L’Étude des données de l’Enquête sur l’utilisation d’Internet par les ménages montre que la connectivité à large bande n’entraîne pas en soi un engagement plus important vis-à-vis Internet. Or, l’engagement vis-à-vis Internet est essentiel à la pleine participation des gens à la société de l’information.
Statistique Canada
Depuis plus de dix ans, le gouvernement du Canada promeut des stratégies destinées à permettre aux Canadiens de participer à la société de l’information. Dans le cadre de ces stratégies, il était recommandé d’offrir l’accès Internet à large bande à tous les ménages canadiens, mais il reste au pays de nombreuses régions non desservies ou mal desservies. Même si de nombreuses initiatives provinciales élargissent la couverture à large bande, et si le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a ordonné l’expansion des services à large bande dans les régions, tous les Canadiens n’ont pas encore accès aux services à large bande.
Il est généralement reconnu que l’accès à une connexion Internet à large bande procure aux particuliers des avantages sociaux et économiques, y compris l’accès à des possibilités d’emploi et d’études, l’accès au commerce électronique, une communication plus facile avec les administrations municipales, provinciales et fédérales et un meilleur accès aux renseignements sur les soins de santé. L’adoption de la technologie à large bande ainsi que d’autres technologies de l’information et des communications est considérée comme « essentielle pour accroître la productivité et la compétitivité du Canada ». C’est également le point de vue de l’Union européenne où la Commission des communautés européennes a déclaré que la couverture à large bande est essentielle pour stimuler la croissance et l’emploi.
Disponibilité de données
Les données sur l’adoption de la large bande sont recueillies de différentes façons par différents organismes. Pour comparer les taux d’adoption d’un pays à l’autre, les chercheurs généralement s’appuient sur les données agrégées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou par l’Union internationale des télécommunications (UIT). Ces organismes rendent compte des taux d’adoption de la large bande exprimés en nombre d’abonnés aux services à large bande par 100 habitants d’un pays et ces taux font l’objet d’une surveillance étroite en tant qu’indicateurs de la compétitivité nationale.
Les Canadiens ont été parmi les premiers à adopter la large bande. Les taux d’adoption au Canada continuent d’augmenter plus rapidement que ceux aux États-Unis, mais on craint que le Canada ne demeure pas compétitif dans l’économie du savoir mondiale s’il ne peut maintenir sa position de chef de file au chapitre du déploiement des services à large bande. Toutefois, les taux de pénétration montrent simplement que les abonnés ont la possibilité d’utiliser la large bande. Les taux d’adoption ne révèlent pas les nuances de l’utilisation réelle, de sorte qu’ils fournissent peu d’éclaircissements sur l’usage réel que font les gens de leurs connexions à large bande et n’indiquent pas nécessairement que les résidents sont prêts à participer à la société de l’information.
Selon DiMaggio et Hargittai, au fur et à mesure que l’accès aux infrastructures techniques devient plus répandu et que les taux de pénétration d’Internet augmentent, les chercheurs devraient s’intéresser moins à la fracture numérique (la question de savoir si les gens ont accès à Internet) et davantage à l’« inégalité numérique », définie comme étant l’inégalité entre les personnes qui ont un accès officiel à Internet. De même, Attewell décrit l’accès comme étant la « première fracture numérique », soutenant que l’utilisation est une deuxième fracture numérique, plus critique que la première et qu’il faut réduire afin de partager les avantages d’une société de l’information.
Infrastructure qui donne accès aux connaissances
Même si Internet n’offre pas le seul moyen de participer à l’économie du savoir ou à la société de l’information, les technologies de l’information et des communications constituent l’infrastructure qui donne accès aux connaissances et à l’information. Une hypothèse implicite veut que l’absence d’accès à l’information dans un monde où cet accès est de plus en plus important peut entraîner des désavantages ou ajouter à ces derniers lorsqu’ils existent déjà. Les citoyens qui n’ont pas accès à l’infrastructure et qui n’ont pas les compétences, y compris en littératie, nécessaires pour utiliser les connaissances et l’information, peuvent être défavorisés. Inversement, on suppose que les citoyens qui ont accès à Internet, particulièrement l’accès Internet à large bande, sont bien placés pour participer à la société de l’information et bénéficier des avantages qui en découlent. Toutefois, l’accès à lui seul ne garantit pas l’utilisation efficace d’Internet.
Dans son étude portant sur l’utilisation des services à large bande aux États-Unis, Kolko montre que l’adoption de la large bande est associée à une augmentation de la fréquence de certaines activités en ligne (y compris le téléchargement de musique et les achats) sans avoir toutefois une incidence significative sur d’autres activités (p. ex., la recherche d’emploi et l’accès aux renseignements et services gouvernementaux). Chez les utilisateurs chevronnés des services à large bande, selon Kolko, certaines activités ont augmenté au fil du temps tandis que d’autres ont diminué, indiquant que l’incidence globale de l’utilisation de la large bande sur les comportements en ligne n’est pas claire.
Dans une étude antérieure des utilisations des services à large bande aux États-Unis, Horrigan et Rainie concluent que les utilisateurs de connexions à large bande font un usage plus habile d’Internet que ceux ayant des connexions à plus faible vitesse. L’étude d’Anderson et Raban donne à penser que ce résultat n’est pas attribuable à la connexion à large bande comme telle, mais plutôt au fait qu’en général, les utilisateurs des services à large bande sont des utilisateurs plus chevronnés et dont les profils d’utilisation reflètent leur plus grande expérience d’Internet et leurs niveaux plus élevés de facilité avec Internet.
La présente étude vise à permettre de mieux comprendre l’utilisation de la large bande par les ménages canadiens. Nous nous appuyons sur les données de l’Enquête sur l’utilisation d’Internet par les ménages pour brosser un tableau de l’utilisation réelle de la large bande au cours de la période de trois ans (2001-2003) durant laquelle le Canada s’est classé au deuxième rang dans le classement de l’OCDE des pays selon l’utilisation de la large bande et pour tâcher de déterminer si les utilisations actuelles des réseaux à large bande appuient l’affirmation selon laquelle l’accès à large bande prépare les utilisateurs à participer à la société de l’information. Plus particulièrement, l’étude illustre les différences en matière de portée de l’utilisation entre les ménages dotés d’une connexion à haute vitesse et ceux dotés d’une connexion à faible vitesse, et entre les ménages à intensité d’utilisation élevée et ceux à faible intensité d’utilisation.