Les technologies de l’information et des communications changent la façon de lire, d’écrire et même de penser. Vite, vite, vite…
Récemment, Nicholas Carr publiait l’article « Is Google Making Us Stupid? » dans le magazine américain The Atlantic. En constatant que l’Internet porte ses utilisateurs à voguer d’un texte à l’autre et d’un hyperlien à l’autre, à lire rapidement les titres et à chercher n’importe quoi à l’aide de quelques mots clés dans le moteur de recherche Google, l’auteur fait une longue dissertation des impacts de l’inforoute et des technologies sur le fonctionnement des gens de la société.
Il réfère notamment aux travaux d’optimisation du travail de Frederick Winslow Taylor, à l’impact de la machine à écrire sur l’oeuvre Nietzsche, aux inquiétudes de Platon quant à l’attrait des gens pour l’écrit au lieu de construire leurs propres connaissances et aux impacts négatifs des livres que l’on pressentait par la presse de Gutenberg, dans un article de 4 175 mots qui requiert sept feuilles de papier bien tassées. À la fin, l’auteur de ces lignes avait presque besoin d’aspirines et d’un verre d’eau…
Déficit de concentration?
Justement, c’est le premier constat de Nicholas Carr qui retient surtout l’attention : depuis qu’il utilise Internet, il a de moins en moins la patience ou la concentration pour lire de longs textes. Il croit même que son cerveau a été reprogrammé en fonction de sa façon de consulter l’information au cours des dernières années.
Il est vrai que l’Internet et les TIC ont changé la façon qu’a l’être humain de s’exprimer. Lorsqu’il s’est mis à utiliser le courriel, l’internaute a écrit ses premiers messages comme il écrivait une lettre, soit en plusieurs paragraphes et en plusieurs pages. Maintenant, il doit tout dire en cinq lignes. Les messages sur les forums de discussion, les articles sur les sites Web, les commentaires sur les blogues ont subi la même médecine.
Manque de caractères?
Plus récemment, les contenus audio et vidéo, qui pouvaient durer cinq à dix minutes, doivent maintenant durer deux minutes au maximum. Les messages sur les téléphones mobiles et les statuts sur les réseaux sociaux ont une limite de 140 caractères. Non seulement il faut aller à l’essentiel, mais il faut le faire en peu de mots.
Les médias traditionnels, pris au dépourvu par l’arrivée de l’Internet, ont également misé sur la brièveté. Les bulletins de nouvelles durent quinze minutes, des nouvelles en quelques mots défilent au bas de l’écran et des tableaux résument en quelques phrases des concepts complexes. Les journaux publient davantage de nouvelles brèves et de résumés d’articles qu’on peut aller lire en profondeur sur Internet si on a le temps. Décidément, le fondateur du Sélection du Reader’s Digest serait épaté par cette concision extrême!
L’internaute, pour sa part, n’a plus la patience qu’il a déjà eue. Un courriel trop long est mis de côté, un message téléphonique trop long est effacé, un vidéo trop long est interrompu et un livre trop long est refermé. Plus les contenus sont courts, plus la quantité de contenus consultables peut s’accroître. Or, consulte-t-on une quantité de qualité?
Bref…
Si l’on suit cette logique de la brièveté, la Bible sera réécrite en cent pages, un journal du samedi sera aussi épais qu’une circulaire d’épicerie, un mémoire de maîtrise tiendra sur deux pages et une trilogie cinématographique durera trois quarts d’heure. Une histoire au coucher d’un enfant sera complétée en trente secondes (Le petit chaperon rouge posait trop de questions et le loup l’a mangé. Bonne nuit!) et une chanson d’amour ne contiendra que les mots « Je t’aime. »
Que penser de tout cela? Cette question requiert une bonne réflexion, qui nécessite bien du temps et bien des mots. Toutefois, comme la popularité de ces deux éléments est en chute libre, la dissertation sur ce sujet s’arrête ici pour aujourd’hui. [Fin]
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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