Après l’arrivée de lecteurs électroniques de tous modèles sur lesquels on lit, on risque de passer très vite aux lecteurs qui nous font la lecture.
Qui n’aimait pas se faire lire des histoires quand il était petit? Plus tard, cela demande un certain état d’esprit et une sorte de passivité, un peu comme devant la télévision. Ces derniers mois nous ont apporté toutes sortes de lecteurs électroniques parmi lesquels chacun peut choisir son modèle préféré, mais en même temps sont sortis des logiciels et des appareils capables de faire la lecture. C’est difficile à dire lequel sera le plus populaire, à moins que les deux fassent leur niche auprès de publics différents.
L’iPad, devenu un modèle de référence
Il est certain que l’iPad d’Apple a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines, s’ajoutant aux lecteurs électroniques déjà sur le marché et précédant d’autres que les fabricants ne manqueront pas de lancer dans les prochains mois. Apple a voulu damer le pion à ses concurrents Amazon, Sony et Plastic Logic, qui n’offrent jusqu’à présent que des lecteurs de documents en noir, mais le produit d’Apple devrait les faire réagir ainsi que bien d’autres fabricants d’ordinateurs qui n’attendaient que cela pour en proposer eux aussi. Il faut donc s’attendre à une grande bataille de fonctionnalités et de prix les prochains mois. Le but: essayer de faire mieux et moins cher qu’Apple.
Le iPad d’Apple
Mis à part son écran lustré qui y rend plus difficile la lecture de livres électroniques, l’iPad a des atouts intéressants. Il est assez grand avec son écran tactile multipoint à DEL de 24,28 cm, tout en étant très mince (1,34 cm) et relativement léger (680 grammes). Il est équipé d’un processeur A4 à 1 GHz d’Apple avec le même système d’exploitation que l’iPhone. Pour l’instant, l’iPad est proposé en 6 modèles différents avec 16, 32 ou 64 Go de mémoire et soit juste le Wi-Fi et le Bluetooth, soit le Wi-Fi et le Bluetooth avec des fonctions cellulaires UMTS/HSDPA ou GSM/EDGE. Comme l’iPod touch et l’iPhone, l’iPad est équipé d’un accéléromètre et d’un senseur de lumière ambiante permettant de régler automatiquement la luminosité de l’écran. Cette tablette multilingue est un gros lecteur multimédia en couleur qui offre en même temps la possibilité de profiter des nombreuses applications déjà développées pour iPhone ou iPod touch, ce qui peut être très pratique.
Une concurrence exponentielle
En plus des quelques lecteurs déjà là avant l’iPad, il apparaît presque chaque semaine d’autres lecteurs, petits et grands, et différents logiciels permettant de transformer en lecteurs électroniques des ordinateurs portatifs, des Tablettes PC, des ordinateurs de poche et des téléphones intelligents. Juste au CES de Las Vegas, en janvier, on a présenté une vingtaine de modèles qui seront disponibles sous peu et de prototypes.
De son côté, Barnes & Noble a, par exemple, lancé le nook, un nouveau lecteur qui entre en compétition avec les Kindle, les lecteurs de Sony et d’autres lecteurs déjà sur le marché. Le nook fonctionne à partir du système d’exploitation Android de Google et il dispose de 2 Go de mémoire. Il ne coûte que 259 $US. Avec 5 pouces de large par 8 pouces de haut, il a à peu près la taille d’un livre de poche. En dessous de l’écran principal, monochrome seulement, se trouve un petit écran horizontal en couleur pour montrer des couvertures de livres, mais aussi, pense-t-on, des publicités. Ces lecteurs ne seront pas disponibles au Québec pour l’instant. En fait, la plupart des lecteurs n’y sont pas offerts soit parce que leur interface n’est pas en français, soit parce que les producteurs n’ont pas réussi à s’associer à un fournisseur de téléphonie cellulaire pour le transfert des livres.
Le nook de Barnes & Noble
Grâce à des logiciels, on pouvait déjà lire des livres électroniques sur les ordinateurs, sur les iPhone, iPod, Blackberry et même sur des ordinateurs de poche sous Windows Mobile ou Palm OS. En plus de logiciels de lecture adaptés à chacun, la plus grande librairie en ligne du monde, Barnes & Noble, leur offre déjà plus de 700 000 titres et bientôt plus d’un million. Certains sont gratuits, la plupart payants, mais en général à moins de 10 $US chacun. À côté de cela, on peut télécharger gratuitement plus de 500 000 livres que Google distribue comme étant de domaine public. Amazon a fait la même chose que Barnes & Nobles en produisant des logiciels d’émulateurs de lecteurs Kindle pour ordinateurs aussi bien que pour iPhone ou iPod touch.
Selon la tendance actuelle, les lecteurs qui ne font qu’afficher du texte seront bien vite remplacés par des lecteurs qui seront en même temps des ordinateurs. En fait, les tablettes PC, qui n’ont jamais vraiment réussi à décoller, vont arriver en masse après bien des années de tâtonnements. Ce qu’il manquait: un écran tactile multipoint à prix abordable et un système d’exploitation qui le supporte. Ils serviront à la fois d’ordinateur et de lecteur multimédia, parfois avec un écran détachable incorporant l’électronique nécessaire pour en faire un lecteur autonome plus léger qu’un ordinateur et facile à utiliser, comme le tc1100 de HP. On va aussi voir arriver sur le marché de plus en plus de téléphones cellulaires avec un grand écran et une fonction de lecteur électronique. Le Biblio ebook reader que Toshiba a lancé au Japon en est un bon exemple.
Et pourquoi ne pas se faire faire la lecture?
Depuis quelques mois, on note un intérêt plus grand pour les logiciels et les appareils de lecture de textes, surtout pour l’anglais, mais cela devrait se développer rapidement dans d’autres langues. Ainsi, les personnes qui ont des problèmes de vision, celles qui ne savent pas lire ou ont du mal à lire, les dyslexiques et bien d’autres qui préfèrent juste qu’on leur fasse la lecture, mais n’ont pas toujours quelqu’un pour le faire. Depuis plusieurs années, on avait déjà la possibilité de balayer du texte et d’utiliser un logiciel de synthèse de la parole, comme ViaVoice d’IBM ou Votre PC prend la parole de Micro Application, pour faire lire le texte à haute voix. Plusieurs autres firmes ont mis au point des logiciels de lecture de textes à haute voix pour ordinateurs aussi bien que pour les ordinateurs de poche de tous modèles.
Intel vient de simplifier tout cela en concevant un appareil capable à la fois de numériser du texte et de le lire, mais juste en anglais, pour l’instant. L’Intel Reader est un appareil de la grosseur d’un livre de poche double qui comporte un processeur Intel Atom, un appareil photo haute résolution, un amplificateur, un haut-parleur, des écouteurs ainsi que l’électronique et les logiciels nécessaires à la numérisation et à la synthèse vocale.
L’Intel Reader
On peut acheter en plus une Intel Portable Capture Station qui permet de placer l’appareil à une hauteur fixe de façon à numériser tout document le plus rapidement possible sans erreur. L’un des principaux intérêts de l’Intel Reader, c’est qu’on peut l’apporter avec soi, par exemple pour qu’il nous lise le menu au restaurant, ce qui est écrit sur les empaquetages à l’épicerie, les ouvrages à lire à l’école ou n’importe quoi d’autre qu’il faut lire. Le concepteur original de l’appareil, Ben Foss, est lui-même dyslexique et il en a tellement souffert qu’il voulait faire quelque chose pour aider les autres.
Allons-nous assister à une relance de la lecture? C’est difficile à dire, mais au moins les nouvelles technologies vont faciliter la lecture. Pendant qu’on a d’autres occupations, on va pouvoir se faire lire des documents qu’on n’aurait pas le temps de lire autrement. Ceux qui ont beaucoup de textes ou de livres à lire vont être en mesure de faire reposer leurs yeux plus facilement. Et c’est tant mieux si l’accès à la culture écrite et aux connaissances est favorisé du même coup.
François Picard est journaliste et éditeur du magazine Atout Micro.