Funcom Montréal a sextuplé son nombre d’employés et doublé sa superficie en une année. Le développeur vient de parapher une entente de coédition avec Electronic Arts pour le jeu en ligne massivement multijoueur The Secret World. Entrevue avec le chef de la direction Miguel Caron.
Le studio de Funcom Montréal, qui est situé dans un édifice de la rue Sainte-Catherine Ouest, bourdonne d’activité.
Dans un vaste espace à aire ouverte qui est ceinturé d’une grande fenestration et parsemé de colonnes de soutènement peintes en rouge et en blanc, des dizaines d’employés s’affairent sur leurs ordinateurs dans des cubicules séparés par des cloisons à mi-hauteur. Un espace similaire vient d’être inauguré quelques étages plus bas, ce qui porte à 22 000 pieds carrés la superficie de travail de Funcom Montréal.
Quelque 150 scénaristes, dessinateurs, programmeurs et testeurs oeuvrent au développement et au soutien de jeux en ligne massivement multijoueur (MMO, pour Massively Multiplayer Online en anglais). Une bonne partie de l’équipe travaille ardemment à créer le jeu The Secret World qui sera commercialisé bientôt. D’autres employés s’affairent à l’évolution des deux autres titres de Funcom, soit Age of Conan et Anarchy Online.
Intégration en douce
Pour Miguel Caron, le chef de la direction de Funcom Montréal, les douze premiers mois d’existence du studio québécois ont été fort occupés. La filiale de l’entreprise norvégienne Funcom, dont l’implantation au Québec avait été annoncée en septembre 2009, a amorcé officiellement ses activités en janvier 2010.
Lorsque la phase de préproduction de The Secret World a été complétée en Norvège, 75 employés de calibre supérieurs ont été transférés à Montréal à partir des autres studios de l’entreprise sur la planète. M. Caron a ensuite procédé à l’embauche d’employés de niveaux intermédiaire et avancé. Des employés de 28 nationalités oeuvrent dans le studio montréalais.
M. Caron apprécie la vivacité de l’industrie québécoise du jeu vidéo, tout comme la qualité de son écosystème. Il indique que les enjeux d’embauche et de rétention de la main-d’oeuvre qui marquent l’industrie touchent moins son studio, puisqu’une bonne partie des ressources travaillaient déjà pour Funcom et qu’il est à la recherche une expertise très pointue. Ainsi, Funcom Montréal serait moins “active” dans la migration de travailleurs d’une entreprise à l’autre. M. Caron indique que la relation avec les principaux joueurs de l’industrie est très bonne.
« Comme dans toute l’industrie, j’ai des difficultés à trouver des programmeurs Flash de niveau supérieur – on se les tiraille beaucoup, constate M. Caron. Mais j’ai développé une belle relation d’affaires et d’amitié avec les autres dirigeants de studios – nous sommes très gentlemen entre nous. Quelques nouveaux studios n’ont peut-être pas cette philosophie… »
Pari risqué
Le jeu en ligne massivement multijoueur se caractérise par le recours à un univers virtuel, accessible via Internet, où des milliers d’utilisateurs concurrents évoluent par le biais de leurs ordinateurs personnels, consoles de jeu et appareils mobiles. Or, la création et la mise en marché d’un titre requièrent des années de travail et des investissements qui se calculent en dizaines, voire en centaines de millions de dollars.
Faire un jeu MMO comporte des risques : récemment, le développeur Realtime Worlds d’Écosse qui aurait investi 80 millions de dollars dans le jeu APB, a fait faillite 79 jours après le lancement du produit, qui s’est avéré être un échec.
« Faire un jeu MMO constitue une grosse gageure, alors qu’on projet coûte en moyenne cinquante millions de dollars, explique M. Caron. C’est comme faire un film : c’est un projet de très grande envergure où l’on dépense des dizaines de millions de dollars en marketing lorsqu’on lance le jeu, où les revenus se calculent en centaines de millions de dollars… »
« Mais nous sommes un des rares studios à avoir fait trois jeux. Cela nous coûte beaucoup moins cher parce que nous avons bâti un coffre à outils où l’on sélectionne des personnages dans une base de données afin de leur donner des propriétés et des habiletés, sans faire d’autre programmation », ajoute-t-il.
Selon M. Caron, le secret consiste à ne pas avoir d’idée toute définie lorsqu’un projet est amorcé. « On connaît exactement l’histoire, mais le modèle d’affaires peut changer. Lorsqu’on a commencé The Secret World, le modèle “gratuit à jouer” n’existait pas. Il nous faut maintenant envisager cette approche – nous n’avons encore rien décidé. Il y a des intuitions reliées à des réalités dans le marché auxquelles il faut s’adapter pour que le jeu soit au goût du marché lorsqu’il sera lancé. C’est la même dynamique que trouver la bonne histoire à raconter. »
Partenariat-conseil
D’autre part, Funcom Canada vient de conclure un accord de coédition avec Electronic Arts à l’égard de The Secret World.
Selon l’entente, le géant de l’industrie du jeu vidéo assumera la responsabilité financière de la promotion et de la distribution du jeu de Funcom Montréal à l’échelle mondiale, en plus de prodiguer des conseils en optimisation de produit. En échange, Funcom fournira des conseils à EA qui s’apprête à commercialiser un premier jeu MMO qui sera basé sur l’univers de Star Wars.
« Funcom est un peu la Rolls-Royce du jeu vidéo alors qu’on pousse la qualité au maximum, mais ce n’est pas nécessairement la bonne chose au niveau commercial, explique M. Caron. EA, qui a une expertise au niveau du marché de masse, nous conseillera de modifier des choses qui ne changeront pas la qualité du jeu, mais qui diminueront les coûts et les temps de livraison. Cela permettra d’assurer que notre jeu soit disponible commercialement auprès de la plus grande part de marché possible. »
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.