Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires caractérisant le secteur public québécois – comme celui de nombreux États occidentaux – le gouvernement doit s’astreindre à une gestion efficiente des technologies. Réflexion sur la conjoncture et la façon dont les fournisseurs TI peuvent en tirer parti.
Sachant que l’utilisation de chaque dollar versé par les contribuables fait l’objet d’une attention et d’une reddition de comptes accrues, les gouvernements cherchent de nouveaux moyens de fournir des services à la population et aux entreprises. Tous s’accordent à dire que les technologies jouent un rôle de premier plan à cet égard.
Un rôle essentiel, mais coûteux précise-t-on au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada. L’administration fédérale dépense environ cinq milliards de dollars annuellement afin d’appuyer les TI. Chaque ministère gérant une infra-structure TI distincte, il en résulte une fragmentation et un dédoublement des efforts. Aussi, Ottawa souhaite-t-il regrouper et rationaliser les systèmes de courriel, les centres de données et les réseaux actuellement disséminés dans 44 ministères. À cette fin, il a créé l’été dernier l’organisme Services partagés Canada, première étape d’un programme de modernisation des TI au sein du gouvernement canadien.
Il s’agit d’un modèle utilisé ailleurs avec succès, notamment en Ontario, aux États-Unis et en Australie, rapporte Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. On songe aussi à l’implanter au Royaume-Uni, où l’on espère que la rationalisation des centres de données permettra d’économiser 478 millions de dollars par année et de réduire la consommation d’énergie de 75 %.
Le Québec n’échappe pas à la tendance. Au printemps 2011, le gouvernement québécois « a adopté une loi et une politique-cadre sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles, rappelle le Conseil du Trésor. Il veut ainsi s’assurer d’une gestion rigoureuse et transparente des sommes consacrées aux ressources informationnelles. Les sommes investies à cet effet en 2009-2010 par les ministères et les organismes publics… totalisent 2,6 milliards de dollars… Une économie de 200 millions de dollars est prévue d’ici 2013. »
Appels d’offres
Néanmoins, les initiatives TI demeurent nombreuses et vastes dans le secteur public. « Le gouvernement mène plusieurs projets parallèlement, précise Carole Dicaire-Marchand, présidente de Services Conseils CDMM et retraitée récente de la fonction publique québécoise après une carrière de 33 ans en tant que spécialiste des TI. Beaucoup de gens connaissent les technologies au sein du gouvernement du Québec, mais ce sont surtout des généralistes. » N’ayant pas suffisamment de ressources pour réaliser ses projets seul, l’appareil gouvernemental n’a d’autres choix que de se tourner vers des partenaires, en l’occurrence les fournisseurs TI. « Des consultants, il y en a, et des occasions d’affaires aussi », constate Mme Dicaire-Marchand.
Les occasions d’affaires émanant du gouvernement du Québec proviennent de demandes de soumissions publiques, publiées dans le système électronique d’appel d’offres (SEAO). « Tous les appels d’offres de biens supérieurs à 25 000 dollars sont publics, indique le Conseil du Trésor. Pour ce qui est des appels d’offres relatifs aux services, le seuil est de 100 000 dollars. » Le résultat de chaque appel d’offres est publié dans le SEAO.
« Depuis environ cinq ans, les normes se sont beaucoup resserrées dans la fonction publique », dit Carole Dicaire-Marchand. Pour donner un contrat sans demande de soumissions publiques, il faut démontrer hors de tout doute que cela est avantageux. « Il y a également des suivis plus étroits à faire de la part des fonctionnaires pendant la prestation de services et un état de situation à élaborer au terme du processus », explique-t-elle. En outre, le Conseil du Trésor rapporte que la loi et la politique-cadre adoptées le printemps dernier « prévoient un resserrement important de la planification des ressources informationnelles, de même que des mécanismes d’autorisation, de suivi et de reddition de comptes ».
Facteurs particuliers
« Le gouvernement a des structures d’approvisionnement très rigoureuses et évalue les propositions de fond en comble », confirme David Marotte, président et chef de la direction de la firme de services-conseils FXinnovations. Dans ce contexte, il est primordial pour un fournisseur de former une équipe apte à répondre aux appels d’offres. Or, apprendre la mécanique qui les caractérise n’est pas chose facile. Il faut y mettre temps et ressources. « C’est la raison pour laquelle ce sont souvent les mêmes firmes qui obtiennent les contrats, dit Carole Dicaire-Marchand. Les fournisseurs doivent être solides et prêts. » Pour David Marotte, il est important de se faire connaître des décideurs gouvernementaux. Sa firme le fait en se servant de moyens courants comme les conférences, les salons commerciaux et les tables d’échange. « Il est possible de gagner un appel d’offres du gouvernement québécois sans être connu, mais cela demeure difficile », croit-il. Selon Claude Lemieux, président du Regroupement des partenaires du gouvernement en technologie de l’information (RPGTI) – et vice-président secteur chez CGI – il est indispensable que le fournisseur ait une présence locale. « La très vaste majorité des appels d’offres se font à Québec, c’est dans cette ville que se joue la partie », dit-il.
À Québec, les tarifs de consultation sont particulièrement bas dans la fonction publique en raison d’une vive concurrence. « Inférieurs à ce qu’ils étaient il y a dix ans, les tarifs en vigueur à Québec sont actuellement les moins élevés en Amérique du Nord, indique M. Lemieux. Cela exige des fournisseurs qu’ils aient des structures de projet permettant d’être concurrentiels en matière de prix. À cet égard, il faut qu’ils développent des outils pour augmenter la productivité et réduire les coûts », souligne-t-il.
Cette situation peut sembler avantageuse pour le gouvernement, mais la médaille a son revers. « La fonction publique se prive ainsi d’une expertise extérieure que les fournisseurs ne peuvent se permettre d’utiliser étant donné les bas tarifs », poursuit le président du RPGTI. Selon lui, le prix est extrêmement important dans le cadre des appels d’offres. « Le gouvernement dit se préoccuper du rapport qualité-prix, mais la qualité a ses limites. Les propositions de qualité minimale à bas prix ont plus de chances d’être retenues que celles dont le prix est plus élevé », dit-il.
Cette situation pourrait changer, cependant. En effet, « dans le contexte des grands projets de transformation des ressources informationnelles, le gouvernement se propose de considérer au mérite les différents modes de réalisation prévus à la politique-cadre, dont le partenariat public-privé, explique-t-on au Conseil du Trésor. Bien entendu, la combinaison coût-qualité est à examiner, mais au-delà de ces considérations, le choix d’une technologie doit reposer sur une analyse plus globale, qui tient compte de nombreux enjeux », précise-t-on.