Un problème technique a forcé le report de la vente en ligne de billets du club de hockey. La deuxième tentative a aiguisé la patience des amateurs. Le concepteur de l’application explique le contexte et les changements d’habitude liés à une approche novatrice en commerce électronique.
L’équipe de hockey Les Canadiens de Montréal a éprouvé des difficultés lors de l’utilisation initiale de leur système de billetterie électronique privé pour la vente de billets individuels pour la saison 2008-2009. Le samedi 13 septembre, des milliers d’amateurs qui désiraient se procurer des billets par le biais d’Internet ont été confrontés à une surcharge de l’application de la billetterie Web du célèbre club de hockey.
L’application Web « Game Shopper », fondée sur une nouvelle approche de mise en vente, conviait les amateurs à entrer dans une salle d’attente virtuelle accessible quelques moments avant l’heure de la mise en vente, en suivant un hyperlien fourni une heure plus tôt. Au moment prévu, l’application devait effectuer une sélection aléatoire afin que les internautes puissent se procurer un maximum de quatre billets pour un seul match, à raison d’une seule transaction par carte de crédit.
Mise en échec
La salle d’attente virtuelle n’a été accessible que plusieurs minutes après l’heure prévue. Les internautes ont dû longuement patienter devant la fenêtre dédiée à l’attente sans pouvoir en rafraîchir le contenu, puisqu’un message en bas de la fenêtre stipulait que cette action pourrait leur faire perdre leur place. Soudainement, des messages d’erreur sont apparus de façon répétitive, indiquant qu’un problème technique était survenu et qu’il leur fallait rafraîchir l’écran sans pour autant perdre leur place…
Certains rafraîchissements donnaient accès à la fenêtre de sélection des billets qui ne fonctionnait que partiellement. Quelques secondes plus tard, cette fenêtre était remplacée par celle de la salle d’attente virtuelle.
Peu après quatorze heures, la salle d’attente a été fermée et remplacée par la fenêtre affichée avant l’ouverture. Vingt minutes plus tard, la salle d’attente virtuelle a été ouverte à nouveau, puis refermée quatre minutes plus tard. Entre-temps, un utilitaire permettait de voir la progression de la vente des billets acquis par les personnes présentes aux guichets du Centre Bell, le domicile du Canadien, pour se procurer des billets aux guichets de façon traditionnelle.
À quatorze heures quarante-cinq, un message sur le site Web du Canadien indiquait que la vente « en raison de problèmes techniques » avait été interrompue et reportée au mercredi 17 septembre à midi.
Repli défensif
Le lundi suivant, chez Bell Canada, qui est le commanditaire majeur et l’un des fournisseurs technologiques du Centre Bell, le porte-parole Jacques Bouchard affirmait que les problèmes ne semblaient pas avoir émané des éléments de réseautique et d’exploitation fournis à l’organisation sportive et à son domicile.
Les responsables des relations avec les médias du club de hockey n’ont pas donné suite à une demande d’entrevue formulée par Direction informatique.
Deuxième période
Le mercredi 17 septembre, l’hyperlien menant à la page d’hébergement de la salle d’attente virtuelle a été diffusé à dix heures trente minutes. Tout comme au début du processus constaté le samedi précédent, la page annonçait que la salle d’attente n’était pas encore ouverte, et invitait les internautes à revenir « peu avant » l’heure de mise en vente. Une heure avant la deuxième tentative de mise en vente, la salle d’attente virtuelle était accessible et n’affichait pas de message d’erreur.
Or, dès le moment de mise en vente des billets, un message annonçait à l’écran que le temps d’attente était évalué à plus de 45 minutes. À l’écran, un cadre de fenêtre qui devait afficher le pourcentage des billets pour chacun des événements à l’aide de barres de progression était inactif. Ce n’est que vingt minutes après le début de la mise en vente que cette sous-fenêtre a enfin commencé à indiquer la disponibilité des billets.
Soixante-dix minutes après le début de la vente, le temps approximatif était « de 15 à 45 minutes ». Une heure plus tard, le délai était « 10 à 15 minutes. » Ensuite, les délais indiqués étaient de « 5 à 10 minutes », « 2 à 5 minutes » et « 2 minute » (sic).
Il aura fallu plus de trois heures quarante avant que l’auteur de ces lignes puisse accéder à l’interface de sélection.
Prolongation
Avant d’entamer la sélection des billets, une fenêtre affichait à nouveau les conditions d’achat pour lesquels l’utilisateur devait cliquer un bouton afin d’en accepter les conditions et poursuivre le processus. Après avoir sélectionné le nombre de billets, le match et la section de l’amphithéâtre, il aura fallu trois essais avant de trouver une sélection répondant aux attentes.
Lors de l’affichage du prix des billets, des frais de traitement – une ironie en considérant qu’il s’agit de transactions électroniques – et des frais d’envoi postal, l’utilisateur avait quatre minutes trente secondes pour entrer dans un formulaire – contenant des coquilles – ses données d’identification, son adresse de courriel, ses informations de carte de crédit et ses coordonnées postales.
Une fois le bouton de confirmation de la commande appuyé, l’utilisateur pouvait imprimer un reçu. Toutefois, aucun message de confirmation n’a été transmis par courriel une fois la transaction complétée.
Changement de ligne
Il s’agit de la première fois que le club de hockey, qui fête cette saison son centenaire, utilisait une application de billetterie personnalisée pour vendre en ligne les billets pour ses parties à domicile. Les années précédentes, l’organisation montréalaise avait recours aux services du réseau Admission, dont l’application Web emploie une formule de type « premier connecté, premier servi. »
La nouvelle application a été fournie par Outbox Technology, une firme de Montréal spécialisée en applications Web pour la gestion et la vente de billets de spectacles. Elle compte parmi ses partenaires fondateurs le Cirque du Soleil, qui est également le client de la firme pour son application de billetterie en ligne.
Le président d’Outbox Technology, Jean-Françoys Brousseau, explique que c’est la défaillance d’un routeur, en raison du fort achalandage, qui avait entraîné le report de la vente initiale. Toutefois, il rapporte que les Canadiens ont semblé très satisfaits de cette première expérience, alors que le club n’avait pas d’historique d’achalandage, d’estimation de la demande totale ou d’analyse du profil de vente.
M. Brousseau explique que sa firme a proposé la révision complète du modèle de mise en vente des billets en ligne.
« Nous voulions avoir un système beaucoup plus organisé qui ressemble à celui utilisé aux guichets du Centre Bell, indique-t-il. On distribue des bracelets la veille et on fait un tirage au sort d’un numéro le matin de la vente pour établir l’ordre dans lequel ils servent les gens. Il n’y a plus d’intérêt d’arriver plus tôt, car l’important est d’être là. On a fait l’émulation de cela sur le Web, avec une salle d’attente qui pouvait accueillir des centaines de milliers de personnes à qui on assignait un numéro de bracelet virtuel. »
M. Brousseau précise que les internautes ne connaissaient pas le numéro, alors que le plan de marketing lié à cette application est encore en développement.
Premiers coups de patin
Le président de la firme souligne que l’application utilisée pour la vente en ligne constitue une première version qui pourrait être enrichie au fil des mois.
« Il s’agissait d’abord de prouver que ça pouvait marcher, d’apprendre avec l’expérience en observant, puis investir dans l’évolution. Nous en sommes aux balbutiements du concept. Nous pensons que ça peut aller plus loin, notamment en donnant plus d’information aux gens pendant qu’ils attendent », ajoute-t-il.
« La façon dont nous avons organisé la vente constitue un changement d’habitude. Il y a de l’éducation à faire et des améliorations à apporter. Notre objectif est de vendre plus vite et de laisser plus de monde rentrer [dans le système à la fois]. »
M. Brousseau souligne que les gens magasinent plus longtemps avant d’acheter des billets parmi 46 parties d’une saison de hockey, contrairement à un spectacle, où les gens n’ont pas à prendre une décision sur un compromis entre la qualité de l’équipe adverse et l’emplacement des sièges, ce qui constitue un facteur de ralentissement.
Enfin, il précise que l’envoi des confirmations par courriel avait été reporté intentionnellement, afin de ne pas surcharger le système et d’augmenter les chances de réussite du deuxième essai de la vente en ligne.
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
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