L’événement qui a secoué récemment le milieu littéraire québécois a de quoi faire réfléchir l’ensemble des producteurs et des consommateurs d’information électronique. L’Internet pourra-t-il un jour contribuer à empêcher de telles situations?
L’histoire du plagiat, par une adolescente québécoise, d’une œuvre de fiction écrite par un informaticien français a causé beaucoup d’émoi dans le secteur québécois de la littérature. En bref, l’adolescente a trouvé un texte sur l’Internet et a fait croire qu’il était de son cru. La soumission du document à un éditeur et la publication d’un livre ont rendu la jeune fille et l’ouvrage populaires en peu de temps.
Or, des personnes ont remarqué des ressemblances avec les personnages d’un film connu, ont fait des recherches sur le Web et ont envoyé des commentaires sur un forum de discussion, ce qui a permis d’identifier qu’il s’agissait de la copie quasi intégrale d’une œuvre de fiction existante. Sans l’Internet, le plagiat tout comme l’identification de la situation ne se seraient pas produits, ou du moins auraient nécessité plus de temps et d’efforts.
Cette histoire navrante aura des conséquences pour l’adolescente et pour son éditeur. Toutefois, plusieurs créateurs, éditeurs, diffuseurs et lecteurs de contenus devraient tirer des leçons de cette situation non exceptionnelle.
D’ailleurs, l’informatique, avec ses fonctions de copie et de collage impliquant la touche « contrôle » sur PC ou la touche « pomme » sur Mac, fait de la reproduction intégrale de contenus informatisés un jeu d’enfant. On enlève ou remplace la signature ou l’identifiant de l’auteur, et puis « le tour est joué. » Ainsi, une personne prend le crédit d’un travail qu’elle n’a pas fait, la personne qui a fait le travail n’est pas justement créditée pour ses efforts, que ce soit par une reconnaissance ou par de l’argent sonnant.
« Communiqué »
Dans certaines situations, des auteurs permettent la reproduction des contenus, en indiquant clairement qu’ils peuvent être reproduits de façon intégrale avec leur signature, ou à condition d’avoir obtenu une demande d’autorisation explicite et une compensation financière si les contenus constituent un gagne-pain. Des agences de presse fournissent des contenus de cette façon aux médias, moyennant un abonnement au service, ce qui explique les articles qui sont signés par des noms comme « Presse canadienne » ou « Agence France Presse ».
Mais dans d’autres cas la situation n’est pas si claire. Prenez l’exemple du communiqué de presse, ce document rédigé et diffusé au nom d’une entreprise ou d’une organisation pour annoncer un produit, un événement ou une situation. Le contenu de ce document est partial, à l’avantage de celui qui l’émet. Le communiqué, en général, est utilisé par un journaliste pour faire des recherches et établir des contacts, afin d’obtenir des informations additionnelles, confirmer des énoncés, obtenir les commentaires d’opposants, etc. dans le cadre d’un travail de recherche et de rédaction.
Or, sur certains sites Web comme dans certains médias imprimés, des journalistes ou des éditeurs copient et collent des communiqués de presse en entier, à l’exception du dernier paragraphe qui décrit l’entreprise – quoique certains vont jusqu’à inclure ce paragraphe en question. Ainsi, en quelques minutes, un site Web est alimenté en contenus qui ressemblent à des articles, mais qui n’en sont pas. Il s’agit alors d’une forme de publicité qui a l’apparence d’une nouvelle d’information.
Des relationnistes connaissent, bien sûr, cette pratique, mais vont-ils s’offusquer d’une situation qui sert bien leur client ou leur employeur? Il faudrait qu’une personne s’en plaigne, donc qu’elle ait constaté que le texte est une copie. Mais combien de lecteurs prennent le temps de confirmer et comparer leurs sources d’information?
À chaque jour, plusieurs lecteurs sont bernés de la sorte. Par la même occasion, des journalistes qui prennent le temps de faire le travail de recherche et de rédaction passent pour des « lambineux » qui n’écrivent pas aussi vite que leurs concurrents. Prêchons pour notre paroisse : là se trouve la différence entre la quantité et la qualité.
Cette situation n’est pas unique aux médias, puisque n’importe quelle organisation est susceptible de voir un contenu qu’elle a créé être copié et doté d’une autre signature. Si l’organisation ne fait pas de recherches de temps à autre sur le Web, elle doit attendre qu’une personne rapporte la situation pour qu’elle constate le tort numérique qu’elle subit à son insu…
Combattre le feu par le feu?
Il est utopique de croire que la copie et le plagiat disparaîtront du jour au lendemain, surtout sur un ordinateur et sur l’Internet où ces actions sont à deux « combinaisons de touches » près de se produire. Toutefois, l’évolution de l’informatique pourrait bientôt permettre d’identifier ces situations plus rapidement.
Imaginons le jour où les connexions Gigabit Ethernet seront la connexion de base au Web, que les processeurs exécuteront des milliards de billions d’instructions à la seconde et que les moteurs de recherche sur l’Internet seront des « péta-moteurs ». Il sera possible d’entrer un texte au complet dans une fenêtre d’interrogation, et en quelques secondes, le moteur pourra dire si le texte se retrouve déjà sur l’Internet ou bien s’il y a un très fort pourcentage de ressemblance avec un autre texte. Les faussaires seront démasqués bien avant que les textes ne soient publiés.
Mais d’ici à ce moment, les éditeurs comme les lecteurs devront être vigilants et s’assurer que les contenus qu’ils lisent ont été écrits par ceux qui disent les avoir écrits. Entre-temps, on peut paraphraser une expression et affirmer que « toute vérité n’est pas nécessairement bonne à lire »…