi près des ascenseurs. J’ai beau oublier le WiFi et m’essayer avec un câble Ethernet (attention à la facture, il m’est arrivé qu’on me réclame les frais d’une 2e connexion… dans la même chambre), ça ne change pas grand-chose. La lenteur et les temps mort demeurent, me font rater la soirée des élections sur RDI, m’empêchent de gérer mon blogue sur la Cyberpresse, me font me rappeler cette culture liturgique dont je disposais à l’époque où je faisais partie de la Manécanterie des petits chanteurs à la croix de bois.
Je vous parle également de ces cafés cool où vouloir faire autre chose que ramasser son courriel est souvent un défi intéressant à relever, un défi frustrant surtout quand le café est mauvais. Pour que ça marche, il faut presque fréquenter ces établissements quand les utilisateurs professionnels de réseau, les branchés d’élite, ceux que les Américains appellent les « Road Warriors », et les journalistes à cravate sont partis, bref que l’endroit est finalement devenu désert et que le vieux D-Link 11g n’est plus en état de surchauffe. J’exagère, vous dites? Quelqu’un qu’une situation exaspère a toujours tendance à beurrer épais.
Une question de vision
En corollaire, cela m’oblige à vous dénoncer le manque de vision des autorités qui, en 2009, n’ont pas encore été capables de déployer sur nos centres urbains, les infrastructures sans fil que la demande justifie. Combien y a-t-il de villes, en Amérique du Nord, où on peut se promener avec un accès constant au Net sans devoir s’offrir un téléphone intelligent à la sauce Blackberry ou iPhone (ou sans avoir à se faufiler subrepticement dans un campus universitaire urbain comme celui de l’UQAM)? La norme est plutôt de se buter à des réseaux affublés de noms épouvantables, tous aussi verrouillés les uns que les autres qu’ils sont privés. Même ce gars, rue Milton, dont le réseau « F**ck_ya_all » me permettait jusqu’à récemment de me connecter en parasite, est désormais passé à l’heure du WPA. Je vous jure. Avant, il m’arrivait souvent d’utiliser (ici et ici) le service Nomade de Bell, du Wimax qui, si j’ai bien compris, ne fonctionne plus, ou du moins plus sous ce nom.
Le p’tit train-train…
Tant qu’à être d’humeur chagrine, pourquoi ne pas parler de Via Rail? Si vous êtes un habitué du Québec-Montréal ou du Montréal-Toronto, avez-vous essayé leur WiFi dernièrement? C’est tellement peu fiable, lent et frustrant que l’on dirait que tous les wagons d’un train ont été branchés à une seule et même connexion sur le réseau cellulaire de Bell Mobilité. Ouvrir une session Firefox, si on le peut, et cliquer sur un hyperlien, si on se rend jusque-là, risque de paralyser les ordis des voyageurs qui tentent, eux aussi, d’aller lire leur courriel ou de chialer contre Via Rail sur Twitter. Ce service à 8,95 $ par jour est tellement dérisoire que l’on rembourse sans trop chigner ceux qui en font la demande.
Tiens j’oubliais. Si vous me faites l’honneur de me lire, il se peut que vous m’ayez laissé vous décrire, l’automne dernier, un voyage en autobus entre Montréal et Rimouski alors que j’avais un article à produire et à livrer. Je m’étais alors servi d’un iPhone 3G pour me connecter au Net tout au long du trajet et pour, finalement, tenter de téléverser mon texte sur le serveur de Direction informatique. Je ne vous rappellerai pas toutes les misères que j’ai dû affronter. Disons, en gros, que la constance du signal 3G a été en dent de scie, que la largeur de la bande passante disponible a été de plus en plus lente et que le plaisir ressenti n’a été que celui du geek triomphant de la cyberadversité.
Zone rurale : attention, vitesse réduite
Une petite dernière? Vous souvenez-vous comment procéder pour vous brancher au réseau Internet à partir d’un modem à 56 Kbs? Non? Alors si vous avez du télétravail à terminer, évitez d’aller le faire chez des parents ou des amis qui habitent une de ces localités québécoises dépourvues de la haute vitesse Internet. Il y en aurait entre 400 et 600 dont quelques-unes tout près de Montréal. Je vous précise être en train de vous écrire ce texte en février 2009.
Les grands fournisseurs de service sont incapables d’inscrire ces malheureux dans leurs priorités pour des questions de rentabilité. Moi? J’habite au milieu d’une petite forêt, dernière résidence d’une route qui s’arrête là! J’ai essayé la haute vitesse DSL et je l’ai laissée tomber pour celle du câble. Malheureusement, dans les deux cas, je n’ai toujours pas assez de bande passante pour me prévaloir de tous ces services télévisuels évolués qui sont de nos jours accessibles par Internet.
Où je veux en venir? Il y a dysfonction entre l’équipement dont les gens disposent et l’infrastructure qui est disponible. Ce qui signifie que l’on a beau avoir sur soi, en tout temps, ce qu’il faut pour accéder au service logiciel dont on dépend, ne serait-ce Google Docs ou Office Live, un mode de vie de plus en plus préconisé par l’industrie, il se peut que cela ne soit pas possible. On a beau traîner sur soi un câble RJ-45, il se peut qu’on ne trouve aucun endroit pour le brancher. C’est un peu comme les aéroports et les prises de courant pour recharger nos blocs-notes (en fait, si on est physiquement incapable de s’asseoir par terre entre une distributrice à eau et une poubelle, il faut considérer s’acheter un MacBook Pro de 17 pouces dont la pile dure 8 heures, soutient-on).
Or, 2009 s’annonce comme étant une année de récession, de mises à pied, de faillites personnelles, de budgets déficitaires, d’invasion de sauterelles, de propagation de la peste bubonique et de renouveau créationniste. Vous pensez que la situation que je viens de vous décrire s’améliorera d’ici 2010? Soyons sérieux. Pas plus que mon ami ontarien ne pourra jouir à son goût de sa Porsche, pas plus vous et moi ne pourrons profiter de nos bébelles réseau, 3G ou WiFi, avant belle lurette, partout, sans de poser de question.
(NDLR: Ce texte a été écrit presque en totalité sur un bloc-notes qui n’a pu être rechargé faute d’avoir pu débusquer une prise de courant utilisable à l’Urgence de l’hôpital où je viens de passer onze heures et demie en compagnie de quelqu’un qui n’allait pas bien. Sans accès réseau. CQFD.)
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.