Avec la miniaturisation des appareils et la diversité des produits, de plus en plus de personnes utilisent les technologies de l’information dans des situations qui peuvent mettre en danger leur vie ou celle de la population. Où est donc passé le bon sens?
Cette semaine, la Commission des transports et de l’environnement du gouvernement du Québec a publié un rapport sur la sécurité routière dont un des points saillants a trait à l’utilisation des téléphones cellulaires au volant des véhicules automobiles, mais aussi des appareils de communication en général, des appareils de divertissement et des appareils d’aide à la navigation.
Ce comité recommande au gouvernement de procéder à l’interdiction de l’utilisation du téléphone cellulaire au volant d’un véhicule en marche sauf s’il est en mode main libre, de restreindre l’utilisation des appareils de divertissement vidéo aux passagers, de procéder à une campagne nationale de sensibilisation à propos des distractions au volant et de confier à un comité permanent le suivi de l’évolution technologique des types d’appareils ci-haut mentionnés.
Deux situations mentionnées durant la conférence de presse ont retenu l’attention : certaines personnes conduisent un véhicule à transmission manuelle avec le cellulaire dans une main et le levier de vitesse dans l’autre; et une personne est décédée l’an dernier à Montréal puisqu’elle faisait à la fois une conversation et du clavardage sur son téléphone mobile.
Si ces situations semblent inouïes, la constatation de la fréquence de ces situations est aberrante. Depuis quelques années on dirait que les êtres humains, lorsque mis en contact avec les technologies de l’information, se sont trouvés une compétence transversale qui leur permet d’agir en mode multitâche tout en « s’insouciant » des conséquences potentielles de leurs gestes.
Prenez une marche en ville et observez. Vous verrez peut-être quelqu’un qui traverse la rue en consultant une console de courrier électronique tout en écoutant un baladeur, une personne qui regarde un film sur un écran DVD intégré au tableau de bord ou un bien cycliste qui jase sur son téléphone portable avec un écouteur dans l’autre oreille. Et nous ne parlons pas des personnes qui en font autant au volant de machinerie lourde ou agricole…
Ces personnes font fi des lois de la physique et des variables éprouvées telles que la vitesse, le mouvement et le poids tout comme elles ne se préoccupent pas que la multiplication des tâches en simultané réduit la concentration sur la tâche principale.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, certains acteurs influents étaient prompts à intervenir pour mettre en garde les gens ou interdir certains comportements. Dans les années 1980, une compagnie pétrolière qui offrait en prime des écouteurs avec une radio FM intégrée utilisait une affiche où l’on voyait des conducteurs, des enfants cyclistes et des planchistes déambuler avec l’objet sur la tête. Rapidement, les affiches ont été retirées… Plus récemment, dans un contexte de travail, des compagnies de taxi annonçaient l’utilisation de consoles GPS pour aider les chauffeurs à déambuler dans les rues sales et transversales, mais un organisme réglementaire avait appliqué une forme de moratoire envers cette approche.
(Au moment d’écrire ces lignes, une porte-parole de la Société d’assurance automobile du Québec confirme que la loi ne permet pas d’utiliser les consoles de navigation dans les taxis, mais précise qu’un processus de consultation dans le cadre d’un projet de règlement à cet effet est en cours.)
Bref, plusieurs particuliers et professionnels n’hésitent pas à se prévaloir d’un droit d’utilisation des technologies de l’information pour satisfaire un besoin et ce sans se soucier des conséquences potentielles de leurs actes sur leur propre personne, et encore moins sur celles des autres, qu’il s’agisse d’inconnus ou d’être chers.
Sans attendre, l’individu veut communiquer ou se divertir et le professionnel ou l’employé veut interagir ou s’informer, l’un pour le plaisir et l’autre pour le travail. D’ailleurs, toutes ces personnes vous diront qu’elles ne sont pas les seules à le faire, qu’elles ont le droit parce qu’elles ont payé ces produits et services et que personne ne va les empêcher d’en faire ainsi.
Maintenant, à qui la faute? Aux utilisateurs qui ne réfléchissent pas? Aux commerçants et aux installateurs qui n’informent pas les clients ou procèdent à des installations non permises? Aux manufacturiers des produits qui ne mettent pas assez d’emphase sur les dangers reliés aux utilisations problématiques? Aux institutions gouvernementales qui ne légifèrent pas assez promptement? Par ailleurs, même si des lois sont votées, qui s’assurera qu’elles seront respectées, alors que les effectifs des corps policiers sont déjà débordés?
Il faudra mettre en place des approches proactive et préventive, fondées sur la prudence et la rationalité. Il appert que bon nombre de personnes ne réalisent les impacts des distractions reliées aux technologies de l’information que selon une approche réactive, soit lorsque des personnes sont blessées ou perdent la vie. Et dans cet état, réagir est alors difficile…