La Cour d’appel du Québec renversé un jugement de la Cour supérieure et autorisé un recours collectif contre Telus pour avoir « perçu illégalement » des frais d’itinérance auprès de certains clients vivant proche de la frontière entre le Québec et les États-Unis.
Les trois juges de la Cour d’appel ont rendu leur verdict à l’unanimité.
Dans un jugement de 14 pages, les magistrats ont donné raison à la partie demanderesse qui réclamait le remboursement intégral de frais d’itinérance qui ont été facturés à Karine Comtois, cliente de Telus Mobilité et résidante de Venise-en-Québec, municipalité qui borde le lac Champlain, tout près de la frontière entre le Québec et les États-Unis.
Obligation d’informer ses clients
Telus devra également émettre des avis à ses membres pour les informer de l’existence du jugement dans un délai de 45 jours. L’entreprise devra publier un avis dans le journal de Montréal et le journal de Québec, en plus de créer un site Internet reproduisant ce même avis pour toute la durée des procédures.
La société basée à Vancouver devra aussi inscrire à même ses factures mensuelles une mention informant ses membres de l’existence du recours collectif, incluant un hyperlien menant à la page Web reproduisant l’avis. Cette mesure est valide seulement pour la période de facturation du 2e mois suivant le prononcé du jugement.
Des frais de 108 dollars
Le document de Cour révèle que Karine Comtois a payé un total de 108 dollars de frais d’itinérance pour des appels logés dans les indicatifs régionaux 514 et 450 en juillet 2006 et en janvier et février 2007.
Les frais d’itinérance sont facturés aux clients lorsque les appels sont effectués ou reçus en dehors de la zone de desserte de l’opérateur sans fil. Dans le cas de Mme Comtois, certains appels logés au Québec étaient captés par une cellule téléphonique du réseau de l’opérateur américain Verizon, située non loin de chez elle.
Par la suite, Verizon facturait Telus qui refacturait ses clients, incluant Mme Comtois.
Me Benoît Gamache, du cabinet GBA Avocats et représentant la partie demanderesse, précise que certains appels logés par Karine Comtois et faisant partie du litige visaient simplement la prise de ses messages vocaux: « Elle a été facturée en itinérance pour des appels effectués de chez elle à sa propre boîte vocale », ironise-t-il.
Limites inhérentes à la téléphonie cellulaire
Le jugement révèle que Telus reconnaît que la situation est susceptible de se produire « pour les appels passés dans les régions frontalières entre le Québec et les États-Unis, dépendamment de la topographie, de la structure des bâtiments, et des facteurs météorologiques et atmosphériques ».
Telus dit n’avoir aucun contrôle sur la situation puisqu’il s’agit d’une « limite inhérente à la téléphonie cellulaire » et se croit pleinement justifiée de facturer ses clients pour les services rendus.
Or, dans leur décision, les juges de la Cour d’appel estiment que Telus n’est pas en droit de réclamer des frais d’itinérance à Mme Comtois puisque les appels au cœur du litige ont été effectués sur le territoire desservi par le réseau de l’entreprise.
Telus étudie le jugement
« Toutes les personnes qui, depuis le 24 avril 2004, se sont vues facturer des frais d’itinérance après avoir utilisé leur cellulaire Telus au Québec sont visées par ce recours », précise Me Gamache.
Selon lui, des milliers, voire des dizaines de milliers d’abonnés aux services de Telus pourraient être visés par le recours collectif. Il estime que le montant total réclamé à Telus pourrait s’élever à plus de 1 million de dollars.
Telus n’a pas clairement annoncé son intention de porter le jugement devant la Cour suprême, se contentant d’émettre ce bref commentaire: « Telus vient tout juste de prendre connaissance de la décision de la Cour d’appel liée aux frais d’itinérance facturés le long de la frontière entre le Québec et les États-Unis pour l’autorisation d’un recours collectif. Cela ne signifie pas que les clients ont obtenu gain de cause, mais simplement qu’ils ont la possibilité de porter leur cause devant les tribunaux. Telus étudie présentement la décision et défendra sa position devant la cour appropriée », a déclaré l’entreprise, sans plus de précision.
L’entreprise affirme que sa division de téléphonie sans fil compte 6,5 millions d’abonnés à travers le Canada, mais ne dévoile pas ses chiffres par province pour des raisons de concurrence.
Denis Lalonde est rédacteur en chef au magazine Direction informatique.