La compagnie pionnière en imagerie demande aux tribunaux une protection contre ses créanciers afin de procéder à une réorganisation de ses activités.
L’entreprise américaine Kodak, qui a dominé le marché de l’imagerie durant plus d’un siècle, a recours aux dispositions du chapitre 11 du Code des faillites aux États-Unis afin de procéder à un remaniement de sa structure corporative afin de poursuivre ses activités.
Cette procédure permet à Kodak d’obtenir des liquidités de 950 millions de dollars américains afin de maintenir les activités courantes de son entité principale et de ses filiales aux États-Unis. L’entreprise « s’attend » à pouvoir payer les salaires et les avantages sociaux de ses employés et à maintenir les programmes destinés aux clients aux États-Unis, ainsi qu’à honorer ses obligations auprès de ses fournisseurs.
Kodak précise que ses filiales hors des États-Unis ne sont pas visées par les procédures juridiques et commerciales qui visent à éviter la faillite de l’entreprise.
Antionio M. Perez, le président du conseil d’administration et chef de la direction de Kodak, déclare que l’entreprise souhaite se départir de ses propriétés intellectuelles non stratégiques et de maximiser la valeur de deux éléments de son porte-folio technologique. Ces éléments sont des brevets liés à la capture de l’image, qui ont permis d’obtenir plus de 3 milliards de dollars américains en revenus de licence depuis 2003, ainsi que des technologies d’impression et de dépôt d’images qui sont liées à l’imagerie numérique.
M. Perez affirme que l’entreprise s’est adaptée à la transition vers l’imagerie numérique – ou plutôt au délaissement de l’imagerie traditionnelle – en fermant treize usines et 130 laboratoires de développement et en éliminant 47 000 postes depuis 2003. En 2011, 75 % des revenus de l’entreprise auraient été obtenus d’activités commerciales qui sont liées à l’imagerie numérique.
Kodak espère avoir terminé sa réorganisation en 2013.
Stratégie judiciaire et déclin financier
En parallèle, au cours des derniers mois, Kodak a intenté devant les tribunaux plusieurs poursuites en contrefaçon de brevets envers d’entreprises du secteur des TIC. L’entreprise a notamment obtenu un gain contre Samsung et LG qui devrait lui rapporter près d’un milliard de dollars américains en compensations. En janvier 2012, Kodak a amorcé des procédures judiciaires contre Apple, Fujifilm, HTC et Samsung.
En 2011, l’entreprise a obtenu une victoire partielle contre Apple, qui lui permettrait d’obtenir des centaines de millions de dollars en compensation, mais cette victoire est présentement contestée par Apple auprès de la Commission du commerce international. L’année dernière, Kodak a perdu des poursuites qui avaient été intentées contre Apple et Research In Motion.
Kodak compte plus de 1 100 brevets qu’elle a obtenu au fil des années, alors qu’elle a mis au point de nombreux procédés de capture de l’image depuis sa fondation dans les années 1880
Lire : L’innovation technologique chez Kodak
En 2010, Kodak comptait près de 19 000 employés et rapportait des revenus annuels de 7,1 milliards de dollars américains ainsi qu’un bénéfice net de 687 millions de dollars américains. En 1996, l’entreprise avait rapporté des revenus annuels de 15,9 milliards de dollars américains.
L’action de Kodak, qui a atteint 94,75 dollars américains en 1997, valait 36 sous américains à l’ouverture des marchés le jeudi 19 janvier 2012.
L’entreprise, dont la capitalisation a déjà été de plus de 40 milliards de dollars américains, n’aurait maintenant qu’une capitalisation de 99 millions de dollars américains.
L’exemple de Polaroid
La tournure des événements chez Kodak illustre bien les conséquences de la progression fulgurante des technologies numériques sur des compagnies qui ont connu leurs heures de gloire avec des technologies précédentes, mais qui n’ont pas su effectuer un virage complet avant d’être acculées au mur par leurs créanciers.
Kodak, au cours des prochains mois, devra peut-être suivre l’exemple d’une autre entreprise célèbre en photographie qui a failli y laisser sa peau en raison de l’essor de la photographie numérique.
Polaroid, qui a connu ses heures de gloire avec les photos carrées à développement instantané a demandé à deux reprises la protection des tribunaux durant les années 2000. Pourtant, Polaroid poursuit ses activités aujourd’hui en misant beaucoup sur le numérique, mais en adaptant son offre en fonction des préférences actuelles des consommateurs.
Par exemple, Polaroid a annoncé il y a quelques jours, lors de la foire commerciale Consumer Electronics Show (CES) 2012, la mise en marché prochaine de l’appareil photo évolué SC1630, doté d’une lentille optique rétractable, qui sera fondé sur le système d’exploitation Android de Google.
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Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.