Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a renoncé au modèle de facturation à l’utilisation des services Internet, mais opte pour un modèle basé sur la capacité qui est loin de faire l’unanimité.
La décision rendue mardi signifie que les fournisseurs de services Internet (FSI) indépendants, qui contrôlent environ 6 % du marché canadien, n’auront pas à facturer leurs clients selon l’utilisation qu’ils font d’Internet et pourront continuer de vendre des forfaits à bande passante illimitée.
Toutefois, en optant pour un modèle en fonction de la capacité, les FSI indépendants devront fixer à l’avance leurs besoins globaux mensuels en bande passante et payer des extras s’ils excèdent leurs prévisions. « Nous avons choisi de placer un compteur chez le FSI indépendant plutôt qu’à la porte de chaque consommateur. La particularité du modèle de capacité, c’est que le risque est partagé entre les FSI titulaires et indépendants », explique Denis Carmel, porte-parole du CRTC.
« Avec le modèle de facturation à l’utilisation, nous aurions été forcés de payer des pénalités pour chaque utilisateur qui dépassait sa limite de bande passante mensuelle. Avec le modèle actuel, c’est la bande passante totale utilisée chaque mois par tous les abonnés qui compte, ce qui permet de faire une moyenne. Un utilisateur qui excède sa limite n’est donc pas pénalisé si d’autres ne l’utilisent pas totalement », raconte le vice-président du marketing chez Distributel, Jean-Pierre Gosselin.
M. Gosselin estime que le modèle de facturation en fonction de la capacité donne plus de flexibilité aux FSI indépendants tels que Distributel et soutient que l’entreprise a l’intention de continuer à offrir des forfaits à bande passante illimitée.
Répercussions au Québec
En ce moment, l’utilisateur moyen chez Distributel consomme environ 35 gigaoctets de bande passante par mois. Au Québec, la décision pourrait donner aux FSI la capacité d’offrir un accès Internet par câble illimité, puisque Distributel est cliente de Vidéotron : « En ce moment, nos abonnés à Internet haute vitesse par câble bénéficiant d’une connexion à 8 mégabits par seconde (Mb/s) doivent payer des extras s’ils dépassent une consommation mensuelle de 50 gigaoctets de bande passante. Vidéotron fait payer un extra de 4,50 dollars par gigaoctet supplémentaire jusqu’à un maximum de 50 dollars », dit M. Gosselin.
En se basant sur la moyenne de consommation de tous ses abonnés câblés, Distributel pourrait donc éviter de payer des extras pour ses utilisateurs les plus gourmands.
Les clients de Distributel qui utilisent le réseau de Bell, avec une connexion DSL, ont déjà accès à des forfaits à bande passante illimitée.
Déception chez Quebecor Media et Rogers
Chez Quebecor Media, qui et propriétaire de Vidéotron, on se dit « étonnés et très déçus de la décision du CRTC ».
« Nous ne sommes pas satisfaits de cette décision qui aura un impact sur notre structure tarifaire avec les FSI indépendants », confirme Dennis Béland, directeur principal, affaires réglementaires, télécommunications chez Quebecor Media.
M. Béland ajoute que la décision du CRTC est une victoire pour la concurrence artificielle dans un contexte ou des entreprises titulaires comme Vidéotron, Bell, Telus et Rogers investissent massivement dans le déploiement de leurs réseaux filaires et sans fil, sans oublier Barrett Explore qui a lancé récemment un satellite à capacité colossale et les enchères de fréquences propices pour des applications et des services à très large bande qui s’en viennent.
« Dans ce contexte, nous sommes dans l’obligation de donner aux FSI indépendants un accès à notre réseau à des prix artificiellement bas et fixés par une agence réglementaire. L’approche est inappropriée », dit-il.
M. Béland soutient que le CRTC base sa décision sur des études de coûts étalées sur les dix prochaines années, ce qui est à son avis « hautement spéculatif et basé sur des présomptions ».
Même déception chez Rogers, où on ne comprend pas comment le CRTC a établi sa grille de tarification, malgré les explications qui ont été fournies jusqu’à présent : « Nous allons devoir demander des détails supplémentaires et tenter de faire relever nos tarifs qui sont de loin inférieurs à ceux que Bell est, par exemple, en droit d’exiger. Nous ne comprenons pas pourquoi il y a de tels écarts », plaide la porte-parole Luiza Staniec.
Bell et Telus ont besoin de temps
Chez Bell, la réaction est plus nuancée. « Quoique nous aurions préféré que le CRTC accepte notre proposition, la décision prise nous assure que nous pouvons maintenant recharger nos clients fournisseurs de services Internet (FSI) pour la capacité du réseau qu’ils consomment. Les FSI indépendants ont également reçu des rabais importants aux taux mensuels qu’ils nous payent pour avoir accès à notre réseau », a déclaré le premier vice-président, questions réglementaires et relations gouvernementales de la société, Mirko Bibic.
En juillet dernier, Bell avait déclaré durant une audience du CRTC qu’elle souhaitait faire accepter le principe du prix de volume agrégé (AVP) qui aurait mis un terme aux forfaits de bande passante illimitée.
Selon le modèle AVP, les FSI auraient déboursé 200 dollars par mois pour chaque téraoctet (un téraoctet = un peu plus de mille milliards d’octets) de bande passante. Si la consommation de bande passante des FSI devait dépasser les achats mensuels, ces derniers se verraient facturer 29,5 cents par gigaoctet (un gigaoctet = un peu plus d’un milliard d’octets) supplémentaire, soit l’équivalent de 295 dollars par téraoctet.
Pour justifier ses propos, M. Bibic avait alors souligné le fait que les FSI indépendants servaient 17 % des utilisateurs au Québec et en Ontario et généraient 29 % du trafic Internet total dans les deux provinces, ce qui était disproportionné.
Chez Bell, on affirme toutefois avoir encore beaucoup à faire avant de terminer l’étude de la décision, tout comme chez Telus, qui n’a pas émis de commentaire à ce sujet.
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