Plusieurs entreprises québécoises tardent à produire des versions françaises de leurs sites Web. Dans certains cas, cette promesse numérique semble être tombée dans l’oubli. Qui s’en préoccupe?
L’Internet est généralement accessible au Québec depuis environ une quinzaine d’années. Les statistiques publiées font état du nombre croissant de personnes qui utilisent « le réseau des réseaux » pour s’informer, pour échanger, pour se procurer des biens ou pour s’exprimer. Les individus, les institutions et les commerces sont plus nombreux que jamais à l’utiliser au quotidien. Publier un site Web sur la Toile n’a plus ce caractère d’exception, et consiste plutôt en une activité incontournable pour quiconque veut se faire connaître à des fins de renommée personnelle ou de croissance commerciale.
Plusieurs entreprises québécoises produisent des sites Web en anglais et en français, voire en d’autres langues, afin d’informer les clientèles visées. Également, des multinationales produisent une version française, canadienne-française ou québécoise de leurs contenus à l’intention des clients actuels et potentiels qui parlent la langue de Molière avec l’accent de Tremblay.
Or, certaines entreprises québécoises misent avant tout sur la production de contenus en anglais, à l’intention d’une clientèle internationale. Certaines produisent une section en français où l’on trouvera quelques contenus généraux et des hyperliens qui mènent à d’autres contenus en anglais. D’autres offrent une section dont l’interface graphique ou les contenus n’ont pas été mis à jour depuis belle lurette. Et d’autres offrent un hyperlien qui mène vers une page blanche qui contient la mention « en ligne bientôt ». Dans ce dernier cas, la page blanche n’a pas changé d’un iota depuis des mois, voire des années…
Pourquoi produire une page en français si la clientèle visée n’est pas francophone? Cela constituerait une dépense inutile, diront certains. A-t-on la certitude qu’aucun client francophone n’est intéressé au produit? Bien des pays de la planète ont comme langue officielle le français.
De toute façon, bien des francophones lisent l’anglais et trouveront l’information nécessaire sur notre site rédigé en anglais, diront d’autres. Cela, hélas, est déjà le cas pour bien des personnes qui ont besoin d’une information et qui n’ont d’autres choix que de recourir aux contenus en anglais pour l’obtenir. Toutefois, bien des personnes ne parlent pas ou ne maîtrisent pas assez l’anglais pour saisir toutes les nuances de cette langue seconde. Certains diront que ces personnes n’ont sûrement pas le profil des acheteurs potentiels des produits ou des services de l’entreprise…
Piquetage virtuel?
À l’extérieur du monde virtuel, les problèmes reliés à l’affichage commercial en français constituent un débat qui existe depuis fort longtemps et qui se poursuivra sûrement encore longtemps. D’ailleurs, des entreprises ont évoqué devant les tribunaux des dispositions d’accords commerciaux pour ne pas avoir à franciser leurs marques de commerce. Lorsqu’elles ont obtenu ce gain, celles qui les avaient francisées ont immédiatement remplacé leurs bannières par les noms anglophones.
Sur le Web, il semble que certaines organisations n’iront pas plus loin que leur offre actuelle en matière de francisation de leurs sites. S’il est difficile d’appliquer des lois dans l’univers en brique et mortier, alors que des commerces vont jusqu’à tenter de faire invalider des lois pour ne pas avoir à s’y conformer, il serait surprenant que des dispositions législatives soient votées pour ajouter un caractère d’obligation de la francisation des contenus commerciaux sur le Web.
Toutefois, lorsque de grandes entreprises ou les gouvernements présents au Québec démontrent un intérêt pour les produits ou les services d’une entreprise, on remarque un changement d’attitude de la part d’entreprises récalcitrantes. Souvent, les institutions qui pourraient être des clients potentiels et des sources de revenus intéressantes exigeront la francisation de contenus d’information ou de soutien. Dans ces cas, l’équation financière fait en sorte que les fournisseurs potentiels iront de l’avant rapidement. Autrement, la francisation ne constitue même pas une priorité.
Ironiquement, des entreprises dirigées par des anglophones font de grands efforts pour offrir des contenus en français sur le Web. Malheureusement, certaines entreprises dirigées par des francophones ne considèrent pas qu’il soit important de poser le même geste.
Est-ce que la francisation des sites Web commerciaux est une lutte inutile, un combat perdu? Il serait surprenant que des manifestations soient organisées devant des sièges sociaux (et encore moins devant des sites Web…) pour dénoncer l’absence de contenus en français. Plusieurs, dans les années 1960, l’ont fait devant de grands commerces afin d’obtenir de la part de ces derniers une forme de « respect ». Or, en cette ère où l’individualisation et l’insouciance semblent gagner du terrain, il est possible que bien des personnes ne se préoccupent plus de ce mot qui, par ailleurs, s’écrit de la même façon dans la langue de Shakespeare…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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