Des employés de CGI en Inde ont produit un « hymne » de motivation dont un montage est publié sur YouTube. Le vidéo illustre des activités de renforcement d’équipe et de loisir, dans un croisement des cultures de l’Orient et de l’Occident. Alors que l’entreprise apprécie l’initiative, un internaute en a produit un pastiche. Analyse.
La firme de services-conseils en technologies de l’information Groupe CGI, fondée en 1976 à Montréal, est présente en Inde depuis 1991. Dans le deuxième pays le plus populeux de la planète, l’entreprise québécoise emploie 2 300 personnes dans trois centres d’excellence qui sont situés à Mumbai, à Bangalore et à Madhapur.
Or, depuis le début du mois de juillet, le contenu d’un vidéo publié sur le site de partage YouTube, qui met en vedette des employés indiens de CGI, suscite la curiosité. La présence de ce clip sur la Toile est évoquée depuis quelques jours dans les réseaux sociaux.
Le clip en question consiste en la prestation d’une chanson qui a eu lieu en novembre 2008 lors d’une assemblée d’actionnaires, dans l’un des centres indiens de l’entreprise. Sur la scène d’un auditorium, des hommes et femmes vêtus de chandails rouge ou blanc – les couleurs de l’entreprise – y chantent en anglais, sur de la musique populaire, une chanson intitulée « CGI your are the magic ».
La séquence vidéo débute par l’affichage de photos des bureaux de CGI à la Place du commerce électronique à Montréal, du fondateur et président exécutif du conseil Serge Godin, du président et chef de la direction Michael E. Roach et de la présidente responsable des États-Unis et de l’Inde Donna Morea. Les images suivantes sont celles de gestionnaires et de réunions d’employés.
La vidéo montre les employés qui exécutent une chorégraphie et chantent des paroles qui évoquent des qualités et des valeurs des employés. Ces paroles ont été composées par des employés de CGI, à l’exception des phrases d’introduction. Une recherche sur Internet démontre que les premières paroles récitées proviennent de la chanson All for one du film de comédie musicale High School Musical 2 des studios Disney.
Les paroles complètes de la chanson originales sont affichées sur la page qui héberge la vidéo sur YouTube. En voici le premier couplet, en traduction libre :
Tu es la croyance et tu es la force Le succès est en toi et tu es sa source Tu penses grand, tu grandiras Tu voles haut et le monde est en bas Oh pensée positive, regarde ce que tu apportes Oh personne confiante, regarde ce que tu as Maintenant le renom et le nom t’entourent Tu voles haut dans la teinte de l’arc-en-ciel
La vidéo de la chorégraphie est entrecoupée de photos prises lors d’activités de renforcement d’équipe. On y voit des personnes grimper à un arbre ou escalader un rocher à l’aide de cordes, marcher les yeux bandés en file indienne*, faire du rafting et participer à des activités de loisir et sociales.
Quelques photos démontrent le croisement des cultures de l’Orient et de l’Occident. Sur l’une d’elles, un employé porte un veston, une chemise et une cravate ainsi qu’un dhoti – un vêtement traditionnel de bas de corps à caractère formel. Sur une autre photo, on voit des ordinateurs et des moniteurs installés sur une table sont surmontés d’un auvent recouvert de feuilles et de fleurs. En arrière-plan on aperçoit des arbres en carton sur des colonnes structurelles.
Vers la fin de la vidéo, alors que l’auditoire est incité par un chanteur à se lever et à taper des mains, plusieurs dirigeants -dont la présidente régionale Donna Morea – montent sur la scène pour battre le rythme ou danser.
Le contenu de ce vidéo, somme toute sympathique, illustre des pratiques qui seraient courantes dans maintes organisations à l’échelle de la planète. Mais comme il est rare de voir sur un clip qui évoque les activités des bureaux à l’international d’une entreprise québécoise, nous avons voulu savoir davantage à cet effet…
*NDLR La présence d’un jeu de mots ici est fortuite.
Tisser des liens
Dans le cadre d’une demande de commentaires formulée par Direction informatique, l’équipe des communications de CGI a fait parvenir un article d’un bulletin interne qui porte sur ce vidéo produit par des employés de ses bureaux indiens. On y relate que le vidéo a été présentée dans plusieurs réunions et séances corporatives internes, en plus d’avoir fait l’objet d’une publicité par le bouche-à-oreille.
« Pour la tournée annuelle de l’an dernier, nous avons voulu créer un hymne à CGI qui exprime la passion et la philosophie de l’organisation », explique dans l’article Pradipta Banerjee, le directeur des ressources humaines chez CGI en Inde. « C’est [l’assistant directeur des ressources humaines] qui en avait eu l’idée et les membres qui ont participé à la démarche voulaient que ce soit un effort de création qui témoignerait de leur esprit de camaraderie ainsi que de leur appréciation de CGI et de leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. »
L’article indique que les paroles ont été écrites par trois employés et que des auditions ont été réalisées pour choisir de bons chanteurs et danseurs qui ont pratiqué le numéro pendant un mois. Le succès aurait été tel que le clip est présenté lors des séances d’intégration des nouveaux employés.
À Montréal, le vice-président responsable des communications et des relations avec les investisseurs de CGI, Lorne Gorber, fait aussi état d’une appréciation envers cette initiative de l’équipe indienne. Il affirme qu’il n’y a rien d’inhabituel dans ce vidéo au niveau culturel, en soulignant que des entreprises indiennes du secteur des TI, dont Infosys, se dotent d’un hymne. On peut effectivement voir des vidéos de chansons de la sorte sur YouTube, dont celle-ci, tout comme des courts métrages filmés par des employés de bureau, comme celui-ci.
« CGI, en plus d’avoir comme les autres entreprises une vision, des valeurs, etc., commence par un rêve. Ce vidéo était à plusieurs égards la personnification d’un rêve en créant de la valeur, en travaillant ensemble et en ayant du plaisir », affirme M. Gorber.
Le responsable des communications souligne que le ratio de rotation aux bureaux de CGI en Inde est de 10 %, alors que la moyenne en Inde était de 30 % avant l’éclosion de la récession, ce qui entraîne des défis de ressources humaines, de formation et de coût au niveau de la productivité. Il confirme que les activités de renforcement d’équipe et de loisir font partie de la culture d’entreprise en Inde et revêtent une grande importance, alors que les employés doivent souvent consacrer plusieurs heures à voyager entre la maison et le travail et passer beaucoup de temps au bureau.
« C’est important de leur offrir des activités qui leur permettent d’être productifs, mais aussi de faire le vide », dit-il en précisant que les multinationales indiennes en font tout autant sur leurs campus.
Expression dissidente
Quelques jours après la parution de ce vidéo sur YouTube, un internaute a publié un pastiche (spoof en anglais) du clip. Le texte ajouté en surimpression, tout comme quelques commentaires laissés par quelques internautes, n’est pas élogieux envers CGI.
M. Gorber, qui a visionné le vidéo et reçu plusieurs courriels à cet effet, mentionne que sa première inquiétude portait sur l’émetteur du vidéo, s’il s’agissait d’un employé de l’entreprise en colère. Un énoncé publié en réponse à la question d’un internaute laisse croire qu’il s’agirait d’un ancien employé d’une entité acquise l’an dernier par CGI.
M. Gober explique que l’entreprise aurait pu avoir recours à des mesures qui auraient résulté en le retrait de le vidéo de YouTube. Mais il a préféré s’abstenir de faire une telle action et éviter de jouer un jeu de chat et de souris sur Internet.
« Il faut trouver le bon équilibre entre, d’un côté, le retrait du vidéo et son remplacement par une mention indiquant qu’il a été effacé à la suite d’une demande par écrit du Groupe CGI, et de l’autre, le premier amendement et la liberté d’expression. »
« En considérant les commentaires qui ont été publiés [à ce sujet] et en considérant que nous avons 26000 employés à travers le monde, les conséquences négatives sont limitées. […] Je ne me sens pas à l’aise de faire un raid pour faire retirer ce vidéo. Je crois que chacun a un point de vue et si ce n’est pas [sur YouTube], la même personne peut le publier dans un autre média ou d’une autre façon. »
M. Gorber ajoute qu’il est important pour lui, à titre de gestionnaire de la réputation de CGI, d’être au courant de ce qui existe, mais il pas être reconnu comme une personne qui ‘police’ ce qu’il y a sur Internet. « Je préfère recueillir la rétroaction et en quelque sorte montrer au reste des employés, des actionnaires et des clients que nous ne sommes pas le genre d’endroit qui encourage le genre de comportement qui est vu dans ce pastiche. »
Phénomène?
M. Gorber indique, en terminant, que l’entreprise n’incitera pas ses autres divisions à faire des vidéos ou à composer des hymnes, en préférant que du contenu de la sorte provienne d’initiatives personnelles d’employés.
Qui sait, peut-être que cette histoire donnera des idées à des employés d’entreprises au Québec…