Les possibilités offertes par les outils de collaboration de pointe sont en voie de transformer les modèles économiques traditionnels. Soucieuses d’améliorer leur efficacité, des organisations provenant de tous les secteurs d’activités choisissent d’adopter ces nouvelles façons de faire. Si la qualité des résultats qu’on peut en tirer a été démontrée, en revanche les organisations sont invitées à faire preuve d’une certaine prudence.
Partage de fichiers P2P, format de syndication RSS, moteurs de recherche d’affinité, promotion locale, blogues, wikis… Ces technologies appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler le Web 2.0 ont permis l’émergence de modèles d’affaires révolutionnaires. Wikipédia, Amazon, eBay, Flickr et même Google en sont des exemples éloquents, parmi les plus connus.
Pour la première fois dans l’histoire humaine, la collaboration massive dans le temps et l’espace devient rentable, écrivait l’année dernière la revue BusinessWeek, dans le cadre d’un article qui a connu un certain retentissement. On assiste à l’émergence d’une « économie des gens, menée par les gens, pour les gens », indique un professeur de l’école de commerce de l’Université du Michigan.
L’énorme potentiel de la collaboration en ligne, dit un universitaire de Yale, crée « un mode de production se situant au-delà des piliers traditionnels de l’économie que sont l’entreprise et le marché » – les millions de critiques de livres envoyées à Amazon.com ne sont motivées ni par une stratégie organisationnelle ni par la recherche de profit. Aucun changement de cette envergure n’a transformé les modèles économiques depuis la révolution industrielle, croit-il.
Convivialité, efficacité
Bien davantage que les sites Web et le courriel, les outils de collaboration de pointe permettent une exploitation rigoureuse du potentiel d’Internet. Contrairement aux systèmes de gestion de contenu que les entreprises installent depuis des années afin d’accroître la collaboration, les utilisateurs acceptent fort bien ces technologies, indique un journaliste de CNET News, Martin Lamonica. Applications Internet grand public, elles sont plus conviviales.
On ne s’étonnera donc pas des prédictions de Gartner : d’ici 2010, 70 % de la population des pays développés passera dix fois plus de temps à communiquer électroniquement qu’avec des personnes physiques, comme le rapportait Direction informatique en mai dernier.
Et les résultats sont probants. Un sondage mené par la firme Frost & Sullivan et commandité par Microsoft et Verizon révèle qu’à l’échelle mondiale, la collaboration est un facteur important de rendement dans les organisations. Aux États-Unis, en Europe et en Asie-Pacifique, elle exerce un impact positif sur les trois critères par excellence déterminant la qualité des performances : la rentabilité et la croissance du profit et des ventes. L’étude dégage trois outils prédominants utilisés dans les entreprises à haut rendement : la conférence Web, l’audioconférence et le gestionnaire de travail de groupe.
Ces conclusions devraient stimuler davantage la mise en oeuvre d’un travail collaboratif d’avant-garde au sein des organisations. D’ailleurs, Forrester Research fait état du vif intérêt manifesté par ses clients à ce sujet depuis l’année dernière. La firme prévoit que l’engouement se maintiendra en 2007, et qu’il pourrait même s’accroître.
Tout n’est pas rose
Le caractère révolutionnaire de la collaboration en entreprise, qui se manifeste de façon spectaculaire dans certaines organisations, ne doit pas faire perdre de vue les limites du concept, ni les graves difficultés qu’il peut soulever. La production par les masses – ou peer production – ne parviendra jamais à construire des chemins de fer, ni à faire pousser du blé ou à exploiter une centrale nucléaire, indique BusinessWeek. La multitude ne fait pas toujours preuve de sagesse. À décourager la pensée individuelle, on risque aussi d’étouffer les idées pouvant émaner d’individus brillants.
Un pouvoir accru aux mains des utilisateurs peut conduire à l’anarchie, rappelle Martin Lamonica. Les organisations, croit-il, doivent mettre en place des contrôles sur la création et la diffusion des wikis notamment. Sinon, dispersion et redondance guettent les communications d’entreprise.
Le travail est déjà amorcé : 38 % des entreprises américaines reconnaissent qu’elles exercent une surveillance des courriels de leurs employés, selon un sondage mené conjointement par l’éditeur de solutions de surveillance ProofPoint et Forrester Consulting.
Ce qui n’est sans doute pas suffisant. Pour faire contrepoids au nouveau pouvoir des utilisateurs, les organisations doivent réinventer leur rôle et créer des modèles de gestion qui leur permettront de conserver leur pertinence. Selon BusinessWeek, directeurs et employés doivent apprendre à recevoir leurs ordres des clients davantage que des patrons.