Le Public Interest Advocacy of Canada, Bell Canada, Vidéotron et l’Union des consommateurs réagissent aux décisions du CRTC qui édictent l’utilisation de sommes de comptes de report pour l’expansion d’Internet haute vitesse et le remboursement de clients.
Le Public Interest Advocacy Centre (PIAC), un organisme sans but lucratif qui fournit des services juridiques et de recherche au bénéfice des intérêts des consommateurs, a qualifié les décisions du CRTC de « conclusion raisonnable à une aventure réglementaire défaillante ».
« Nous sommes ravis que le CRTC ait fermé la porte à l’approche de “chèque en blanc” de Bell Canada et Telus quant à l’expansion de leurs réseaux à large bande, déclare Michael Janigan, le directeur du PIAC, par voie de communiqué.
L’organisme estime que la somme de 311 M$ qui sera retournée aux consommateurs constitue une fraction de la somme de 1,6 G$ qui aurait été perçue en excédent par les compagnies de téléphone pour les services de téléphonie locale.
Le PIAC ajoute les montants excédentaires des comptes de report « ne seront pas affectés à des dépenses qui auraient été bénéfiques seulement aux compagnies de téléphone qui ont recueilli des montants excessifs. »
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Déception technologique
Bell Canada a exprimé sa déception envers la contrainte imposée par le CRTC quant à la technologie qui devra être utilisée pour procéder au déploiement des infrastructures d’accès Internet haute vitesse dans les localités rurales et éloignées.
Bell voulait recourir à la technologie de réseau mobile HSPA+, mais le CRTC lui a imposé l’utiliser la technologie de ligne d’abonné numérique parce qu’elle est moins coûteuse et permet d’offrir une bande passante et des capacités de téléchargement qui sont équivalentes aux offres commerciales dans les centres urbains.
« La décision du CRTC relative au compte de report oblige les compagnies de téléphone à déployer la technologie filaire DSL moins évoluée plutôt que la technologie à large bande sans fil de pointe HSPA+ », déplore Bell par voir de communiqué.
« Compte tenu de l’engagement du gouvernement fédéral à assurer le leadership du Canada dans l’économie numérique et de son solide appui à une intensification des investissements dans les technologies à large bande les plus récentes, c’est franchement une décision malheureuse prise par le CRTC. C’est très nettement une occasion manquée, et cela perpétue le fossé numérique entre le Canada rural et le Canada urbain » , dit George Cope, le président et chef de la direction de Bell et de BCE.
Satisfaction concurrentielle
Par ailleurs, Vidéotron, un des concurrents directs de Bell Canada dans le marché de l’accès à Internet haute vitesse, a exprimé son contentement à propos des décisions du CRTC. Soulignons que Vidéotron a participé à plusieurs des audiences du CRTC liées au dossier au cours des dernières années.
Dans des articles publiés dans le site Web Money et dans le site Argent – qui font partie du Groupe TVA de l’empire Quebecor Media dont fait partie Vidéotron – on cite des réactions de Serge Sasseville, le vice-président aux affaires corporatives et institutionnelles de Quebecor Media.
« Les communautés visées par cette décision pourront bénéficier dorénavant du meilleur des deux mondes. Elles auront accès à un service à large bande filaire équivalent à ce qui est offert en milieu urbain tout en ayant accès aux offres de services de quatre fournisseurs sans fil, dont Vidéotron, qui se font compétition pour leur offrir les solutions à large bande sans fil les plus évoluées et les plus performantes », dit M. Sasseville, selon l’article du site Argent.
« Allouer Bell à utiliser les fonds de son compte de report pour financer un réseau HSPA+ aurait constitué une subvention et aurait causé une distorsion d’un marché compétitif au Québec. L’idée que le CRTC aurait donné une subvention d’un demi-milliard de dollars à un des quatre compétiteurs dans le marché du sans-fil était inconcevable pour Quebecor Media et Vidéotron », dit-il, selon l’article du site Money.
Mi-figue, mi-raisin
Me Anthony Hémond est analyste en télécommunications, radiodiffusion, inforoute et vie privée à l’Union des consommateurs. Il se réjouit que le long processus décisionnel du CRTC ait enfin abouti après des délais de plusieurs années.
À propos du remboursement des sommes excédentaires des comptes de report, Me Hémond estime que l’attribution de rabais sera une bonne chose, mais il déplore que les anciens clients des compagnies de téléphone, qui ont payé à l’époque leurs services de téléphonie locale plus cher que prévu, n’aient pas droit à ce remboursement.
À propos de l’expansion d’Internet haute vitesse aux régions rurales et éloignées, la réaction de l’avocat oeuvrant pour l’organisme de défense des droits des consommateurs est partagé.
« Il était temps de brancher les régions. Or, plusieurs gouvernements étrangers ont amorcé des plans d’implantation au réseau l’Internet de nouvelle génération, comme l’Australie qui amènera la fibre optique à 100 Mb/s à la porte de 92 % à 95 % des domiciles. D’autres projets sont en cours aux États-Unis et en Grande-Bretagne. »
« Ici, on fait juste combler le fossé numérique entre les régions rurales et urbaines. Ne faudra-t-il pas refaire les travaux dans cinq ans? Le Canada n’a pas de plan d’Internet de prochaine génération et prend du retard. On ne fait que du rapiéçage progressif. »
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.