Qu’arrive-t-il de l’avantage fourni par les technologies si les processus qui en bénéficient ne suivent pas la cadence?
À l’ère des technologies de l’information et des communications (TIC), le rythme de la vie n’est plus ce qu’il était. Au gré de l’évolution, la quantité de données transmissibles par les systèmes informatiques et la réseautique est inversement proportionnelle aux délais de leur acheminement de l’émetteur vers le récepteur.
Elle est loin, l’époque où il fallait attendre des semaines pour obtenir la réponse à une lettre manuscrite qui avait elle-même pris des semaines à parvenir au destinataire! Elle est loin, l’époque où les commandes par catalogue pour des objets aussi variés que des semences, des livres ou des primes de boîtes de céréales, nécessitaient « de quatre à six semaines » d’attente. Elle est tout aussi loin, l’époque où les commandes d’approvisionnement d’une organisation, qui impliquait l’utilisation du téléphone ou des formulaires télécopiés, requéraient une attente de plusieurs jours avant qu’elles ne soient assemblées et envoyées par un quelconque moyen de transport.
Au début du 21e siècle, tout peut se faire vite, vite, vite, grâce aux TIC qui procurent un caractère de quasi-instantanéité à la transmission et à l’analyse des données. Les délais entre les étapes de la réception d’une information, de son analyse, de la réalisation d’une action et de l’envoi de la réponse – sous forme de données, de contenus, de produits ou de services – sont grandement réduits par l’entremise des systèmes informatiques. Des applications automatisent des processus de production et de traitement des commandes, tout comme la planification d’expédition. Des applications vont même jusqu’à automatiser les réapprovisionnements lorsque les réserves atteignent un seuil d’avertissement. Des secondes, des minutes, des heures sont ainsi « gagnées » en comparaison avec les méthodes précédentes.
En combinant diverses technologies, certains ont cru bon d’adapter leurs processus pour « tirer profit » des gains procurés par les TIC. Des fabricants, des distributeurs et des détaillants, ont voulu réduire les inventaires, l’espace de rangement et la manutention. Des fournisseurs de contenus, également, ont cru bon de reporter l’envoi de documents à un moment plus près de l’échéance.
Ainsi, le concept du « juste à temps » a pris forme et a été adopté par plusieurs. Certains imaginaient une sorte de « ballet synchronisé », où les camions de livraison et le personnel responsable de l’approvisionnement se déplacent à l’unisson au bon endroit et au bon moment. Quelques détaillants ont même cru bon d’instaurer des horaires stricts de livraison et des amendes salées si les camions des fournisseurs arrivaient en retard. Quel merveilleux concept! Moins de stockage de produits en entrepôt! Plus de temps pour préparer les contenus! Que de gains ou d’économies de temps et d’argent! ont-ils dit.
Or, ce concept semble merveilleux en théorie… jusqu’au moment où un imprévu survient et bousille l’ordre prévu des choses!
Des attentes et de l’argent
Il suffit d’un seul délai pour que les avantages procurés par les TIC se transforment en inconvénients majeurs. Avec la tendance à la mondialisation et le recours à des fournisseurs et leurs sous-traitants situés à l’autre bout de la planète, il suffit d’une tempête, d’une grève, d’un conflit ou d’un incident pour que la cargaison de pièces essentielles à l’assemblage d’un produit n’arrive pas au bon moment. Il suffit d’un effondrement de route ou d’une pénurie de carburant pour qu’un camion ne puisse livrer à temps les produits attendus à un détaillant.
Le bon déroulement des processus n’est pas à l’abri d’inconvénients causés par les technologies elles-mêmes. Il suffit d’une panne de courant, d’un bris de réseau ou d’un caprice de serveur de courriel pour qu’un texte arrive après l’heure de tombée chez un éditeur. Il suffit qu’un système informatique fasse des siennes pour qu’une chaîne d’assemblage s’immobilise ou qu’un système de traitement des commandes en ligne donne un message d’erreur.
Alors, il en suffit de peu pour que Murphy et sa fameuse loi fassent des siennes et entraînent des événements en cascades. Les employés se sentent impuissants, les dirigeants s’énervent et les clients se fâchent. On maugrée et on vocifère face à l’attente et aux délais. Les notions du temps (qui passe) et de l’argent (qui est perdu) sont alors évoquées. Damnées technologies!, diront certains…
Pourtant, ce n’est pas nécessairement la faute aux TIC, mais à l’adaptation trop drastique des processus de travail si les individus et les organisations subissent de lourdes conséquences lorsque le concept du « juste à temps » n’arrive pas à ses fins. Certes, les TIC peuvent réduire les délais, mais il faut quand même se garder une certaine marge de manœuvre pour éviter de perdre des contrats ou une réputation…
Néanmoins, certaines organisations réalisent, grâce aux TIC, des gains d’efficacité qui sont appréciés par les clients. D’ailleurs, ceux et celles qui commandent des produits livrés par la poste ont peut-être remarqué à quel point les colis arrivent très rapidement à leur porte. Des livraisons qui prenaient auparavant plusieurs journées sont maintenant réalisées en un peu plus de 24 heures, soit presque aussi rapidement qu’avec une livraison express, alors qu’elles ont été expédiées de l’autre bout du pays!
Cela compense l’attente des lettres qui arrivaient en retard, il y a quelques décennies…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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