La logique des abus de marché qui sous-tend les poursuites des autorités de la concurrence contre des entreprises qui connaissent du succès, dont Google, est défaillante, estime l’Institut économique de Montréal (IEDM).
Dans une Note économique de quatre pages préparée par Marie-Josée Loiselle, l’IEDM soutient que les consommateurs sont les principaux perdants lorsque de telles procédures surviennent, puisqu’elles contribuent à un ralentissement de l’innovation.
Le document est de l’IEDM est publié à la suite d’un jugement de la Commission européenne, rendu en mai dernier, qui demandait à Google de modifier le fonctionnement de son moteur de recherche, sous peine d’une poursuite.
La Commission reprochait notamment à Google d’avoir modifié son algorithme de recherche pour que les résultats mettent en valeur ses propres produits et donnent moins de visibilité aux sites de ses concurrents, d’avoir copié certains contenus sur les moteurs de recherche concurrents et d’imposer des restrictions contractuelles aux clients de sa plateforme d’achat de publicités en ligne AdWords.
Le 20 septembre, le vice-président de la Commission européenne responsable de la concurrence, Joaquín Almunia, a déclaré dans un discours prononcé à New York que Google avait accepté de soumettre des propositions pour éliminer les inquiétudes foumulées à son endroit. M. Almunia a toutefois précisé que la mise en œuvre de ces mesures était encore loin et qu’en l’absence d’une entente satisfaisante à court terme, Google pourrait devoir faire face à une poursuite formelle.
Marie-Josée Loiselle s’explique mal cette poursuite  ;:«On ne peut nier que c’est en innovant et en offrant un moteur de recherche efficace et convivial que Google a obtenu une position avantageuse sur le marché en moins d’une décennie. Considérant la nature gratuite des services des moteurs de recherche et la facilité d’accéder à des sites alternatifs, les consommateurs sont très sensibles aux changements dans la qualité du service qu’ils obtiennent. L’utilisateur peut changer de fureteur en un clic de souris s’il n’est pas satisfait. C’est donc sur la base de la qualité que les compagnies se font concurrence afin d’attirer les internautes et d’augmenter leurs ventes publicitaires », écrit-elle.
De plus, dans une industrie comme celle des technologies de l’information, où tout évolue tr ès rapidement, une entreprise peut dominer pendant quelques années avant de « descendre de son piédestal en une courte période de temps ». L’auteure cite AltaVista, AOL, Research in Motion, Palm, Nortel et Polaroid pour illustrer son point de vue.
Mme Loiselle ajoute que pour prouver une violation des lois de la concurrence, il faut démontrer qu’il y a « restriction de commerce » ou « monopolisation d’un marché » : « Ces termes sont toutefois définis arbitrairement et de manière différente d’un secteur à l’autre. Il est donc possible qu’une décision des autorités compétentes ait pour effet de freiner l’innovation et décourager des pratiques favorables pour les consommateurs. Malheureusement, les coûts de ces erreurs ne sont pas adéquatement reconnus par les décideurs publics », dit-elle.
Elle s’interroge à savoir si de telles poursuites ont vraiment pour effet de protéger les internautes et les consommateurs.
« Plus que d’autres types d’entreprises traditionnelles, les entreprises de haute technologie n’ont aucun problème à aller jouer sur le terrain de l’autre, et cela pour le plus grand bénéfice des consommateurs. Mais pour y arriver et conserver la loyauté des consommateurs, elles doivent constamment faire preuve d’ingéniosité. Elles ne devraient pas être punies pour cela », ajoute-t-elle.
Mme Loiselle rappelle qu’il y a quelques années, Apple fabriquait des produits électroniques de masse, Google avait son moteur de recherche, Amazon son magasin en ligne et Facebook son réseau social Aujourd’hui, le Kindle Fire d’Amazon affronte l’iPad d’Apple sur son terrain; le magasin iTunes d’Apple fait concurrence au magasin en ligne d’Amazon; et Google+ talonne Facebook », précise-t-elle.
L’auteur est d’avis que dans la pratique, les lois sur la concurrence ont fréquemment des effets pervers : « Premièrement, elles modifient le comportement des entreprises, qui cherchent davantage à se protéger et à minimiser les risques de poursuites au lieu de favoriser des décisions économiquement efficaces ».
Voilà pourquoi, au final, l’IEDM considère que les consommateurs sont les grands perdants des poursuites intentées au nom de la protection de la concurrence.