Plutôt que de tenter d’attirer de nouveaux studios de jeux vidéo dans la région de Montréal, les autorités gouvernementales auraient davantage intérêt à faciliter l’immigration d’une main-d’œuvre d’expérience dans la métropole.
Voilà le constat qu’a fait Yannis Mallat, président directeur-général d’Ubisoft Montréal et Toronto, devant les membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain mardi midi.
Ce dernier affirme être intéressé par le qualitatif et ne se laisse pas impressionner par les 7 000 emplois directs générés par l’industrie québécoise du jeu, ni par les 1 500 autres emplois qui doivent être créés d’ici 2015 selon les plans d’investissement actuels.
« Je suis plus intéressé aux données qualitatives que quantitatives. Sans qualitatif, il n’y a pas de quantitatif. Ça se démontre particulièrement dans notre industrie. La principale réussite de l’industrie du jeu québécoise, c’est qu’elle est arrivée à marier les mondes de la technologie et de la créativité, ce que nous appelons la techno-créativité », explique-t-il.
Selon lui, la pire erreur que l’industrie québécoise du jeu pourrait faire est de prendre pour acquise une richesse en minimisant une demande qui dépasse déjà largement l’offre disponible.
Éviter l’erreur de Vancouver
Yannis Mallat soutient qu’à ce niveau, le Québec doit apprendre des erreurs commises dans la région de Vancouver afin de ne pas les répéter. « Jusqu’à 2008, Vancouver était considéré comme le pôle canadien d’excellence du jeu vidéo. Depuis ce temps, l’industrie y connaît une période de décroissance marquée. Les explications sont nombreuses. En multipliant aveuglément l’ouverture de studios compétitifs, en stimulant une croissance trop rapide et mal soutenue, l’industrie du jeu de Vancouver n’a pas su assurer le développement d’une main-d’œuvre techno-créative, ce qui s’est ressenti sur la qualité des jeux produits là-bas », déclare-t-il.
En trois ans, des vagues consécutives de mises à pied et des fermetures de studios ont entraîné la suppression de 2 000 emplois en Colombie-Britannique.
M. Mallat ajoute que depuis 2008, le volume global des ventes de jeux est en baisse d’environ 10 %, alors que celui des dix jeux les plus populaires de 2010 est en hausse. L’industrie carbure donc à la qualité.
« Un bon jeu peut nécessiter jusqu’à quatre années de développement et se rentabilise dans ses quatre premières semaines de mise en marché. Quand le qualitatif n’est pas au rendez-vous, les effets sont tout bonnement catastrophiques », dit-il.
Penser à la techno-créativité québécoise
À long terme, le succès de l’industrie québécoise du jeu passe donc par le qualitatif. « C’est ce qui fait la différence, oui pour l’industrie du jeu, mais aussi pour l’économie québécoise. C’est une ressource naturelle composée à 100 % de matière grise », illustre-t-il.
Si le Québec a toutes les raisons d’être fier de ce qui a été accompli sur son territoire, il ne peut mesurer le succès à venir que par le nombre d’emplois à être créés dans les prochaines années.
« Raisonner ainsi se résumerait à penser quantitatif alors que les consommateurs et l’industrie réclament du qualitatif. À long terme, ce qui définira le succès de l’industrie au Québec se résumera à la qualité des jeux qui y seront produits et ce, peu importe l’évolution des plateformes sur lesquelles nous travaillerons », dit-il.
Yannis Mallat estime que la qualité passera par une gestion saine et durable du talent techno-créatif. Il souligne tout le travail accompli ces dernières années par les cégeps et les universités québécoises. « Après les succès de formation initiale, nous devons passer en mode formation continue et même plus, en mode recherche », croit-il.
De plus, comme les besoins en travailleurs hautement qualifiés dépassent largement l’offre en ce moment, M. Mallat presse les gouvernements de faciliter l’embauche de travailleurs internationaux, notamment en raccourcissant les délais d’obtention de visas, en reconnaissant les diplômes étrangers et en facilitant l’arrivée au pays des conjoint(e)s et des enfants, le cas échéant.
« Oui, les jeunes diplômés qui sortent des écoles sont bien formés. Toutefois, ils n’ont aucune expérience. Pour les intégrer aux équipes, pour créer des jeux de qualité, il est impératif de pouvoir compter sur une main-d’œuvre qui a déjà quelques jeux derrière la cravate », explique-t-il.
En diluant le talent, on impacte selon lui la qualité et on ne facilite pas le développement des étudiants qui font leur arrivée dans l’industrie.