La grogne populaire, l’inquiétude d’Ottawa et des requêtes de FSI incitent le CRTC à revoir les modalités de la tarification à l’utilisation d’Internet. Mais l’organisme est clair : le principe de l’utilisateur-payeur est inévitable. Résumé des développements des dernières heures.
Après plusieurs jours marqués par un mécontentement croissant des internautes (Lire : Facturation à l’utilisation de la bande passante : les réactions fusent) et un désir d’intervention dans le dossier du gouvernement fédéral, la Commission de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) fait marche arrière et retarde au moins deux mois l’entrée en vigueur des mesures de tarification à l’utilisation de la bande passante Internet.
Jeudi en fin de journée, le CRTC a publié une déclaration de son président, Konrad von Finckenstein, qui déclare l’organisme a décidé « de son propre chef » de revoir sa décision. Le CRTC prévoit publier les modalités de son processus de révision sur son site Web le lundi 7 février 2011.
Cette révision de décision du CRTC visera à confirmer que le principe de la facturation à l’utilisation « protège les consommateurs » et que les fournisseurs de services Internet « peuvent conserver la plus grande souplesse possible et continuer à être une source d’innovation » dans le secteur des services d’accès Internet.
Toutefois, l’organisme précise que son processus de révision visera à confirmer que les grands utilisateurs d’Internet paient pour « leur utilisation démesurée. » Le président du CRTC souligne que la facturation à l’utilisation de la bande passante est perçue par le CRTC comme « un principe légitime ».
« Nous sommes convaincus qu’il n’y a aucune différence entre les services Internet et les autres services publics, et que la grande majorité des utilisateurs Internet ne devraient pas avoir à subventionner les grands utilisateurs. Il s’agit pour nous d’une question d’équité fondamentale », déclare M. von Finckenstein.
Demandes de report
Le CRTC précise que Bell Canada, qui est l’un des principaux FSI titulaires qui offrent des services d’accès à Internet au détail et en gros, lui a fait parvenir au cours des derniers jours une demande de sursis de l’application de la mesure.
Bell Canada est l’un des principaux FSI titulaires à avoir demandé au CRTC d’appliquer le principe de la facturation à l’utilisation du marché des services d’accès Internet résidentiels. Une telle mesure aurait été appliquée aux fournisseurs concurrents, dont plusieurs acquièrent de la bande passante en gros auprès de Bell Canada. Plusieurs fournisseurs concurrents offrent des forfaits à téléchargement illimité, ce qui constitue un point de discorde avec les FSI titulaires.
Également, selon une dépêche publiée par Radio-Canada et un article publié par la CBC, le dirigeant d’une firme conseil nommée Vaxination Informatique, Jean-François Mezei, avait transmis au CRTC une demande formelle de report de la mesure.
Ce consultant avait déposé aussi une pétition à cet effet (reprise dans le forum DSLreports.com) auprès du gouverneur en conseil, soit le Conseil privé de la Reine pour le Canada, le 26 janvier dernier.
Le report de la mesure du CRTC est sûrement accueillie avec soulagement par les fournisseurs concurrents, qui avaient manifesté leurs inquiétudes quant à leur survie commerciale à la suite de l’application de la facturation à l’utilisation. (Lire : Facturation de la bande passante: l’inquiétude des FSI concurrents)
Cette annonce doit aussi plaire aux internautes, qui ont manifesté leur désaccord de plusieurs façons sur la Toile au cours des prochains jours. À midi le vendredi 4 février 2011, plus de 403 000 internautes avaient signé une pétition lancée par OpenMedia.ca, un organisme non partisan qui est voué au soutien d’un système de communications ouvert et innovateur au Canada.
Statistiques
M. Konrad von Finckenstein, lors d’une séance du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie du gouvernement fédéral, a prononcé un discours où il a fourni des données sur l’utilisation d’Internet par une partie des internautes canadiens.
En citant des renseignements fournis par Bell Canada, le président du CRTC a déclaré que « moins de 14 % des utilisateurs sont responsables de plus de 83 % du trafic Internet ».
À propos des FSI concurrents, M. von Finckenstein a indiqué que ces entreprises détenaient environ 6 % du marché, soit plus ou moins 550 000 abonnés, dont 76 % sont des clients résidentiels.
Il a aussi évoqué leRapport de surveillance du CRTC sur les communications de 2009, qui indique que les Canadiens avaient utilisé en moyenne 15,4 gigabits (sic) de données en téléchargement et en téléversement par mois à l’époque.
Le discours du président du CRTC contenait aussi une donnée d’intérêt à propos des investissements réalisés par les FSI titulaires.
« Ces grands distributeurs ont mis en place de vastes réseaux et continue d’investir dans ceux-ci. Par exemple, pendant la récession de 2008 et 2009, Bell et Telus ont investi 8,7 milliards de dollars pour étendre et mettre à niveau leurs réseaux filaires », a-t-il déclaré.
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.