Une controverse technique à propos d’un album fort attendu. Une comparaison et une analyse par le biais de la technologie. Des avis divergents et une bisbille sur la Toile. À l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, les créateurs et les fournisseurs ont peu de marge d’erreur.
Le 12 septembre dernier, le groupe Metallica lançait Death Magnetic. L’album a fait l’unanimité parmi les amateurs du groupe et les critiques du point de vue musical : il s’agit de la meilleure oeuvre du quatuor californien en vingt ans.
Or, si la qualité de la musique et la fougue des prestations ont attiré de nombreux éloges, la qualité sonore de l’album crée bien des remous sur l’Internet. Dès la première écoute des chansons contenues sur le disque compact vendu chez les disquaires, plusieurs se sont plaints de la saturation du son qui se caractérise par des crépitations et des « clics » lors des passages très énergiques sur plusieurs chansons. Ces désagréments qui sont dus à une pratique technique de plus en plus courante, soit la compression du son.
En résumé, cette compression consiste en la réduction de la portée dynamique d’une onde sonore, soit l’écart entre les passages forts et les passages doux. Le volume des passages subtils est augmenté alors que celui des passages bruyants demeure le même et qu’une portion d’ondes sonores excédante est éliminée. La compression, à dose modérée, permet de réduire les variations de volume lors de l’enregistrement d’une voix ou d’un instrument. Toutefois, la compression de toute une pièce musicale entraîne une saturation sonore. Cette approche croît en popularité auprès des producteurs et des diffuseurs qui souhaitent que leur musique ait un son « plus fort que celle de la concurrence. Notamment, un vidéo sur YouTube et un article du magazine Rolling Stone résument bien le phénomène qu’on appelle en anglais « The Loudness War. »
Comparaisons et obstinations
Il y a vingt ans, un album trop compressé aurait suscité peu de controverse, puisque l’individu avait peu de tribunes pour faire entendre sa voix. Or, à l’ère d’Internet et du Web 2.0, autant des critiques musicales que des citoyens ordinaires ont mentionné, sur des blogues, des forums de discussion et des sites de nouvelles, la présence d’un problème avec la qualité sonore de l’album sur CD.
Or, les mêmes chansons de l’album sur CD ont été distribuées pour le jeu vidéo Guitar Hero où elles démontrent davantage de nuances et de dynamisme et confirment le problème technique sur le disque compact. Déjà, sur Internet, circulent des versions de l’album studio qui ont été produites à même les fichiers destinés aux consoles de jeu.
Sur la Toile, les articles et les commentaires se sont multipliés. Des graphiques ont été produits afin d’illustrer la différence entre les pistes provenant du CD et du jeu vidéo. Une démonstration réalisée à l’aide d’un montage sonore et de logiciels d’analyse a été versée sur YouTube. Les commentaires d’un ingénieur de son qui a travaillé sur l’album et qui confirme le problème ont été rapportés à plusieurs endroits. Sur les sites sociaux, la nouvelle a fait l’objet de références d’articles, de mentions sur les statuts, de sondages et d’autres moyens d’expression. Également, une pétition exigeant la réédition du disque a récolté plus de 10 000 signatures.
Or, à lire les commentaires publiés sur des sites spécialisés en musique ou sur les sites sociaux, les internautes sont divisés en deux camps : ceux qui se plaignent d’un problème et ceux qui se plaignent de ceux qui se plaignent. Et les couteaux volent bas… Lorsque le groupe musical est enfin sorti de son mutisme, il a déclaré… qu’il n’y avait pas de problème.
S’il était vivant, Beethoven serait découragé par ce dialogue de sourds!
Du premier coup
Que retenir de tout cela? Toute organisation a intérêt à commercialiser du premier coup un produit ou un service qui répond aux attentes des clients.
Il est fini le temps où l’on croyait que le consommateur serait entièrement satisfait de ce qu’on lui donne. La diversité des moyens de démonstration d’un argument ou d’une preuve – par l’image, par le son et par des méthodes technologiques d’analyse – et la multiplication des canaux de diffusion et d’expression font en sorte qu’il est rendu difficile de nier l’existence d’un problème.
Ce ne sont plus seulement les journalistes et les analystes qui ont une influence sur l’opinion des consommateurs. Les consommateurs eux-mêmes ont accès à des outils de communication de leur appréciation ou de leurs réticences, afin d’encourager ou de se plaindre aux fournisseurs ou, à défaut, de partager une opinion auprès d’autres consommateurs actuels ou potentiels.
De plus, avec la multiplication des plates-formes technologiques et la diversité des sources sur Internet, le consommateur compare les versions d’un produit ou d’un service d’un environnement à l’autre, tout comme il compare les prix d’une province ou d’un pays à l’autre… Et il ne se gênera pas pour faire entendre son opinion, par les mots ou par les dollars.
Certes, plusieurs se diront satisfaits d’un produit ou d’un service tel qu’il est. Certains, motivés par une très forte conviction ou par des intérêts économiques, clameront sur toutes les tribunes que les critiques sont non fondées.
« Parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en », dit un dicton. Néanmoins, mieux vaut bien se préparer que trop s’obstiner…
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.
À lire aussi cette semaine: Un premier bilan annuel pour le commerce électronique au Québec Élections 2008 : la politique Web 2.0 – partie 1 Le Linux de Novell améliore la virtualisation L’actualité des TI en bref iPhone 3G et MacBook Pro : hors WiFi, point de salut