La déréglementation du marché de la téléphonie locale dans les centres urbains crée des remous. Or, l’avenir des communications n’est plus uniquement une question de service téléphonique, mais plutôt de liaison à un réseau dans un contexte de multiplicité des canaux d’interaction. D’ailleurs, qui se préoccupe de l’accès à la large bande hors des centres urbains?
L’annonce récente du ministre de l’Industrie Maxime Bernier à propos du changement des règles en téléphonie locale n’a laissé personne indifférent.
Les entreprises de téléphonie traditionnelle ont applaudi la décision de laisser « le libre marché », au lieu du CRTC, décider de la tarification des services dans les localités où au moins trois entreprises se font concurrence.
Les nouveaux joueurs dans ce marché, dont les câblodistributeurs et les prestataires de services de voix sous IP, ont dénoncé cette décision en la qualifiant de « cadeau aux anciens monopoles. » Les groupes de défense des consommateurs ont également déploré le retrait des pouvoirs de réglementation au CRTC, en indiquant que les localités dépourvues de concurrence seraient désavantagées, puisqu’elles ne bénéficieront pas de réduction de tarifs.
Il est surprenant de constater à quel point la déréglementation de la téléphonie locale constitue une si grande priorité pour le gouvernement du Canada, alors que d’autres enjeux plus importants existent et persistent en matière de télécommunications. Alors que tant d’efforts sont orientés par les députés pour assurer que les populations civiles, corporatives et institutionnelles bénéficient de meilleurs prix pour la téléphonie locale, le dossier de la connectivité, lui, reste en plan.
Depuis environ sept ans, la connexion à large bande est une réalité dans les agglomérations urbaines, et continuellement les fournisseurs ont augmenté la quantité de bits/seconde transférables de la Grande Toile vers l’ordinateur personnel. Or, hors des grands centres, point de salut.
À quand à la « technosouris des champs »?
À moins d’une heure de toute grande ville, dans les régions rurales qu’on appelait il n’y a pas si longtemps « la campagne », le choix en matière d’accès à l’Internet est limité. Le service de câblodistribution, bien souvent, n’est pas accessible puisqu’il en coûterait trop cher pour passer le filage nécessaire dans les rangs.
Quelques fournisseurs offrent des services via une antenne satellite. Certains nécessitent quand même le recours à une ligne téléphonique pour l’envoi des données, et certains offrent une connectivité bidirectionnelle sans fil.
Certains fournisseurs de services sans fil obligent aussi les clients à s’abonner à la télévision pour bénéficier du service. Pour les entreprises, ils offrent l’accès à l’Internet, certes, mais à un coût mensuel plus élevé. D’ailleurs, en matière de tarification, les coûts sont au moins le double de ceux qui sont exigés aux clients de la ville. Reste alors, comme seul moyen raisonnable, la connexion commutée par téléphone…
Les fournisseurs de services de télécommunications diront que des contraintes économiques les empêchent de déployer les infrastructures nécessaires à l’offre de services à large bande sur certains endroits du territoire. Les fournisseurs qui en offrent diront qu’ils ne peuvent diminuer leurs coûts, car ils doivent rentabiliser leurs investissements.
Le déploiement de réseaux de nouvelle génération, à des coûts moindres, pourrait constituer une alternative, voire une planche de salut. Mais quel en est l’échéancier?
Les citoyens, les entreprises et les institutions qui sont situés hors des grands centres, et qui ont un besoin réel pour une connexion à large bande, n’ont alors d’autre choix que de payer le gros prix, ou bien de s’exiler. Cette indisponibilité ne fait rien pour aider à atténuer la disparité entre les villes et les régions…
Le gouvernement canadien, dans sa précédente mouture, se targuait de faire de l’État « un pays branché », où le fossé numérique en matière de connectivité serait comblé. Les projets et les initiatives ont été nombreux il y a quelques années, et plusieurs communautés et institutions ont pu en bénéficier. Or, les initiatives et les annonces sont peu nombreuses depuis quelque temps. Ce dossier serait devenu secondaire aux yeux des dirigeants du pays?
À la lumière des récentes décisions en télécommunications, ce n’est pas demain la veille que le gouvernement posera des gestes pour assurer que le fossé numérique en matière de connectivité à large bande soit comblé. Chaque jour qui passe creuse davantage l’écart entre les grands centres urbains et les localités rurales – et que dire des régions éloignées!