Sans détour, le Vérificateur général du Québec Renaud Lachance affirme que les coûts, la portée et l’échéancier du projet de Dossier de santé du Québec ne seront pas respectés.
Le Vérificateur général du Québec, qui a consacré le troisième chapitre du deuxième tome de son rapport à l’Assemblée nationale pour l’année 2010-2011 au projet de Dossier de santé du Québec (DSQ) qui est piloté par le ministère de la Santé et des Services sociaux, n’y va pas par quatre chemins : « Les paramètres initiaux du projet, soit les coûts, la portée et l’échéancier, ne seront pas respectés. Compte tenu de ces changements, nous considérons que le projet sous sa forme définie à l’origine n’existe plus et, en ce sens, est un échec », déclare-t-il dans les documents d’information qui ont été publiés par son équipe.
M. Lachance déplore que l’informatisation du réseau de la santé et des services sociaux ne soit plus fondée sur un partage d’informations dans toutes les régions du Québec avec un même outil informatique, comme le prévoyait au départ la conception de l’outil que l’on a nommé Dossier de santé du Québec.
« Le ministère a changé de stratégie pour permettre, avec des outils informatiques différents, le partage d’informations entre des sites d’une même région d’abord, reportant par le fait même l’interopérabilité provinciale. Il n’est pas étonnant que le ministère en reporte encore l’échéance et qu’il indique seulement que l’informatisation du réseau ne sera pas terminée avant 2016 », commente M. Lachance.
Doutes sur les coûts
Le Vérificateur général du Québec qualifie de « non crédible » l’estimation des coûts qui avait été effectuée par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour le projet de DSQ.
Il constate que le ministère évaluait en novembre 2010 le risque lié au non-respect des coûts comme étant faible, alors qu’en août 2010 le risque avait été qualifié « d’extrême » par le Bureau de projet du DSQ.
Alors que 308 millions de dollars avaient été engagés en dépenses pour le DSQ en décembre 2010, le ministère maintiendrait encore que le budget total de 563 millions de dollars prévu à l’origine sera respecté.
« Nous ne partageons pas l’avis du ministère lorsqu’il affirme que le risque de non-respect du budget est faible dans la mesure où la portée de ce projet reste la même qu’au départ et que tous les coûts associés au projet d’informatisation du réseau sont comptabilisés dans le projet du DSQ », note le Vérificateur général.
D’autre part, M. Lachance souligne que des sous-projets qui n’ont pas été terminés sont passés en mode « opérationnel » ou en mode « continuité », comme les projets de l’Index patient maître et de la Couche d’accès à l’information de santé.
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« L’affirmation du ministère relative au respect du budget initial est irréaliste, puisque le projet originel du DSQ n’est plus celui que le MSSS concrétise et parce que certains coûts ne seront plus comptabilisés dans le budget du DSQ, mais au budget courant du ministère ou du propriétaire de l’actif », déclare le vérificateur.
« Cette approche pourrait, de façon erronée, permettre d’affirmer que le budget du projet est respecté. »
M. Lachance précise que l’échéancier et les coûts des projets doivent les portions rattachées à la phase d’implantation, et que les coûts doivent continuer d’être imputés à un projet tant que son déploiement ne sera pas complété.
Il fait mention d’éléments d’architecture non finalisés – comme de nouveaux projets en matière d’identification de l’usager et de l’intervenant – qui auront des incidences sur le DSQ et qui entraîneront des changements et de coûts additionnels. De plus la provenance du financement pour ces nouveaux projets n’a pas encore été définie. « Des difficultés ou des retards quant à leur réalisation auraient des répercussions négatives sur l’échéancier et sur les coûts du DSQ », indique M. Lachance.
Enjeux nombreux
Le vérificateur souligne dans son rapport que les treize sous-projets du DSQ accusent des retards de deux à quatre années, et que le projet pilote amorcé dans la région de Québec n’a pas de date de fin. Aussi, il indique que la portée des sous-projets a été revue à la baisse dans plusieurs cas. Le rapport du vérificateur général rapporte aussi des enjeux au niveau du sous-projet lié à la sécurité du DSQ, tout comme des enjeux en matière de gouvernance.
Enfin, le vérificateur manifeste son inquiétude envers une révision à la baisse du financement octroyé par Inforoute Santé du Canada. Au 31 décembre 2010, seulement 38 % des travaux avaient été reconnus par l’organisme fédéral, alors que les autres provinces avaient obtenu du financement pour en moyenne 74 % de leurs travaux.
« À cause de changements apportés à certains sous-projets, plus de 50 millions de dollars pourraient ne plus être versés par Inforoute Santé du Canada », note M. Lachance.
Le Vérificateur général recommande au ministère responsable du DSQ de faire le point sur le déroulement du projet « afin de présenter un juste portrait de la situation et de déterminer les suites à y donner ». Il lui recommande aussi de recueillir de l’information qui servira à détecter les problèmes et les risques relatifs aux projets d’affaires liés aux ressources informationnelles qui sont réalisés, et de déterminer les moyens qui permettront d’effectuer un suivi des projets au sein du réseau.
À la fin du rapport, on retrouve des commentaires du ministère de la Santé et des Services sociaux qui contiennent des précisions et des mentions de changements récents, mais qui font aussi par d’un étonnement envers certaines observations du Vérificateur général.
Au cours des treize dernières années, le Vérificateur général a consacré plusieurs chapitres de ses rapports au Dossier de santé du Québec (voir encadré).
Jean-François Ferland est rédacteur en chef adjoint au magazine Direction informatique.