En avril 2010, ce n’est plus le temps de se découvrir l’âme d’un usager du « sans fil »,à moins de vouloir passer pour convive de la dernière heure. Qu’on le veuille ou non, cet ensemble de technos a évolué vers le sans retour et il ne reste plus qu’à l’instituer en service public omniprésent. Comme l’eau et l’électricité !
Par delà son jeu de mots, mon titre nous renvoie à une réalité. Le « sans-fil » à la sauce W-iFi fait désormais partie de notre ordinaire informatique, celui que l’on tient pour acquis et dont on ne saurait plus se passer, comme c’était le cas pour la connexion réseau en 2000 ou la souris en 1990. Il y a même une tendance lourde vers le « sans-fil 3G », alors que l’infrastructure « 4G » est en train de se préparer pour son grand déploiement de 2011. Ainsi, pas besoin de se découvrir un devoir prosélyte de prêcher la cause du « sans-fil », cet ensemble de technos est là pour rester sans qu’on ne puisse y faire quoi que ce soit.
Sauf qu’en ce superbe début d’avril 2010, le Wi-Fi n’est pas encore omniprésent. S’il est banalisé dans nos foyers et dans certains bureaux, il ne l’est pas encore à l’extérieur. Il est même normal que l’on ne le retrouve pas dans les lieux publics. D’où la popularité galopante du 3G … quand on y a accès. Il y a même des endroits où il n’y a ni Wi-Fi, ni 3G. Par exemple, quand je suis en visite chez belle-maman à Rimouski, il me faut quitter sa maison et arpenter le centre-ville pour pouvoir me dénicher une connexion Internet.
Il y a deux ou trois ans, je n’avais qu’à me promener dans les petites rues résidentielles de son quartier et, presque toujours, je découvrais un accès Wi-Fi non sécurisé. Mine de rien, je me stationnais, me branchais sur le routeur du monsieur et m’acquittais de ma frénésie Internet. Mais aujourd’hui, tout est claquemuré. Il me faudrait hacker pour me connecter, ce qui est un acte criminel. Alors, je m’abstiens et je roule vers le centre-ville où il y a des petits cafés, salles de billard et autres restos qui offrent des connexions Wi-Fi.
Je me souviens de l’an dernier où, par un petit dimanche matin glacial, je m’étais déniché une connexion presque parfaite dans le stationnement d’un centre commercial. Le fournisseur involontaire était un restaurant de type sportif. Le seul ennui, c’est qu’il fallait qu’à toutes les dix minutes, au moins, je relance le moteur pour réchauffer ma bagnole, ce qui pouvait prendre une autre dizaine de minutes. Comme j’étais à quelques mètres du trottoir adjacent, les rares piétons capitonnés dans leurs anoraks qui m’apercevaient voyaient en moi un vil émetteur de gaz à effets de serre. J’ai encore en souvenance cette dame au sourire glacé qui me l’avait rappelé poliment.
Un an plus tard, presque jour pour jour, je suis retourné « travailler » dans le même stationnement. Mais plus rien n’était disponible. Le resto exigeait désormais que j’aille consommer à l’intérieur moyennant quoi, la serveuse m’aurait fourni un code d’accès au réseau. Mais comme l’établissement était fermé, probablement hostile aux lève-tôt comme moi, j’ai dû me résigner et m’en remettre à mon iPhone, dispositif devenu pour moi essentiel en raison de sa fonction de « tethering » (le petit appareil sert de modem cellulaire à un ordi portatif). Le problème, c’est que je suis un client de Rogers alors que les seuls fournisseurs présents à Rimouski sont Bell et Telus. Tant et si bien que le signal de Rogers n’est accessible, dans les meilleurs cas, qu’en mode « Edge ». Bref, j’étais constamment déconnecté. Quel calvaire!
Rimouski, ce n’est quand même pas la brousse équatorienne ! J’ai beau me faire expliquer que le 3G de Telus ou de Bell n’est pas le même que celui de Rogers, ce que je comprends, je demeure pantois en ce beau début du printemps 2010. C’est comme aux États-Unis. Je peux brancher mon iPhone sur le réseau d’AT&T, mais pas sur celui de Sprint. Stupéfiant qu’il en soit ainsi ! Si je vous parle de Rimouski, je peux vous en dire autant de bien d’autres villes où j’ai séjourné récemment, incluant Québec. S’il subsiste encore quelques exceptions philanthropiques, la norme semble désormais de verrouiller son accès Wi-Fi et de ne rien laisser aux inconnus … ou à ceux qui ne sont pas ses clients.
Heureusement, tout cela évolue à vitesse étourdissante. Par exemple, de grandes villes nord-américaines, européennes ou asiatiques sont en train de passer à l’ère du WiMAX 4G, c’est-à-dire que l’accès Internet sera disponible à grand débit partout sur leur territoire. On parle de Chicago, Detroit, Grand Rapids, Indianapolis, Kansas City, Minneapolis, Baltimore, Boston, Philadelphia, Providence, Washington DC, Austin, Dallas, Denver, Fort Worth, Portland, Salt Lake City, San Antonio, Seattle et j’en passe.
Dans ces villes, on pourra, de partout, accéder au réseau des réseaux sans avoir à souffrir dans un Starbucks mal entretenu. Et on le fera à vitesse 4G, autrement dit à un débit descendant pouvant être de 100 Mb/s, comparé au 7,2 Mb/s du 3G actuel. Bien sûr, il faudra payer. Mais ce ne pourra être guère plus cher que ne l’est l’actuel 3G. Il y aura des forfaits ou des modalités sans contrat, un peu comme ce qu’offrira en fin de semaine [aux États-Unis] le iPad d’Apple.
Dans le cas de Montréal, une ville très bien desservie par le 3G, on pourra bientôt bénéficier du Wi-Fi gratuit dans les parcs, les espaces verts ou les places publiques, comme c’est le cas présentement dans les bibliothèques. C’est le maire Tremblay qui le promet. « Peu à peu, affirme-t-il, la Ville installera des bornes qui donneront un accès à un réseau sans fil gratuit dans les parcs et les places publiques de Montréal. Assis sur un banc de parc, vous pourrez donc naviguer sur l’internet, savoir s’il y a un vélo de disponible à la station BIXI la plus proche ou à quelle heure va passer le prochain autobus. Formidable, non? »
Parfaitement ! Si cela se fait, il est vrai que je pourrai m’asseoir à l’ombre d’un gros peuplier et me mettre à « travailler » en mode nuage. Ô joie ! Ô félicités ! Mais il est probable que je ne sois pas seul. Il est même probable que les vieillards-nourrisseurs-de-pigeons ne trouvent plus de bancs disponibles. La technologie les aura chassés du paradis des rentiers. Dynamique semblable chez les banlieusards fréquentant Montréal de 9 à 5. Dans les premiers temps, ils pourront stationner leur auto en bordure des espaces bénéficiant du Wi-Fi sans qu’il ne leur en coûte une fortune. Mais la Ville étant ce qu’elle est, je vous parie qu’elle quadruplera, voire quintuplera, le tarif des bornes de stationnement ceinturant l’endroit. Faut bien que ça se paie, ces équipements-là, non ? On pourrait pousser cette logique grippe-sou sur les bancs et imaginer un système de grands clous rétractables qui disparaîtraient en déposant 2 $ dans un gobe-sous.
Quoi qu’il en soit, il me semble probable que vers 2013, l’accès sans fil au Net sera en voie finale de banalisation, comme l’est actuellement la fourniture de l’électricité ou de l’eau potable. Je pourrai alors me promener n’importe où dans le Montréal Métro ou dans d’autres grandes villes du Québec, avec un petit appareil 4G dans ma poche, ce qui ne m’empêchera pas, si j’ai des trucs plus élaborés à produire, de me brancher à une borne publique de Wi-Fi avec mon bloc-notes ou ma tablette PC. Je ne sais pas si mes frères humains seront plus heureux pour autant, mais ils auront au moins accès, de n’importe où, à toutes les plates-formes imaginables pour le dire haut et fort, avec ou sans smileys.
P.S. – Je viens d’arriver sur le boulevard Charest à Québec, à peu près en même temps que j’ai mis un point final à cette chronique. J’oubliais de vous dire que je suis actuellement en bagnole, avec ma blonde au volant, et que je vais téléverser mon texte dans les ordis de Direction Informatique par la magie du 3G.
Nelson Dumais est journaliste indépendant, spécialisé en technologies de l’information depuis plus de 20 ans.