Le développement économique rapide de la Chine incite nombre d’entreprises à se tourner vers ce marché très particulier et paradoxal. 137 millions de Chinois naviguent sur un Internet censuré. Des milliers de copies illégales de logiciels proviennent de la Chine. Observations sur l’Empire du Milieu.
Un récent rapport de recherche du Pew Internet & American Life Project relate que le nombre d’internautes en Chine était estimé en janvier dernier à 137 millions de personnes. Cette population d’utilisateurs d’Internet est en évolution constante et augmente dans une proportion importante : 18 % de croissance en 2004 et 2005, 23 % en 2006.
La Chine arrive en deuxième place derrière les États-Unis qui comptent une population d’internautes qui se situe entre 165 millions et 210 millions selon l’étude consultée, mais dont le taux de croissance reflète un marché beaucoup plus mature, qui se situe sous les 10 % depuis plusieurs années. Tant et si bien qu’on estime que le nombre d’internautes chinois devrait dépasser le nombre de leurs collègues américains au cours des prochaines années.
Cela aura forcément un impact sur le Web. Les chercheurs du Pew Internet & American Life Project ont consulté déjà des experts à ce sujet. Certains croient que cela aura un impact sur la langue dominante sur Internet qui pourrait bien devenir le chinois. D’autres croient que l’anglais continuera de dominer.
Une chose est certaine, l’espace chinois deviendra de plus en plus important sur le Web. Des outils de traduction automatique devraient faciliter l’accès à des contenus dans des langues étrangères, mais on sait que la précision de tels outils laisse souvent à désirer. L’étude de Pew fait remarquer qu’au moins en Chine, la croissance d’Internet a, à tout le moins, le mérite de permettre aux différentes communautés et minorités chinoises de communiquer, la langue écrite étant la même à travers le pays alors que les différents dialectes en communication orale créent des barrières importantes de communications entre les communautés.
La censure du contenu, qui choque les Occidentaux d’entrée de jeu, est un autre aspect de la dynamique Internet qui crée un défi tant pour les organisations étrangères qui veulent conquérir le marché chinois que pour les autorités chinoises elles-mêmes. Le contrôle et la censure nécessitent une infrastructure et une police de l’Internet qui doit croître au même rythme que le déploiement du réseau lui-même. Ce n’est pas un mince défi. Les autorités arriveront-elles à garder le rythme? Les utilisateurs continueront-ils de trouver des moyens de contourner la censure et le contrôle? En attendant, comme le souligne le rapport de Pew : un fournisseur Internet qui héberge un site pornographique est passible de la peine de mort…
Des tonnes de copies
Un autre aspect de la dynamique particulière des technologies de l’information en Chine est sans doute le phénomène des copies. Il semble même que ce soit carrément une industrie, comme en fait foi une série d’arrestations au cours des deux dernières semaines en Chine.
En effet, les autorités chinoises, avec la collaboration du FBI américain, ont procédé à des saisies et au démantèlement d’un important réseau de piratage de logiciels qui était en exploitation dans la province de Guangdong (sud de la Chine) depuis plus de six ans. Le groupe de contrefacteurs produisait des copies illégales de logiciels de Microsoft et de Symantec, selon le FBI.
En Chine, quelque 290 000 disques ont été saisis, ainsi que 7 millions de dollars d’actifs divers. Les limiers du bureau de Los Angeles du FBI, qui ont participé à l’opération, ont de leur côté mis la main sur des logiciels copiés d’une valeur de 2 millions de dollars et plus de 700 000 $ d’actifs divers.
D’autres saisies se sont déroulées dans la région de Shenzhen, d’où proviennent, selon la police fédérale américaine, près de 70 % des articles contrefaits qui sont écoulés sur le marché des États-Unis. Six chaînes de fabrication et installations de vente au détail ont été démantelées et environ 47 000 CD de logiciels Microsoft contrefaits ont été confisqués.
Le niveau de sophistication des opérations de copie était tel qu’il était difficile pour les experts de reconnaître les faux, rendant ainsi pratiquement impossible pour les consommateurs et les revendeurs de savoir s’ils avaient en main des originaux ou des copies illégales des produits.
C’est par des méthodes criminalistiques que les experts ont réussi à retracer les copies illégales qui dataient d’aussi loin que mai 2001 en utilisant jusqu’à 175 caractéristiques permettant d’identifier l’origine du disque.
Microsoft estime que ces activités de piratage l’ont privé de revenus d’environ 2 milliards de dollars au cours des six dernières années. La firme de Redmond a souligné que certaines informations clés ayant permis de retracer l’origine de copies pirates, provenaient du système de vérification en ligne de l’authenticité des logiciels de Microsoft. Près de 1 000 personnes, qui se sont fait dire que leur logiciel n’était pas légal, ont fourni leur CD de Windows XP, disques qui ont par la suite été reliés au réseau de piratage.
Il s’agirait de la plus importante opération du genre à avoir été démantelée.
Informations additionnelles : Jeremy Kirk – IDG News Service – Londres
Patrice-Guy Martin est rédacteur en chef du magazine Direction informatique.