MÉRITES DU FRANÇAIS DANS LES TI Rencontre avec Jean Paradis, auteur du didacticiel « Gestion de projets de construction », lauréat 2006 dans la catégorie Multimédia interactif – Apprentissage en ligne.
Jean Paradis, professeur agrégé à l’École de technologie supérieure de l’Université du Québec, connaît bien les pratiques et le milieu de la construction au Québec. À sa sortie de Polytechnique, en 1969, il a exercé pendant une vingtaine d’années sa profession d’ingénieur civil. Spécialisé dans l’estimation (il a publié un manuel sur le sujet), il a aussi dirigé des projets de construction et, pendant un certain temps, a tâté du monde des affaires à titre d’entrepreneur. Et voilà plus de vingt ans qu’il enseigne la planification de projets de construction à des classes où se retrouvent tant des entrepreneurs que des étudiants en génie.
Homme de terrain et enseignant, il dit avoir toujours été préoccupé par le manque de formation des gens du milieu, particulièrement en matière de planification des projets. « La majorité des entrepreneurs au Québec proviennent des métiers de la construction. Ils connaissent bien les aspects techniques de leur métier, mais ils sont plus faibles en gestion, en planification. Pour beaucoup d’entre eux, par exemple, faire un échéancier des travaux a très peu d’importance! »
C’est pour combler ce besoin qu’il jugeait criant que Jean Paradis a conçu le didacticiel « Gestion de projets de construction à l’aide du logiciel Microsoft Project ». Publié aux Presses de l’Université du Québec, le didacticiel a reçu en 2006 le Mérite du français dans la catégorie Multimédia interactif – Apprentissage en ligne, décerné par l’Office québécois de la langue française, ainsi que l’Octas de la catégorie Apprentissage en ligne et gestion des connaissances, attribué par la Fédération de l’informatique du Québec.
Plongée dans l’univers du multimédia
Au départ, Jean Paradis souhaitait offrir à ses étudiants un outil pour planifier leurs projets de construction en utilisant le logiciel Microsoft Project. Offert en français au Québec, ce logiciel est en effet le produit le plus utilisé ici dans la planification des projets de petite et de moyenne importance. « Il me semblait que les ressources du multimédia étaient tout indiquées pour enseigner les différentes fonctions du logiciel (c’est-à-dire le “comment”), mais aussi la matière elle-même (c’est-à-dire le “quoi” et le “pourquoi” de la gestion de projets). »
Aussi Jean Paradis a-t-il divisé le didacticiel en deux parties. La première traite des grandes étapes de la gestion : établir un échéancier, le valider, le raffiner; traiter les demandes de paiement des fournisseurs, calculer le flux monétaire, faire la gestion et le suivi des modifications, etc. La deuxième partie présente les principales fonctions du logiciel Microsoft Project.
Mais la plongée dans l’univers du multimédia n’a pas été de tout repos, comme l’explique l’ingénieur… « Quand on est dans l’édition traditionnelle, on a, comme auteur, un contrôle presque total sur le contenu, la matière. Dans la production d’un didacticiel, il faut laisser une grande part de contrôle aux gens de multimédia. En fait, tout est différent. On n’écrit pas de la même façon, puisque le texte est destiné à être lu à voix haute. Il faut aussi imaginer les enchaînements, réfléchir à la synchronisation du son avec l’image. Ensuite, il y avait la difficulté de décrire aux spécialistes du multimédia ce que je souhaitais faire exactement dans les animations. »
Les attentes de Jean Paradis à l’égard du multimédia, en particulier l’aspect visuel des animations, ont aussi évolué avec le temps. « Au début, je voulais beaucoup de couleurs vives, du mouvement, quelque chose de très dynamique. Puis je me suis rendu compte que ça allait nuire à mon objectif pédagogique, que l’image allait distraire du contenu, fatiguer l’utilisateur. On s’est donc retrouvé avec des animations beaucoup plus sobres et des couleurs neutres, mais qui mettent la matière au premier plan. »
Autre difficulté : la minuscule équipe de production et de soutien que l’éditeur avait greffée à Jean Paradis était basée à Québec. Problème de distance, donc, mais aussi choc des générations et des cultures, car la spécialiste du multimédia recrutée pour le projet sortait tout juste du cégep. Chose étonnante, la coordination et la production se sont faites essentiellement par « échange de courriels sur un modem de 56K! », complétés par « cinq ou six réunions, en tout, dont une ou deux de production », affirme l’ingénieur…
De cette immersion dans l’univers du multimédia, Jean Paradis dit avoir tiré beaucoup de leçons pratiques. Mais que pense l’enseignant de l’intégration du multimédia, voire des TI, dans l’enseignement traditionnel en classe? « Le multimédia n’est pas une solution miracle dans l’enseignement. C’est un outil qui peut être utile à l’étudiant, après le cours magistral, pour consolider son apprentissage ou faire des travaux pratiques. »
Et Jean Paradis de raconter comment, tout récemment, il a sorti du placard de vieux transparents avec rétroprojecteur et s’est mis à écrire à la main. La réaction des étudiants l’a transporté. « Les questions fusaient, les étudiants intervenaient, ça faisait des années que je n’avais pas vécu ça! »