L’établissement est techniquement en phase de liquidation et non en faillite. Des propositions acceptées par les créanciers seront soumises au juge à la mi-janvier. Le passif, attribuable à deux entités, serait de 10 millions $. Un ancien vice-président serait mandaté par Place Bonaventure pour disposer des actifs du laboratoire. Le point.
Des acteurs du dossier relatif à la fin des activités de l’Institut international des télécommunications (IIT) ont formulé d’importantes précisions à Direction informatique. En parallèle, quelques informations additionnelles ont été obtenues quant à l’avenir des équipements du laboratoire de l’ITT.
En premier lieu, nous nous sommes entretenus avec Mary-Ann Bell*, qui oeuvrait à titre de présidente du conseil d’administration de l’Institut international des télécommunications. Mme Bell a fourni des précisions quant à l’état réel de la situation, à la suite de la publication d’un premier article portant sur la fin des activités de l’IIT.
Premièrement, Mme Bell a spécifié que l’établissement (autant l’entité de recherche que celle de formation) était en phase de liquidation et non en faillite officielle, puisque des ententes soumises aux créanciers avaient été acceptées.
« Ce n’est pas officiellement une faillite, a précisé Mme Bell. C’était important pour nous d’essayer d’avoir une entente et de ne pas de retrouver avec un syndic qui prend tout en main. En général, une société va toujours tenter d’avoir une entente au préalable, plutôt que de procéder à la faillite. »
« [Une telle démarche] demande plus d’effort – c’est probablement plus simple de remettre les clés et de faire faillite – mais quand on est des administrateurs responsables, on tente de se rendre à une liquidation plutôt qu’à une faillite. Le processus n’est pas terminé à ce moment-ci, mais tout est bien enclenché vers cette issue. »
Passifs révisés
Mme Bell a également apporté des précisions quant aux montants attribués aux passifs qui sont rapportés dans la documentation obtenue auprès du Bureau du surintendant des faillites d’Industrie Canada. Ainsi, le passif des deux entités de l’IIT serait de 10 millions de dollars, au lieu des 19 M$ rapportés précédemment.
Mme Bell a expliqué que la documentation relative à la démarche en cours requiert d’indiquer pourquoi l’établissement était devenu « non solvable dans le futur » et de fournir certaines données à cet effet. Sans dévoiler tous les détails de l’entente – en raison de la confidentialité de l’information contenue dans l’accord – elle a indiqué que certaines obligations étaient communes aux entités de recherche et de formation.
« Comme nous avons deux instituts qui partagent les mêmes locaux, la valeur du bail, par exemple, est un montant important qui est indiqué dans les deux requêtes. Je ne suis pas une experte légale, mais on m’a bien assurée que c’est de cette façon qu’il faut procéder, parce qu’un institut n’aurait pas pu rester ouvert – il avait conjointement [une telle] responsabilité avec l’autre. On ne séparait pas les montants, on les indiquait plutôt deux fois [une fois dans chaque requête]. »
De plus, en évoquant l’impact la réputation des administrateurs une interprétation erronée de certaines données, Mme Bell a précisé que les montants indiqués au niveau des passifs de l’IIT ont trait à des obligations futures et non à de comptes en souffrance.
« L’IIT avait signé des contrats, que ce soit au niveau de la location des lieux qu’elle occupe, de la location des équipements, des frais de service, etc. comme on fait lorsqu’on reste en affaires durant un certain temps. L’IIT a toujours payé ses factures et n’a pas de dette courante en soi. Ce n’est pas comme si on avait cessé de payer les fournisseurs courants. Avant d’arriver à une telle situation, qu’on voyait venir parce qu’on n’avait plus de sources de revenus, c’est là que nous avons proposé une entente à nos créanciers, qui seraient des créanciers futurs », a-t-elle précisé.
Lueur éteinte
Lors d’un entretien portant sur la fin des activités de l’entité de formation de l’Institut international des télécommunications, le président et directeur général de l’établissement, Louis Brunel, nous avait indiqué que cette décision visait à préserver une marge financière afin de permettre la poursuite des activités de l’entité de recherche dans un cadre différent. De toute évidence, ce plan n’a pas porté fruit.
Interrogée à propos des raisons de l’échec de la démarche visant la poursuite des activités, Mme Bell a évoqué à nouveau la confidentialité de l’entente convenue entre les parties impliquées, mais elle a affirmé que les administrateurs ont oeuvré activement à assurer la continuité de l’IIT.
« Si on s’est rendu jusqu’à la dernière minute, c’est que, par exemple, si on avait pu sous-louer nous-mêmes les locaux, cela aurait pu faire une différence dans une négociation avec les créanciers futurs, a-t-elle expliqué. Les administrateurs de l’IIT ont tenté de trouver un preneur. Maintenant, la situation économique étant ce qu’elle est, ce n’est pas quelque chose que nous avons réussi à faire. Il a fallu négocier une entente sans avoir cet élément additionnel qui aurait pu compter dans une entente globale avec les créanciers. »
« Ce ne sont pas tous les actifs de l’IIT qui suscitaient le même intérêt, mais il y en certains qu’on aurait aimé pouvoir transférer à un autre organisme. Il y a toujours une petite lueur d’espoir que je garde en tête, mais au stade où on en est, il est possible que cela ne puisse pas se faire, qu’on cesse les activités et que les actifs vont devoir simplement être liquidés », a-t-elle ajouté.
Cadre inadéquat
Quant à savoir si la fermeture de l’IIT est un signe d’essoufflement des activités de recherche et développement au sein de l’industrie québécoise des télécommunications, Mme Bell a affirmé qu’il n’en est point ainsi. L’industrie, a-t-elle indiqué, désire s’adjoindre de partenaires de recherche dans d’autres secteurs en raison de la disponibilité du financement, alors que l’IIT n’était pas admissible à plusieurs programmes de soutien financier.
« Je pense que le modèle d’opération et de financement de l’IIT cadraient mal, jusqu’à un certain point, dans les programmes existants [de financement], surtout au niveau du gouvernement fédéral et des institutions de recherche comme les universités, a-t-elle expliqué. Il y a beaucoup d’investissements qui se font en R&D, mais ça favorise définitivement plus les établissements de recherche. Comme l’IIT n’avait pas accès à certains programmes, cela devenait difficile de devenir compétitif. Le modèle financier avait de la difficulté à tenir la route. »
« C’est pour cela que les entreprises qui en faisaient partie ont dit qu’elles ne voulaient pas désinvestir en R&D, mais plutôt investir dans les organismes comme les universités où on a un meilleur retour, en raison de la façon dont sont structurés les programmes au Canada et au Québec. On aurait tous espéré, pour les PME, que le laboratoire [survive]. Il n’était pas essentiel à la recherche, mais il l’était très certainement en soutien à la commercialisation. Il aurait fallu que des organismes de soutien aux PME puissent appuyer cela, mais cela n’existait pas, et les PME, évidemment, n’avaient pas les moyens de le soutenir… »
Les équipements au locateur?
L’IIT exploitait un laboratoire d’équipements de télécommunications, qui est situé à la Place Bonaventure.
Interrogée quant à l’avenir de ces équipements, Mme Bell a déclaré, au moment de l’entrevue, qu’ils constituaient encore des actifs de l’IIT et l’IIT-R. « Comme ce sont des entités qui sont toujours existantes – il y a eu une entente avec les créanciers, mais qui n’a pas encore été entérinée par la cour – tous les actifs appartiennent toujours à l’IIT et l’IIT-R. Je ne peux dévoiler le contenu de l’entente confidentielle avec les créanciers futurs, mais il est certain que dans une [telle] entente, il y a éventuellement des ententes par rapport aux actifs existants », a indiqué Mme Bell.
Dev Coosa, le syndic responsable du dossier de l’IIT, n’avait pu répondre aux requêtes d’entrevue initiales de Direction informatique en raison d’un horaire chargé. Toutefois, lors d’un entretien téléphonique, où il a corroboré que les deux entités de l’IIT ne sont pas en faillite, mais en « phase de fermeture par le biais d’une proposition de liquidation », M. Coossa a confirmé l’importance de la Place Bonaventure, où se trouvent les locaux de l’établissement, à titre de créancier.
« Les deux entités IIT et IIT-Recherche ont déposé toutes deux des propositions à leurs créanciers, lesquelles ont été acceptées à l’unanimité parce qu’il y avait très peu de créanciers en nombre, le principal créancier étant la Place Bonaventure, leur locateur, a indiqué M. Coossa. Ces propositions vont faire l’objet d’une approbation par le tribunal le 14 janvier, ce qui va mettre fin au processus de liquidation de leur dette. Les compagnies resteront ouvertes et pourront fermer ‘normalement’, parce que les dettes auront été liquidées. Dans un cas de proposition, la compagnie garde toujours la responsabilité de ses actifs et de sa gestion. »
Ainsi, lorsque le juge aura entériné les propositions, les équipements qui font partie du laboratoire de l’IIT seront disposés dans le cadre d’un processus de fermeture de l’établissement.
Selon nos informations, le gestionnaire de la Place Bonaventure, Gestion immobilière Kevric, a mandaté Denis Potvin, l’ancien vice-président à la technologie de l’IIT, pour « maximiser la valeur monétaire ($) des équipements de l’IIT ».
Sur le site de Triadun, une firme qui semble avoir été fondée récemment, on indique que « après les arrangements légaux, Place Bonaventure deviendra l’unique propriétaire des équipements laissés par l’IIT » et que « l’inventaire des équipements sera disponible après que les arrangements légaux seront complétés ».
Au moment de mettre en ligne, il n’avait pas été possible de rejoindre M. Potvin.
* NDLR: Mme Bell n’avait pas refusé initialement de nous parler, comme notre article publié hier pouvait peut-être le laisser croire, mais la requête d’entrevue n’avait pas été portée à son attention avant la publication du premier article.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.