Internet haute vitesse par satellite à la portée de la plupart des entreprises

Éloignée des grands centres, même de quelques kilomètres seulement, une entreprise peut facilement souffrir d’un manque d’accès Internet à haute vitesse. L’accès par satellite devient alors une avenue intéressante à considérer.

Ces dernières années, seules les entreprises les mieux nanties pouvaient profiter d’un service Internet par satellite coûteux, mais les choses ont changé depuis que Telesat a mis au point le service Anikast offert commercialement par Barrett Xplore. Depuis quelques mois, les petites et moyennes entreprises qui ne pouvaient avoir un accès Internet par câble ou DSL sont maintenant capables d’accéder à Internet par satellite d’à peu près partout au Canada. Il ne faut cependant pas s’attendre au même rapport capacité/prix qu’avec le câble ou le DSL parce que l’accès Internet par satellite est plus complexe et plus coûteux.

Même à seulement 35 kilomètres de Québec, je n’avais toujours pas accès à un service Internet haute vitesse quand j’ai enfin pu faire installer Internet par satellite l’été dernier. J’avais bien testé DirecPC d’ExpressVu, le service Internet par satellite de Bell Canada, il y a 5 ans, mais c’était un service qui nécessitait quand même une ligne téléphonique pour l’envoi des données, l’antenne ne servant qu’à la réception, et le taux de transfert n’était que de 492 Kbps dans les meilleures conditions. Le service développé par Telesat est quant à lui bidirectionnel. Autrement dit, l’envoi et la réception se font donc uniquement par l’antenne, ce qui permet d’économiser du même coup sur les frais d’une ligne téléphonique dédiée à l’accès Internet par modem 56K.

Le service Anikast est basé sur le satellite canadien Anik F2 de Télésat Canada, le plus gros satellite commercial de communications au monde construit par Boeing Space Systems et lancé en juillet 2004. Il fonctionne dans la bande de fréquences Ka (18,3 GHz à 22,2 GHz et 27 GHz à 31 GHz). Alors que la bande Ku est saturée par toutes sortes de relais de données militaires, gouvernementales ou privées, la nouvelle bande Ka offre beaucoup plus de possibilités pour le développement de services tournés aussi vers le grand public et les PME. Fin mars 2005, Télésat Canada a signé un contrat de distribution du service Anikast avec la firme Barrett Xplore de Woodstock, au Nouveau-Brunswick, qui est actuellement un des plus importants fournisseurs de service Internet haute vitesse sans fil au Canada. Barrett Xplore rejoint la clientèle intéressée par l’entremise de détaillants disséminés à travers tout le Canada, mais sans conserver le nom d’Anikast. Comme Barrett Xplore continue de vendre aussi un service en bande Ku, le seul moyen d’être sûr qu’il s’agit bien d’Anikast est de comparer les informations sur les sites de Télésat et de Xplornet où l’on peut trouver des renseignements sur le service, les tarifs et les détaillants.

Chez le client, le service en bande Ka nécessite l’utilisation d’une petite antenne ovale de 75 cm x 67 cm avec deux réflecteurs. En dessous du bras de l’antenne, on peut voir le TRIA (Transmit / Receive Isolation Assembly) qui renferme l’électronique nécessaire à la réception, à l’émission et à l’amplification des signaux. Deux câbles coaxiaux pour l’émission et la réception vont du TRIA au modem, situé à l’intérieur du bâtiment, dans lequel l’ordinateur ou le routeur est branché par un câble de réseau Ethernet RJ-45. Cette installation, qui nécessite beaucoup de précision, doit être faite par un technicien et le modem est configuré directement depuis les installations de Telesat. Si l’installation est réussie, la communication s’établit dès que le modem est relié à l’ordinateur ou au routeur. Les frais d’installation et de matériel (antenne, câbles et modem) sont relativement élevés (800 $ à 1 100 $), mais il est possible de les payer sur plusieurs mois.

Quatre niveaux de services, aux noms évocateurs, sont disponibles : le service KaZam, le service KaZoom, le service KaBang et le service KaBoom. Tous donnent accès à Internet 24 heures sur 24 mais avec des différences au niveau de la bande passante. Le service de base à 59,99 $ par mois donne une vitesse de réception de 512 Kbps (kilobits par seconde) et une vitesse d’émission de 128 Kbps. Le service KaZoom à 99,99 $ permet une vitesse de réception de 1 Mbps (mégabit par seconde) et une vitesse d’émission de 256 Kbps. Le service KaBang (149,99 $) permet une vitesse de réception de 1,5 Mbps et une vitesse d’émission de 300 Kbps. Finalement, pour le service KaBoom (199,99 $ par mois), les vitesses passent à 2 Mbps et 500 Kbps. Dans tous les cas, il s’agit de la vitesse maximale obtenue dans les meilleures conditions. Jusqu’au premier septembre, les anciens clients de DirecPC d’ExpressVu ont eu droit à des prix plus bas, soit 54,95 $, 89,95 $, 119,95 $ et 139,95 $ respectivement en s’adressant directement à Télésat. Le prix comprend plusieurs comptes de courrier électronique et un espace Web. Les anciens clients de DirecPC peuvent trouver de l’information les concernant à http://www.anikast.ca et les autres personnes intéressées par ce service pour s’informer sur le site de Barrett Xplore à http://www.xplornet.com.

Le test de la réalité

J’ai commencé par tester le service de base puis le service KaZoom avec une configuration TCP/IP de l’ordinateur plus adaptée à la communication par satellite, de façon à avoir le meilleur rendement possible. Avec le service de base, la vitesse moyenne a été de 455 Kbps à la réception et de 98 Kbps à l’émission. Comparativement à un accès Internet avec un modem 56 Ko, le service de Base donne donc une bande passante de 8 à 10 fois supérieure. Pour l’émission, si l’on tient compte que la meilleure vitesse d’émission avec un modem 56K est d’environ 32 Kbps, on peut dire que c’est trois à quatre fois plus rapide avec le satellite. Avec le service KaZoom, nous avons obtenu une vitesse moyenne de 905 Kbps à la réception (18 fois la vitesse du 56K) et de 185 kbps à l’émission. Il faut dire que l’accès Internet par satellite est un service partagé par les utilisateurs si bien qu’on dispose d’une bande passante moindre quand il y a plus de monde en même temps sur Internet. Ainsi, les résultats sont meilleurs, par exemple, le soir après 17h15, la nuit et durant la fin de semaine. Nous n’avons pas eu de coupure de service à cause de la couverture nuageuse, même très épaisse, mais nous en avons eu deux lors de fortes pluies, alors que le radar météo d’Environnement Canada indiquait un niveau de réflectivité de 38 dBZ environ qui correspond à de la pluie de niveau modéré. Depuis le début de l’hiver, il n’y a eu aucune coupure du service à cause de la neige, mais juste une lors d’une pluie verglaçante. C’est sûr qu’il faut vivre avec ce risque d’interruption de service et qu’il vaut mieux conserver un quelconque accès Internet possible par modem si on utilise le service Internet par satellite pour ses affaires.

Au niveau des deux services testés, les résultats étaient moins intéressants qu’avec les autres services Internet haute vitesse lors du transfert en amont de petits fichiers de moins d’un mégaoctet à cause du temps de latence (ping time) découlant du long parcours que doivent suivre les données entre l’antenne et le satellite, situé à près de 36 000 km de là, puis un autre 36 000 km entre le satellite et les antennes de Télésat à Toronto et ensuite 72 000 kilomètres pour le retour des données dans l’autre sens. Le temps de latence moyen est d’environ 700 à 800 ms, quel que soit le niveau de services auquel on a souscrit. Cela rend l’accès Internet bidirectionnel par satellite beaucoup moins efficace que l’accès DSL (digital subscriber line) ou câble pour des applications avec beaucoup d’émissions et de réceptions de petites quantités de données comme le courrier électronique ou la téléphonie par Internet (VoIP), mais ce n’est pas dramatique. Au niveau de la téléphonie IP, nous avons testé le service canadien d’Inter.net Canada et deux services américains. Dans les trois cas, nous avons noté de courtes pertes de voix dans les 15 premières secondes de conversation, mais cela marchait assez bien durant la suite de la communication avec le service KaZoom alors que les coupures continuaient avec le service KaZam. Plusieurs organismes comme la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) utilisent déjà cette technologie.

L’accès Internet par satellite est par conséquent loin d’être ce qu’il y a de mieux si l’on tient compte de tous les types d’accès possibles. Néanmoins, cela devient ce qu’il y a de mieux dans la plupart des cas où l’on n’a pas accès à Internet par câble ou DSL.

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