La productivité est de nouveau sur la sellette. En fait, nos lacunes en la matière plutôt que l’inverse. Pourtant, ce ne sont pas les outils qui nous manquent pour l’être plus. Peut-être nos pratiques de gestion et la manière dont nous utilisons nos outils sont à mettre en cause?
Dans le cadre d’une entrevue accordée au réseau TVA, l’ex-premier ministre du Québec Lucien Bouchard a tenu des propos qui ont suscité des prises de position à droite et à gauche. M. Bouchard a mentionné lors de cette entrevue qu’il n’était pas fier du fait que les Québécois ne travaillaient pas assez, moins que les Ontariens, beaucoup moins que les Américains. Il faut qu’on travaille plus, qu’on soit plus productif, a dit M. Bouchard.
Ces propos, on aurait pu s’en douter, ont soulevé l’ire des syndicats et ont réjoui les organisations patronales. On travaille déjà assez disent les uns, pas assez disent les autres. Un débat dont on est loin d’être certain qu’il nous amène à quelque chose. Comme la lucidité versus la solidarité. Je crois personnellement que le vrai débat est ailleurs.
Dans notre domaine qu’est celui des technologies de l’information, nous sommes confrontés à cette remise en question de manière constante. Les systèmes et les solutions que nous mettons en place améliorent-ils notre productivité, notre efficacité et notre efficience? Un important débat qui s’est cristallisé il n’y a pas si longtemps lorsque Nicholas Carr a publié son essai Does IT matter? s’interrogeant sur la réelle contribution des TI à la productivité des entreprises et à leur croissance.
Posons-nous d’abord une question de base : qu’est-ce que la productivité? Essentiellement, il s’agit de la mesure d’une efficacité à produire. On peut mesurer la productivité du travail, la productivité du capital ou la productivité globale qui est celle d’un ensemble de facteurs de production. À défaut de préciser de quel type de productivité on parle, on s’entend généralement pour convenir qu’on parle de la productivité du travail. Productivité du travail = quantité produite / quantité de travail utilisée. Si on travaille 8 heures pour produire 24 bicyclettes, notre productivité est donc de 3 vélos à l’heure.
En toute logique, si vous travaillez plus pour produire plus, il est fort possible que vous n’augmentiez pas votre productivité. C’est aussi bête que cela. Si vous travaillez 10 heures et que vous produisez 30 bicyclettes, votre performance est encore la même : 3 vélos à l’heure. Aucun gain.
En fait, ce qui devrait nous intéresser est de produire plus avec autant ou moins de ressources. Il ne faut donc pas travailler plus, mais mieux. Pour cela, il faut innover, mettre en place des pratiques de gestion modernes et efficaces, qui favorisent une amélioration de l’efficience. Les technologies peuvent nécessairement y contribuer. Mais les technologies ne peuvent y arriver seules.
Les solutions ne sont pas toujours des plus complexes. Par exemple, une grande majorité d’entre nous travaille sur des ordinateurs personnels depuis des lustres. Nous y accumulons des tonnes d’informations que nous n’arrivons pas toujours à retrouver. Pire, nous les imprimons et les classons quelque part… Un sondage réalisé récemment par Léger Marketing pour la firme Xerox constate que les PME canadiennes passent plus d’une heure par semaine, en moyenne, à chercher des documents papier. Dans les entreprises de 10 employés et plus, on perd deux heures par semaine. Pour 3 % des entreprises, ce sont 10 heures par semaine ou plus qui sont ainsi perdues. Une solution technologique de gestion documentaire pourrait sans doute permettre de gagner du temps et ainsi augmenter l’efficience du personnel.
Meilleures pratiques de gestion
De meilleures pratiques de gestion font partie de la gamme des outils essentiels qu’il faut nécessairement considérer si on vise augmenter la productivité des organisations. Dans un article publié en février dernier, les analystes de la firme McKinsey soulignent le lien entre les bonnes pratiques de gestion et la productivité : les succès d’une entreprise sont éminemment reliés à la qualité de ses gestionnaires. Cet article se fonde sur une étude menée en 2005 en collaboration avec une unité de recherche de la London School of Economics; les stratèges de McKinsey ont alors étudié les liens entre la gestion et la performance dans 700 entreprises en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Ils ont analysé la qualité de plusieurs pratiques de gestion et fait le lien avec différentes mesures de performance, comme la productivité totale, la croissance des ventes, les parts de marché, etc.
Résultat? On constate une forte corrélation entre la manière dont les méthodes de gestion éprouvées sont appliquées par les gestionnaires et la performance des organisations. En plus, sur une échelle de 1 à 5, les entreprises qui augmentent d’un point leur score au niveau des bonnes pratiques de gestion voient leur productivité totale augmentée de 6 points de pourcentage, un résultat qui correspond à la production de 11 % plus de personnes au sein de l’entreprise.
Mieux, parmi les conclusions de cette étude, McKinsey remarque que la bonne gestion est une affaire de méthode, de style et de compétences et non pas du nombre d’heures consacrées au travail. Dans les entreprises mieux gérées qu’ils ont étudiées, les gestionnaires travaillaient en moyenne une heure de moins par semaine que dans les autres entreprises. Ce qui signifie que les gestionnaires dans les entreprises les mieux gérées travaillent mieux et non plus, concluent les analystes de McKinsey. Intéressant, n’est-ce pas?
Parmi les pratiques de gestion étudiées par McKinsey, il y la gestion du talent, l’optimisation de la production en usine, l’établissement d’objectifs et la gestion de la performance, le juste à temps, etc. Comme spécialistes des technologies de l’information, nous savons à quel point l’impact de ces approches de gestion peut être décuplé si les bonnes solutions technologiques sont mises en place, particulièrement si nous les utilisons efficacement. Nous devrions aussi être conscients du risque encouru de ne pas utiliser ces pratiques innovatrices et ces solutions technologiques lorsque les concurrents le font.
L’innovation est cruciale dans l’amélioration des performances. Les spécialistes des TI ont la chance de pouvoir en être des ambassadeurs, à travers l’organisation. Ils doivent faire la démonstration du bien-fondé de ces solutions à la haute direction. Il serait sans doute utile d’y consacrer… quelques heures de plus par semaine!