Le premier séminaire du CITÉ a traité des impacts humains, organisationnels et sociétaux de l’utilisation des technologies émergentes et du multimédia.
Le Centre de recherche interdisciplinaire sur les technologies émergentes (CITÉ) de la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal a tenu la première édition de son séminaire annuel le 8 novembre dernier, à Montréal. Le CITÉ est dédié à l’étude des impacts humains, organisationnels et sociétaux de l’utilisation des technologies émergentes et du multimédia.
Plusieurs conférences étaient à l’ordre du jour de l’événement qui se tenait conjointement avec une autre conférence sur les technologies émergentes des Laboratoires universitaires Bell qui a aussi collaboré au séminaire du CITÉ. Les organisateurs de l’événement ont profité de cette première pour dévoiler les résultats d’une étude sur l’utilisation d’Internet au Canada.
Une initiative de Projet Internet Canada (PIC), cette étude se base sur une enquête menée en 2004 auprès de plus de 3 000 adultes canadiens, dont un millier de francophones. L’étude a montré que l’utilisation d’Internet, qui rejoint 72 % de la population, est désormais un phénomène de masse au Canada, les non-usagers étant relégués au statut de minorité, et que le Québec a rattrapé son retard sur le reste du pays.
L’étude a aussi montré le faible impact qu’ont l’âge et les revenus sur l’utilisation d’Internet, la principale raison invoquée par les non-usagers étant le manque d’intérêt et diverses considérations sociales (multiplication des pourriels, contenus inappropriés pour les enfants, etc.). En fait, jusqu’à l’âge de 64 ans le taux d’utilisation est supérieur à 66 % et le facteur financier est invoqué par moins de 10 % des non-usagers (près de 60 % des ménages ayant des revenus annuels inférieurs à 40 000 $ l’utilisent quand même).
En outre, le gain de popularité d’Internet se fait aux dépens des médias traditionnels que sont la radio, les journaux, voire la télévision, à tel point qu’Internet est considéré comme la principale source d’information au Canada (au Québec, toutefois, c’est la télévision qui occupe cette place).
Le PIC étant associé au World Internet Project (WIP), les résultats de l’enquête canadienne ont pu être comparés au reste du monde. Il appert que le Canada occupe la deuxième position, étant seulement devancé par les États-Unis, dont le taux d’utilisation est de 76 %. La Corée du Sud occupe la troisième position (71 %), suivie de la Suède (66 %).
Les aptitudes favorisées par Internet ont aussi changé, puisqu’il contribue dorénavant davantage à exprimer la créativité des utilisateurs, qui créent en grand nombre leurs sites Web, que leur seule interaction.
Marketing relationnel
Jacques Nantel, professeur à HEC Montréal, a, pour sa part, souligné l’impact d’Internet sur les stratégies de marketing des détaillants qui s’en servent pour mettre sur pied des campagnes de marketing relationnel, de un à un. La saturation des marchés, découlant du vieillissement de la population (à partir de 2030, le nombre de décès va être supérieur à celui des naissances), allié à la concentration des marchands obligent ces derniers à établir des relations personnalisées avec leurs clients, pour les garder et en tirer le maximum. L’utilisation de logiciels espions (spyware) facilite considérablement l’atteinte de cet objectif.
Conséquemment, le professeur s’attend à ce que la publicité de masse, qu’on retrouve dans les journaux et à la radio, commence à décliner au profit du marketing relationnel. Une étude récente, citée par M. Nantel, a d’ailleurs montré le peu de cas que font les utilisateurs de l’utilisation que font les commerçants des données nominatives qu’ils obtiennent sans grande difficulté.
Un phénomène en croissance, l’hameçonnage (phishing) devrait conduire les compagnies de cartes de crédit, les grands perdants dans l’histoire, à mettre sur pied des réseaux de détaillants triés sur le volet à l’intérieur desquels elles garantiront la sécurité.
Jean-Michel Salaün, responsable du réseau CNRS « Documents et contenu » (France), a quant à lui démontré l’impact de l’avènement du document numérique sur la définition de la notion de « texte » qui est de moins en moins associé à la permanence et à l’immuabilité. L’utilisation accrue d’Internet a aussi un impact sur la notion de « photographie » qui est de moins en moins personnelle, suite à la propension des gens à diffuser leurs photographies sur Internet.
Kim Vicente, professeur à l’Université de Toronto, a clos le séminaire en soulignant le peu d’importance qu’accordent les fabricants à la convivialité et à l’ergonomie des produits technologiques qu’ils proposent. Cet état de chose, qui peut avoir des conséquences tragiques – on n’a qu’à penser aux appareils médicaux, est dû au rôle prépondérant que jouent les technologues dans le processus de conception, au détriment des spécialistes des sciences humaines.
En plus des erreurs d’utilisation, un produit mal conçu entraîne des frustrations chez l’utilisateur et une utilisation inefficiente, quand ce n’est pas un boycott pur et simple de l’outil. Un produit bien conçu s’utilise naturellement et ne requiert pas une grande adaptation de la part de l’utilisateur. Les produits pour l’industrie aéronautique sont au sommet du palmarès de la convivialité et ceux pour le secteur médical, au bas.