TechnoCompétences estime que le retrait des crédits d’impôt à l’emploi en technologies de l’information, dans des sites désignés, entraînera des faillites, des licenciements massifs et des déplacements d’emplois à l’étranger.
C’est en 2003 que le gouvernement du Québec a décidé de mettre fin à son programme de crédits d’impôt relatifs aux salaires dans les sites désignés que sont la Cité du multimédia de Montréal (CMM), la Cité du commerce électronique (CCE), les Centres de développement des TI (CDTI), les Carrefours de la nouvelle économie (CNE) et le Centre national des nouvelles technologies de Québec (CNNTQ). Les cinq mesures ayant une durée prescriptive de dix ans, elles cesseront définitivement d’avoir effet au plus tard en 2013 et au plus tôt en 2010, selon la date à laquelle l’entreprise a signé son bail.
Or, la fin des mesures fiscales aura un impact très négatif, voire dramatique sur l’industrie et sa main-d’œuvre. C’est du moins ce qu’avance le comité sectoriel de main-d’œuvre en technologies de l’information et des communications (TIC) TechnoCompétences qui a réalisé une étude à cet effet. Mises à pied massives, délocalisation d’emplois, faillites, acquisitions et fusions, etc. figurent parmi les conséquences appréhendées.
Les cinq sites hébergent, au total, 314 entreprises qui emploient en tout et partout 12 900 personnes, soit 22 % de l’ensemble de la main-d’œuvre oeuvrant dans le secteur des services informatiques et de l’édition de logiciels. Les cinq mesures fiscales représenteront cette année, selon les estimations du ministère des Finances, un investissement total de 182 millions de dollars.
La grande majorité des entreprises qui bénéficient des mesures fiscales sont des PME qui emploient en moyenne 19 employés, dont 13 sont admissibles aux crédits d’impôt. On parle de centaine d’entreprises, alors que les grandes entreprises sont à peine une quinzaine, mais emploient plus de 8 000 personnes au total. Les mesures fiscales ont permis aux PME de doubler, en moyenne, leurs effectifs, aux dires d’Hugo Privé, associé de la firme-conseil en gestion FRP Groupe-Conseil, qui a participé à l’étude.
Conséquences plus graves pour les PME
TechnoCompétences s’attend donc à ce que le retrait des crédits d’impôt ait des conséquences plus tragiques pour les PME, dont le taux d’endettement est élevé, que pour les grandes entreprises qui disposent de plus de ressources et d’un réseau de partenaires plus étendu.
Sophie Trépanier, du cabinet Beauchemin Trépanier, Comptables Agréés, s’est concentrée sur les impacts financiers du retrait des mesures pour les PME. Elle prévoit, par conséquent, une baisse de leur rentabilité de 7,6 points de pourcentage, ce qui fera passer leur ratio de rentabilité de 9,8 % à 2,2 %, et une hausse de leur niveau d’endettement de 40 points de pourcentage, lequel passera de 56 % à 96 %.
Cela étant dit, les entreprises situées dans les CNE, qui ont touché en moyenne 92 000 $ en crédits d’impôt au terme du dernier exercice, seront moins affectées par leur retrait que celles situées dans la CMM qui ont empoché 311 000 $ en moyenne. Aussi, les entreprises de services, qui disposent d’effectifs nombreux et ont gagné en moyenne 153 000 $ en crédits d’impôt lors du dernier exercice, seront plus affectées par leur retrait que celles qui offrent des produits, lesquelles ont empoché 109 000 $ au terme de la même période. Évidemment, les entreprises naissantes, dont la profitabilité se conjugue au futur et dont la rentabilité présente est largement dépendante des crédits d’impôt, seront plus affectées par la fin des mesures que les entreprises établies de longue date.
Repenser le modèle d’affaires
Face à cette transformation de la donne, les entreprises n’auront d’autre choix que de revoir leur modèle d’affaires et redéfinir leurs priorités, en mettant l’accent sur la productivité et les activités les plus profitables, après avoir rationalisé leurs opérations. Ce dernier exercice devrait se conclure par le licenciement de 3 000 à 5 000 employés au total, entraînant ainsi un surplus de main-d’œuvre et une détérioration des conditions d’emploi (réduction des salaires et des avantages sociaux, pressions sur la performance, etc.).
Les grandes entreprises, qui disposent de plus de moyens que les PME, se rabattront très probablement sur la sous-traitance, notamment internationale, pour réduire leurs coûts, entraînant du coup un déplacement d’emplois à l’étranger. Quant à elles, les PME percevront, en toute vraisemblance, dans leur acquisition par de plus gros joueurs, en l’occurrence des multinationales, une solution à leurs maux.
Considérant qu’il n’est pas trop tard pour agir, TechnoCompétences enjoint les entreprises visées par la fin des crédits d’impôt, et plus particulièrement les PME, à établir dès maintenant un plan de transition. Un tel plan s’étalera sur une période de trois à quatre ans, estiment les experts. Trois à quatre ans qui s’annoncent difficiles, mais qu’atténue le fait que 53 % des dirigeants d’entreprise se disent déjà conscients de l’ampleur des conséquences du retrait des mesures et que 43 % affirment avoir prévu un plan d’action. À bon entendeur…