La dernière succursale en brique et mortier ferme ses portes. Selon l’ex-propriétaire de l’entreprise Robert Cajolet, l’effondrement du marché du livre d’informatique et la domination d’Internet auront eu raison de la librairie francophone spécialisée en informatique.
Le secteur québécois des technologies de l’information a tourné une page d’histoire la fin de semaine dernière, alors que la dernière succursale de Camelot-Info, une librairie francophone spécialisée en livres d’informatique, a fermé définitivement ses portes.
Les vitrines de la succursale du carré Philipps, au centre-ville de Montréal, sont recouvertes de papier brun, un signe inévitable que le commerce est en phase de fermeture et que du personnel s’affaire à empaqueter l’inventaire restant. Dans la vitrine, dans un message indiquant que le magasin a fermé ses portes le 17 janvier, l’établissement remercie la clientèle de sa fidélité et l’invite à visiter le site transactionnel d’Archambault, une filiale de l’entreprise québécoise Quebecor Media.
Le site Web de Camelot-Info, qui hébergeait autrefois un site transactionnel mais n’avait qu’une vocation informative depuis quelques années, affichait un message similaire, avant de rediriger automatiquement l’internaute vers le site du Groupe Archambault. Ce dernier, par le biais de l’entreprise mère Quebecor Media, avait fait l’acquisition des actifs de Camelot-Info en 2000. Le message affiché précise le nom et les coordonnées d’une personne-ressource à l’intention des clients commerciaux et institutionnels.
En 2006, la librairie spécialisée avait fait l’objet d’une restructuration majeure lorsque ses propriétaires ont mis la clé dans la porte de toutes les succursales, à l’exception de celle du carré Philipps, mais aussi du site transactionnel dans Internet.
Au moment de mettre en ligne, il avait été impossible d’obtenir des commentaires de la part de Quebecor Media.
Signe des temps
Robert Cajolet, l’ancien propriétaire de Camelot-Info, avait acheté en 1997 l’entreprise fondée par Guido et Francine Rosenthal en 1978. Il oeuvre maintenant à titre de président d’une entreprise nommée Tectacom, qui oeuvre dans le domaine des télécommunications internationales. Lorsque rejoint par Direction informatique, M. Cajolet a attribué la fermeture de Camelot-Info à deux causes, soit la quasi-disparition des besoins pour les livres d’informatique et l’essor d’Internet à titre de source d’information.
« Ce qui est arrivé est tout simplement que le marché pour le livre informatique, à toutes fins pratiques, s’est tellement détérioré que c’était devenu impossible pour [Archambault] de continuer tout en étant profitable, estime l’ancien propriétaire de la librairie. Le marché, au cours des derniers sept ans, a changé radicalement parce qu’il y a plus d’information disponible via Internet. »
« Au niveau global, les ventes des éditeurs ont chuté de plus de 50 % au cours des dernières années. Si les ventes des éditeurs disparaissent, par extension, Camelot-Info, en étant spécialisé dans le livre informatique, ne pouvait autrement qu’en être extrêmement affecté. »
Évolution des besoins
M. Cajolet souligne que le besoin pour les livres informatiques n’est plus ce qu’il était à l’époque de « l’âge d’or de l’informatique » qu’il situe entre 1990 et 2001. « Déjà, à la fin de l’année 2000, cela a commencé à disparaître. Dans l’année qui a suivi la transaction – j’avais travaillé avec Quebecor durant la période de transition – on s’est aperçu qu’il était évident que le besoin des gens pour les livres informatiques était disparu », relate-t-il.
« Au début, les clients étaient les spécialistes de l’informatique, comme les informaticiens, les étudiants, les ingénieurs. Mais à partir de 1994 jusqu’en 2000, c’était le grand public qui s’achetait un PC qui venait s’acheter un livre pour apprendre à utiliser Word, Excel ou les autres programmes populaires. Cela constituait un marché substantiel, en plus de tous les étudiants en informatique, qui étaient en demande avec la venue de la micro-informatique, et des grands utilisateurs de livres comme Nortel, qui avait des milliers d’ingénieurs et achetait beaucoup de livres. »
M. Cajolait que le marché a disparu, en quelque sorte, avec Internet qui a procuré une accessibilité à la connaissance. « À ce moment, le besoin d’aller acheter un livre disparaissait. Au début des années 1990, il n’était pas rare de voir arriver un ingénieur le matin qui avait passé la nuit à essayer de régler un problème, et venait acheter un livre pour en lire un chapitre qui permettrait de régler son problème. Maintenant, avec Internet, il va sur Google, pose ses questions et obtient une réponse en quelques secondes. Il reste encore des livres pour la recherche, qui sont disponibles sur Amazon, qui vend à rabais en plus… »
Somme toute, M. Cajolet garde d’excellents souvenirs de ses années à titre d’exploitant de Camelot-Info. « C’était une aventure merveilleuse, mentionne-t-il, avec un ton de voix enjoué. C’était excitant d’avoir des clients qui venaient en magasin et s’aidaient mutuellement… C’était un peu comme une agora de la connaissance informatique. »
Jean-François Ferland est journaliste au magazine Direction informatique.