Le Bureau de la concurrence n’a pas réussi à convaincre la Cour d’appel fédérale que la décision du Tribunal de la concurrence en faveur de la fusion Rogers-Shaw était juridiquement erronée ou que cette dernière entraînerait une diminution de la concurrence.
La décision faisait suite à une audience de trois heures à la demande de l’organisme canadien de surveillance de la concurrence, qui faisait valoir que la décision du Tribunal aurait pu être différente si la fusion Rogers-Shaw avait été examinée indépendamment de la vente préalable de Freedom Mobile à Vidéotron, présentée comme une remède aux préoccupations quant à la concurrence.
Rogers et Shaw n’ont pas eu à présenter leurs arguments avant que le verdict ne soit rendu.
La Cour fédérale a déclaré que la décision du Tribunal nous dit qu’en termes de concurrence, cette affaire est loin d’être close et que même s’il s’est trompée sur des points de droit précis, « nous [la Cour fédérale] ne sommes pas convaincus que le résultat aurait été différent ou aurait pu être différent ».
La Cour a ajouté qu’il n’y a pas lieu que cette affaire revienne devant le Tribunal de la concurrence pour une autre décision, car ce « retard, potentiellement important, pourrait faire mourir une transaction qui est en fait pro concurrentielle, et dans l’intérêt public ».
De plus, la Cour fédérale a rejeté la requête du Bureau de la concurrence visant à considérer l’appel de TekSavvy au CRTC comme preuve. « Le fait qu’il y a quelques jours à peine, mais des mois après que la cession eût été connue, quelqu’un a engagé une procédure devant un autre organe administratif, n’a rien à voir avec notre tâche de décider si le Tribunal de la concurrence a commis une erreur réversible en rendant l’ordonnance qu’il a rendue. »
Rogers, Shaw et Quebecor ont fait part de leur satisfaction face au verdict dans un communiqué conjoint. « Nous saluons cette décision claire, sans équivoque et unanime de la Cour d’appel fédérale. Nous continuons de travailler avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour obtenir l’approbation finale nécessaire pour conclure les transactions pro concurrentielles et créer un quatrième fournisseur de services sans fil plus fort au Canada et un concurrent filaire plus redoutable.
La décision de la Cour fédérale et le recul du bureau signifient que l’accord de fusion de 26 milliards de dollars canadiens peut maintenant être transmis au ministre François-Philippe Champagne pour son approbation finale.
Cependant, fournisseur d’accès Internet (FAI) indépendant, TekSavvy espère toujours que la fusion sera soumise au CRTC pour un examen plus approfondi avant que le ministre ne rende son verdict. Le FAI a déclaré dans un tweet hier que la décision du tribunal ne changeait rien au fait que « la fusion Rogers-Shaw est basée sur un accord parallèle illégal avec Vidéotron qui tuera la concurrence et augmentera les prix à la consommation ». L’appel de TekSavvy au CRTC pour bloquer la fusion, annoncé la semaine dernière, a été présenté par le Bureau comme preuve supplémentaire, ce que la Cour fédérale a rejeté.
Aujourd’hui, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie, qui a précédemment publié une étude suggérant que la fusion ne devrait pas avoir lieu, tient des audiences pour enquêter sur les problèmes de concurrence liés à l’accord.
Il est toutefois peu probable que les audiences d’aujourd’hui affectent la décision de Champagne, a déclaré Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa, dans un article de blog .
« Il [Champagne] est susceptible de vanter les conditions de l’accord, de promettre une réforme de la Loi sur la concurrence et d’annoncer son approbation tard un jeudi avant une semaine de vacances afin qu’il n’y ait pas de questions à répondre à la Chambre des communes. Mais si c’est la voie qu’il choisit, les Canadiens doivent reconnaître que c’est un choix. »
Il existe de nombreuses preuves que la fusion ne devrait pas se poursuivre, a déclaré Geist, y compris les demandes du bureau et de TekSavvy, ainsi que « la frustration indéniable des Canadiens face à la concurrence et aux prix des communications ».
« Le ministre Champagne et le gouvernement peuvent choisir de défendre les consommateurs canadiens et faire que cet accord ne se concrétise pas sous leur surveillance. Ou ils peuvent se tenir aux côtés des grandes entreprises de télécommunications et choisir d’aggraver encore les choses. C’est le choix de Champagne », a déclaré Geist.
Adaptation et traduction française par Renaud Larue-Langlois.