Si l’institution montréalaise est résolument axée sur la modernité, les technologies les plus récentes y côtoient les méthodes pédagogiques les plus traditionnelles.
Sur la base de quels critères choisit-on, quand on est une institution d’enseignement supérieur, les outils technologiques qui supporteront notre mission? Des outils qui, on l’espère, permettront aux enseignants d’être plus efficaces, aux étudiants de mieux acquérir les connaissances et, donc, qui auront un impact réel sur la performance de l’organisation.
HEC Montréal, l’école des sciences de la gestion affiliée à l’Université de Montréal, se spécialise dans la formation des gestionnaires et des cadres. L’École a décidé dès 1996 d’exploiter au maximum les possibilités pédagogiques offertes par les technologies de l’information et des communications (TIC). C’est ainsi qu’a vu le jour, un an plus tard, le programme Virtuose qui s’étoffe d’année en année.
Il s’agit d’un programme visant à intégrer les nouvelles technologies à l’enseignement. Cela se traduit par un usage intensif de l’ordinateur portatif par l’étudiant et l’utilisation de divers outils de communication, de collaboration et d’information (voir l’encadré). Choisis en fonction de divers critères établis par l’établissement, sur recommandation de ses technopédagogues, les outils sont ensuite proposés aux enseignants.
« La section technopédagogie est en support au corps professoral, pour mettre à leur disposition des applications pédagogiques, qui peuvent être des logiciels commerciaux ou des logiciels de code source libre, pour que les étudiants apprennent mieux, résume Pascale Blanc, directrice de la section technopédagogie du service de gestion des TI de l’institution. À partir du moment où un professeur est intéressé à utiliser une technologie particulière, on va l’aider, on va même faire des démos en classe, mais on n’impose rien. C’est pour ça d’ailleurs qu’on gagne du terrain. Pour nous, c’est un vrai succès quand on voit qu’une application est utilisée de session en session, parce que ça veut dire que les professeurs l’ont intégré à leurs scénarios pédagogiques et que ça répond à un vrai besoin. »
Coexistence des outils
Conséquemment, les nouveaux outils choisis ne viennent jamais remplacer, de façon unilatérale, les outils déjà utilisés par les enseignants, l’institution ayant opté pour une stratégie de coexistence des diverses technologies utilisées, afin d’offrir plus de choix à l’enseignant qui peut ainsi choisir l’outil avec lequel il est le plus confortable.
« Il ne faut pas croire que les vieux outils vont disparaître et que les nouvelles technologies vont remplacer les méthodes traditionnelles, soutient Paul Mireault, professeur agrégé, Service de l’enseignement des TI, à HEC Montréal. Il y a encore des avantages à utiliser un tableau noir : déjà, c’est plus large qu’un écran d’ordinateur et on peut y naviguer facilement. On vise davantage une utilisation complémentaire qu’une utilisation restrictive. »
Cela dit, on trouve trois catégories générales d’applications de dernière génération, utilisées depuis deux ans. « Un des logiciels de base, c’est le forum de discussion qui, allié avec la méthode des cas et différentes stratégies pédagogiques, peut être un outil très intéressant, explique Pascale Blanc. Avec les forums de discussion, les enseignants peuvent faire préparer les cas à l’avance par leurs étudiants, en leur posant des questions pour vérifier qu’ils ont bien lu le cas avant de venir en séance et leur permettre d’aller plus à fond lorsqu’ils sont en séance.
« Il y a aussi les questionnaires en ligne, avec lesquels les enseignants peuventinciter les étudiants à faire de l’auto apprentissage et évaluer les apprentissages. La troisième application estle site Web collaboratif, fondé sur laplate-forme Windows Sharepoint Services de Microsoft, qui permet d’amener les étudiants à interagir et travailler en collaboration sur un projet pédagogique. »
À ces applications s’en ajoutent d’autres plus récentes, fondées sur les technologies du Web 2.0, actuellement en évaluation et qui pourraient être prochainement déployées. « On a des projets pilotes reliés aux [logiciels sociaux], tels que les blogues, wikis, les cartes conceptuelles, etc., précise Pascale Blanc. Ces logiciels offrent l’avantage de ne pas exiger des connaissances techniques particulières de la part de l’étudiant et permettent au professeur de facilement mettre en œuvre des projets pédagogiques basés sur le Web. On commence aussi à expérimenter les techniques de baladodiffusion. Les simulations commencent à être utilisées également aussi bien par des étudiants en management, qu’en marketing, technologies de l’information ou mathématiques quantitatives de gestion. »
Progression graduelle
Dix ans après la création du programme Virtuose, force est de constater que les outils mis en place ne rejoignent pas une majorité d’enseignants. « On n’aura jamais 100 %, pas même 50 % pour n’importe quel outil, prophétise Paul Mireault. […] Il y a même des professeurs qui ne veulent pas voir un ordinateur dans leur classe. »
« Mais ce qui est important, poursuit Pascale Blanc, c’est qu’on progresse. Quand je suis arrivée à l’École, il y avait beaucoup à faire, ce n’est pas comme si tout d’un coup tout le monde s’était mis à utiliser les outils. Mais graduellement, les professeurs qui utilisent un outil à une session le réutilisent à la session suivante. C’est donc dire qu’ils y perçoivent une valeur ajoutée. […] On fait beaucoup d’efforts en marketing, on organise des activités comme la Foire Virtuose, les Lunchs et les petits-déjeuners Virtuose et on diffuse un bulletin Virtuose pour informer les professeurs des applications à leur disposition et de la veille dans le domaine technopédagogique. Cela nous a permis, depuis l’année dernière de doubler le nombre de comptes applicatifs d’étudiants et d’avoir près de 170 enseignants utilisateurs. »
Programme pour virtuoses de la gestion
Virtuose s’adresse spécifiquement aux étudiants admis dans les programmes de B.A.A., M.B.A., DESS (Affaires électroniques, Communication marketing, Comptabilité publique et Gestion de la chaîne logistique), M.Sc. (Technologies de l’information, Commerce électronique) et Certificat. Les programmes de Certificat visés sont plus précisément : Analyse des processus organisationnels, Commerce électronique, Gestion d’entreprise, Gestion de projets, Leadership organisationnel, Système d’information et analyse d’affaires. L’usage de l’ordinateur portatif est obligatoire pour les étudiants inscrits à ces programmes, à l’exception du Certificat Gestion d’entreprise, auquel cas il est facultatif.
La coopérative de l’établissement propose plusieurs modèles d’ordinateurs portatifs particulièrement robustes, fournis par Lenovo et Toshiba, dont le prix débute à 1 200 $. « Les modèles qu’on vend sont des appareils corporatifs, garantis par le fabricant pendant au moins trois ans, qu’on vend à un prix très abordable, précise Carl Nadeau, directeur du service informatique, à la Coopérative HEC Montréal. On prend des marges entre 5 et 10 % maximum. »
« C’est très important pour nous que l’étudiant n’ait pas de problème avec son portatif, parce que s’il en a un, ça affecte aussi le professeur, ajoute Paul Mireault, professeur agrégé, Service de l’enseignement des TI, à HEC Montréal. Avant on disait ” c’est le chien qui a mangé mon devoir “, maintenant on dit ” c’est le disque qui a crashé “. On veut minimiser l’impact sur la pédagogie et l’apprentissage de l’étudiant. C’est pour ça qu’on a des standards élevés. »
La Coop propose, en outre, une garantie tous risques, moyennant 40 à 50 $ par année, qui couvre les dégâts causés par l’étudiant. Employant une vingtaine de personnes, le détaillant offre un service de réparations sur place, avec prêt d’un appareil de courtoisie (elle en a une quarantaine). Il y a actuellement 5 000 à 6 000 ordinateurs sous garantie à l’école.
« La première année, avec le kit Virtuose, on garantit mur à mur, que ce soit des virus ou des intrusions ou que l’étudiant a bousillé son ordi parce qu’il a installé des logiciels comme Morpheus ou LimeWire. On reprend la machine, on la remet en état d’usine, on fait les mises à niveau Windows, on remet l’antivirus et on réinstalle le profil HEC », explique Carl Nadeau qui ajoute que les interventions logicielles sont effectuées dans un délai d’un à deux jours et les interventions matérielles, dans un délai de cinq à sept jours ouvrables.
Ressources en ligne
En utilisant son ordinateur, l’étudiant peut accéder à divers outils et ressources pédagogiques, notamment via les 10 000 prises d’accès réseau réparties à la grandeur du campus. « Au départ, on avait mis les prises dans les classes surtout, se remémore Paul Mireault. Puis, nous en avons installé dans les couloirs, près des tables de travail, mais très vite le nombre de prises par table, qui était de deux, s’est avéré insuffisant et on a dû en ajouter deux autres. »
L’institution a opté pour la technologie filaire parce qu’à l’époque où elle a défini les spécifications du programme, cette technologie était plus performante et sécuritaire que sa contrepartie sans fil. « Les connexions devaient être partagées et les réseaux sans fil étaient à cette époque dix à cent fois moins performants que les réseaux filaires, se rappelle Paul Mireault. On a fait ce choix, et je ne dis pas qu’on ne referait pas le même aujourd’hui. »
On trouve parmi les ressources auxquelles accède l’étudiant, en utilisant son numéro de matricule, un système de courrier électronique, un agenda et les banques de données de la bibliothèque. Y figurent également différents logiciels du marché, tel le progiciel de gestion intégrée SAP, les applications de statistique SAS et SPSS et les logiciels de bureautique de la suite Office. L’étudiant a également à sa disposition une salle des marchés alimentée en données financières en temps réel par les grandes agences, telles que Bloomberg et Reuters.
De plus, en accédant à l’intranet de l’université, l’étudiant peut s’inscrire à des cours, consulter ses résultats scolaires, son état de compte et, dans l’application Zone Cours, les plans de cours électronique. On trouve, dans cette zone, la liste des lectures à faire, les documents reliés au cours, les notes de cours, les dates des remises de travaux et des examens, etc. Toutes ces ressources sont gérées à partir d’un système fourni par PeopleSoft.
Attirer les meilleurs
C’est pour doter ses finissants d’un avantage compétitif sur le marché du travail et pour leur permettre d’être plus actifs dans leurs apprentissages que l’institution a créé Virtuose. Le programme permet également aux enseignants de développer des stratégies d’enseignement riches et novatrices tirant profit des TIC.
« Il faut toujours être en avance, ce n’est pas une question de suivre le marché, affirme Paul Mireault. Ça fait partie de la formation qu’on veut donner à nos étudiants, pour qu’ils aient certaines habiletés lorsqu’ils vont entrer sur le marché du travail, au niveau du travail collaboratif et de l’utilisation de certains outils technologiques.
« Bien que ce soit difficile à quantifier, on croit que ça a eu un impact, au fil des ans, sur les admissions à l’École. Ça a permis d’attirer de meilleurs étudiants. Aussi, il y a de plus en plus d’étudiants qui ne font qu’une seule demande d’admission et c’est pour HEC. Ça, c’est un indice de l’attrait de notre programme. C’est sûr qu’il y a un coût associé au programme, mais ça contribue à nous démarquer des autres institutions et faire de HEC Montréal, une institution connue mondialement. »
Une jeune école centenaire
Fondée il y a cent ans, HEC Montréal propose à ses 12 000 étudiants, dont 2 800 sont étrangers, 35 programmes d’études universitaires de premier, deuxième et troisième cycles en sciences de la gestion. Pour ce faire, elle dispose d’un effectif de près de 250 professeurs de carrière. Elle compte sur un réseau de 57 000 diplômés actifs sur tous les continents.
L’institution constitue, en outre, la première école nord-américaine à avoir obtenu les trois agréments AACSB international, EQUIS et AMBA et est la seule institution québécoise à figurer dans le classement des 10 meilleures écoles internationales offrant un programme de MBA du magazine BusinessWeek. Fruit de partenariats avec diverses entreprises privées, elle dispose d’une quarantaine de chaires, centres et groupes de recherche et est présente dans plus de 40 pays, par le biais des Projets internationaux.
Alain Beaulieu est adjoint au rédacteur en chef au magazine Direction informatique.